Échos d’une Grandiose Démonstration Nationale

Year
1910
Month
9
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8
Article Title
Échos d’une Grandiose Démonstration Nationale
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1, 6, 8
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Échos d’une Grandiose Démonstration Nationale Texte du sermon prononcé à Memramcook par M. l’abbé S. J. Doucet, à la célébration du 30e anniversaire du choix de l’Assomption comme fête nationale des Acadiens. Fecit mihi qui potens est. Celui qui est puissant m’a fait de grandes choses. (Saint Luc. Ch. 1, v. 49) Mes Chers Frères, Entre toutes les fêtes instituées en l’honneur de la très sainte Vierge il n’en est pas que l’Eglise célèbre avec autant d’allégresse que celle de sa glorieuse Assomption. Le seul nom de cette fête fait tressaillir de joie les enfants de Marie et donne à leurs pensées en élan vers le ciel. L’Assomption, c’est un cri de triomphe, une vision de lumière et de gloire. L’Assomption, c’est, après une résurrection anticipée, la pleine glorification de la Mère de Dieu, -- glorification selon son corps aussi bien que selon son âme, -- glorification qui fut le couronnement de toutes les grandes choses que le Tout-Puissant avait faites en sa faveur. L’Assomption de la Bienheureuse Vierge en corps et en âme au ciel – ce que veut dire le seul mot « Assomption » appliqué à Marie – n’a pas encore été l’objet d’une définition proprement dite par l’Eglise, mais le monde catholique tout entier y a toujours cru, et il y a longtemps que l’Eglise a sanctionné cette croyance. La meilleure preuve que cette croyance est approuvée par l’Eglise catholique, c’est la fête même de l’Assomption qu’elle a instituée et qu’elle célèbre depuis plus de mille ans. L’Assomption a été pendant un certain nombre d’années la fête nationale et officielle de la France. C’était la France chrétienne, la France de nos aïeux. Il y a déjà trente ans que, dans cette belle et grande paroisse de Saint-Thomas de Memramcook, assemblés sous le tort de notre premier collège de nombreux représentants de toutes les les parties de l’Acadie choisirent l’Assomption comme fête nationale des Acadiens – choix qui, peu de temps après, fut formellement approuvé par tous nos évêques d’alors. Et aujourd’hui, avec les signes d’une vive foi et d’une piété sincère, les habiants ce cette paroisse, de concert avec un très grand nombre de membres des paroisses avoisinantes et d’ailleurs, fêtent joyeusement le trentième anniversaire de cet heureux évènement et renouvellement dans cette enceinte sacrée leurs vœux de fidélité envers la reine de l’Assomption, patronne de l’Acadie. J’ai sous les yeux les inscriptions patriotiques : Dieu sauve l’Acadie, Que Marie protège les Acadiens. Je vois aussi autour de moi suspendus aux murs de ce temple le tricolore marqué d’une étoile – l’emblème de la Vierge qui est appelée Stella matutina, Etoile du matin, Maris Stella, Etoile de la mer. C’est le drapeau de la patrie, c’est le drapeau acadien. Oh! Dieu sauvera l’Acadie, parce qu’elle s’est placée sous la garde de sa puissante Mère. Oh! combien cette démonstration religieuse doit être agréable à la reine de l’Assomption. Comme cette nombreuse assistance parle éloquemment de la dévotion de notre peuple envers Marie! L’ayant délibérément choisie pour notre patronne, combien de faveurs, tant dans l’ordre temporel que spirituel, ne pouvons-nous pas attendre de sa part, si nous lui demeurons fidèles! Quel devrait être en ce jour, dans ce temple sacré, le sujet de nos réflexions? De qui ou de quoi devrions nous parler? Parlons de Marie, mes chers frères, parlons de Marie. De Marie, nous ne pouvons jamais parler assez, dit Saint Bernard – De Maria nunquam satis. En cette circonstance solennelle et particulière, entretenons-nous des grandeurs et des prérogatives de notre auguste patronne. C’est Marie elle-même qui dans son sublime cantique, le Magnificat, nous dit que celui qui est puissant lui a fait de grandes choses. Fecit mihi magna qui potens est. Quelles sont, mes chers frères, les grandes choses, les faveurs extraordinaires, dont Marie a été l’objet de la part du tout Puissant? Que la très sainte Vierge veuille bien m’aider à les rappeler dignement à votre pieuse attention. En premier lieu, nous considèrerons la plus grande des grandes choses que le Seigneur a faites en sa faveur, la prérogative qui est la base des grandeurs de Marie et la raison d’être de tous ses autres privilèges – sa Maternité divine. En second lieu, nous nous arrêterons pendant quelques instants à la considération de la principale des grâces qu’elle a reçues comme grâces préparatives à sa maternité divine – l’insigne privilège d’une conception immaculée; et aussi à la considération de la grande faveur que le Tout-Puissant lui a accordée comme complément et comme couronnement de toutes les autres – sa glorieuse Assomption. Benedicta tu in Mulieribus. Bénie entre toutes les femmes, Marie le fut de toute éternité. C’est de toute éternité que fut décrétée l’incarnation Fils de Dieu; or, dans les desseins divins, l’incarnation du Fils de Dieu devait s’accomplir avec la coopération d’une vierge, et qui est cette vierge, mes chers frères, si ce n’est la Vierge Marie? La très-sainte Vierge fut donc comprise avec son divin Fils dans le décret éternel du mystère de l’Incarnation. Aussi l’Eglise lui applique-t-elle ces paroles de la Sainte-Ecriture : Ab oeterno ordinata sum, et ex antiquis, antequam terra fieret – Dès l’éternité je fut établie, dès les temps anciens, avant que la terre fût faite. Marie, dit Saint Bernard, fut l’œuvre de l’éternel Conseil – opus oeterni Concilii; la grande affaire de tous les siècles – Negotium soeculorum. Oui, de toute l’éternité l’humble vierge Marie, le lys d’Israël, attiva le regard du Très-Haut. Ayant tout l’avenir présent à ses yeux, il la bénit et la choisit dès lors pour être la Vierge-Mère qu’il voulait pour l’incarnation de son Fils bien-aimé. Seule une vierge-mère pouvait être digne d’être la mère sans cesser d’être vierge ne pouvait enfanter qu’une Dieu. Vierge-mère de Dieu, Marie sera la seconde Eve qui réparera le malheur de la première. La seconde Eve, c’est Dieu lui-même qui s’est chargé de l’annoncer à la terre, et cela quatre mille ans avant sa naissance, car c’est d’elle qu’il parla quand il dit au serpent infernal qui avait causé la chute de la première Eve : Ipsa conte ret caput tuum – elle t’écrasera la tête. Sept cent ans avant sa naissance, Dieu voulut qu’elle fût de nouveau annoncée au monde, et cette fois elle fut prédite comme une personne constituant par son état une grande merveille, un prodige inouï opéré par le Tout-Puissant lui-même – elle fut annoncée comme la Vierge Mère. Dabit Dominus ipse vobis signum, dit le prophète Isaïe – Le Seigneur lui-même vous donnera un signe, -- Ecce virgo concipiet et periet filium – une vierge concevra et enfantera un fils, -- et il sera appelé Emmanuel. L’Evangéliste Saint Mathieu nous donne l’interprétation de ce nom en disant qu’il signifie Nobis cum Deus – Dieu avec nous. Dans la plénitude des temps, quand arrivera l’heure de l’exécution du plan divin, c’est un messager céleste qui en parlera sur la terre, et c’est directement à l’humble vierge de Nazareth qu’il parlera et qu’il annoncera le dessein du Très-Haut à son égard. Ave – Je vous salut, lui dit l’ambassadeur de Dieu. L’humble vierge n’est pas encore Vierge-Mère, elle n’est pas encore Mère de Dieu, et elle est déjà digne d’être saluée par les anges. C’est qu’elle était déjà élue de Dieu pour remplir ce sublime office et il ne manquait plus que son consentement. Gratia plena, continue le messager céleste, Dominus tecum; benedicta tu in mulieribus – vous êtes pleine de grâce; le Seigneur est avec vous; vous êtes bénie entre toutes les femmes. L’humble Vierge fut troublée de cette salutation extraordinaire. L’Angle la rassura. Il lui dit en la nommant par son nom, ce qu’il n’avait pas encore fait : Ne timeas Maria – ne craignez point, Marie – invenisti enim gratiam apud Deum – vous avez trouvé grâce devant Dieu. Puis il lui apprend le grand dessein de l’Eternel à son égard. Dieu veut qu’elle devienne mère de son Fils unique, la seconde personne de l’adorable Trinité. Marie hésite à dire oui et tout dépend de son consentement. Elle hésite, car elle veut rester vierge. Elle demande comment s’accomplira la grande chose dont l’ange lui parle. Ce sera, lui répond le messager céleste, par l’opération du Saint-Esprit et par la vertu du Très-Haut – Spiritus Sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi obumbrabit tibi. N’hésitez plus, O Marie, à donner votre consentement. C’est le Très-Haut qui le sollicite par son ambassadeur; tout le ciel l’attend; la terre a soif de son salut et demande à grand cris son Rédempteur si longtemps désiré; et vous, O Marie, par votre consentement et par un miracle ineffable, vous deviendrez Mère de Dieu sans cesser d’être vierge! Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum – Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole. A la parole de Marie, le Fils de Dieu revêtit notre nature; la divinité s’allia à l’humanité; le ciel applaudit; le monstre infernal siffla de rage et de fureur; Marie devint la seconde Eve; elle devint Vierge Mère, Marie est Mère de Dieu! Mère de Dieu – quel sublime office! maternité divine – O dignité sans pareille! Qui dit Mère de Dieu dit on océan de grâces et de perfections. Qui dit Mère de Dieu dit tout ce que l’on peut dire de plus grand et de plus beau de Marie. Dans le mystère de l’Incarnation, il y a deux choses qui étonnent, qui confondent l’esprit humain : la première c’est que Dieu ait pu se faire homme sans cesser d’être Dieu; la seconde, c’est que Marie ait pu devenir mère de Dieu sans devenir Dieu. Elle le serait devenue si cela était possible à une créature. Il nous semble même que, en devenant mère de Dieu, elle ait dû être élevée au-dessus de lui, comme l’est une mère ordinaire par rapport à son fils. Elle l’eut certainement été, si Dieu n’était pas Dieu. Mais au moins, ne dut-elle pas devenir égale à Dieu en devenant sa mère? Oui, si Dieu pouvait avoir un égal. Mais Dieu n’a pas d’égal et ne pourrait en avoir, autrement il pourrait y avoir plus d’un Dieu, ce qui est impossible. Marie non plus n’a pas d’égal; c’est parce qu’il ne peut y avoir qu’une seule mère de Dieu. O Vierge sans pareille, s’écrie Saint Anselme, il n’y a rien qui puisse vous égaler, car tout ce qui existe est au dessous de vous. Dieu seul vous est supérieur, toutes les créatures vous sont inférieures. Est-il étonnant, mes chers frères, que, en essayant de représenter dignement la grandeur de la Maternité divine, les saints se soient quelquefois servi d’expressions qui, s’ils n’y avaient mis quelque restriction, exprimeraient les grandeurs de Dieu même et ne seraient appliquables qu’à lui-seul. Par le fait que la Bienheureuse Vierge est Mère de Dieu, dit Saint Thomas, le prince des théologiens, elle possède une certaine infinité du bien infini qui est Dieu. Qu’une femme ait conçu et enfanté un Dieu, dit Saint Bernard, cela a été le plus grand des miracles; car il a fallu, si je puis m’exprimer ainsi, que par une infinité de perfections et de grâces, cette femme fût élevée à une sorte d’égalité divine, égalité que jamais créature n’avait reçue. Tous les saints s’extasaient en considérant les grandeurs et les vertus de Marie et s’évertuent à proclamer dignement ses louages. Saint Bernardin appelle Marie la magnificence de Dieu – Dei magnificentiam. Qu’y a-t-il de plus grand, dit Saint Ambroise, que la Mère de Dieu, qui a renfermé dans son sein la grandeur de la majesté suprême. Dieu, dit Saint Bonaventure, ne pouvait faire rien de plus grand que Marie. Et pour citer encore une fois Saint Thomas d’Aquin : Dieu, dit cet illustre docteur de l’Eglise, ne pouvait rien faire de meilleure que l’humanité du Christ, parce qu’elle est unie à Dieu; rien de meilleur que le bonheur du ciel, parce que c’est la jouissance de Dieu; rien de meilleur que la Bienheureuse Vierge Marie, parce qu’elle est la mère de Dieu. A qui, mes chers frères, pouvons-nous comparer la mère de Dieu? A qui pourrions-nous comparer celle que nous appelons Mater Creatoris, Mère du Créateur, qui est mère de son propre Créateur; celle que nous invoquons sous le titre de Mater Salvatoris, Mère du Sauveur, qui est mère de son propre Sauveur? Cui comparabo te, vel cui assimilabo te filia Jerusalem? A qui vous comparerai-je, ô file de Jérusalem? A qui puis-je dire que vous ressemblez? Vous comparai-je au patriarches et aux prophètes? Les patriarches ont été les grandes serviteurs de Dieu et les guides de son peuple, mais vous, ô Marie, en même temps que vous êtes l’humbre servante du Seigneur, vous êtes sa mère, et mère de Dieu, vous êtes la gloire de Jérusalem. La joie d’Israel, l’honneur du peuple de Dieu – Tu gloria Jerusalem, tu laetitia Israel, tu honorificentia populi nostri. Les prophètes annoncèrent le Rédempteur du monde, mais vous, ô Marie, vous avez conçu et enfanté celui qui fut l’objet de leurs prophéties. Vous comparerai-je aux apôtres? Les apôtres furent les ministres Jésus-Christ et les propagateurs de son Evangile, mais vous, ô Marie, vous avez donné au monde celui qui nous a donné l’Evangile. Vous comparerai-je aux anges? Les anges sont les exécuteurs des ordres du Très-Haut, mais vous, ô Vierge incomparable, vous êtes celle à qui un des plus brillant de ces esprits célestes est venu de la part du Tout-Puissant vous apporter un message qui vous a établie reine des anges, reine du ciel! Il n’y a donc personne, mes chers frères, ni sur la terre ni dans la cieux à qui nous puissions comparer Marie, et il n’y a aucune créature à qui elle ressemble; mais elle ressemble à Dieu autant qu’il est possible à un être créé de lui ressembler. Pourrait-il en être autrement de celle qu’il a choisie de toute éternité pour être sa mère? Nous ne pouvons douter, mes chers frères, que Marie ne soit véritablement mère de Dieu. En plus d’un endroit, l’Ecriture sainte parle de marie comme étant la mère de Jésus était là, dit Saint Jean, en parlant des noces de Cana. La mère de Jésus était debout près de la croix, dit encore Saint Jean. Marie, de qui est né le Christ, dit Saint Mathieu. Or Jésus, le Christ, qui set fils de Marie, est le Fils de Dieu, et le Fils de Dieu est Dieu comme son Père; donc Marie est mère de Dieu. Il est vrai que c’est selon sa nature humaine, et non selon sa nature divine, que Jésus est fils de Marie, mais il n’en est pas moins son fils; comme c’est selon sa nature humaine – c’est en tant qu’homme et non en tant que Dieu que Jesus-Christ a souffert et est mort pour nous, mais il n’est pas moins vrai de dire que c’est Dieu qui a souffert et qui est mort, autrement sa passion et sa mort n’auraient pas sauvé le monde. Une mère est mère de la personne de son fils, et non seulement de sa nature. Or, bien qu’il y ait deux natures en Jésus-Christ, fils de Marie – la nature divine et la nature humaine – il n’y a en lui qu’une seule personne, et cette personne est divine, elle est Dieu; donc Marie est Mère de Dieu. S’il y avait deux personnes en Jésus Christ – une personne humaine aussi bien qu’une personne divine – Marie aurait conçu et enfanté un homme et non un Dieu, et on ne pourrait l’appeler mère de Dieu. Pareillement, c’est le sang d’un homme et non celui d’un Dieu qui eut été versé sur la croix, et son sacrifice n’aurait pu avoir qu’une valeur limitée. Au cinquième siècle. Nastorius enseigna qu’il y a deux personnes en Jésus-Christ aussi bien que deux natures, que Marie (illisible) mère de la personne humaine, que, par conséquent, elle n’est pas mère de Dieu. Mais dans un concile générale assemblée à Ephèse, l’Eglise condamna la nouvelle hérésie; elle anathématisa Nestorius; solennellement elle proclama comme article de foi la Maternité divine, et au cri de Theotocos – Mère de Dieu – cri qui retentit dans toute la chrétienté, les Pères du Concile rendirent à Marie le titre et l’honneur qui lui étaient dûs. Nous avons longuement considéré les grandeurs de Marie, mère de Dieu; arrêtons-nous maintenant à quelques considérations sur la manière qu’elle fut préparée à remplir son sublime office. Ayant choisi Marie pour être sa mère, Dieu s’obligeait par là-même de la préparer convenablement à une pareille dignité. N’y allait-il pas de l’honneur et de la gloire de Dieu, comme de l’honneur et de la gloire de Marie elle-même qu’elle ne fût pas élevée au sublime office de la maternité divine sans en être rendue parfaitement digne et sans être capable d’en remplir les devoirs? Ce qui touche la mère de Dieu touche Dieu lui-même, parce qu’elle est sa mère. La gloire de Marie n’est pas plus séparable de celle de son fils que ne l’est le fruit de ses entrailles de l’amour de son cœur. Mais Dieu vît à ce qu’il ne manquât à Marie aucune des qualités qu’elle devait avoir pour être digne d’être sa mère. Dans les œuvres que le Tout-Puissant opère directement lui-même pour l’accomplissement de ses desseins, il ne peut y avoir aucune imperfection, rien qui puisse lui faire manquer son but. Mon seulement elles répondent infailliblement à leur destinée, mais elles correspondent parfaitement au plan divin, au divin idéal. Comme l’Eglise catholique, qui enseigne la vérité et confond l’erreur infailliblement, parce que Dieu l’a établie pour cela sur la terre et l’a investie de l’autorité et de toutes les qualités nécessaires à cette fin; comme le ciel, qui fait le parfait bonheur des élus, parce que Dieu l’a fait assez beau pour y récompenser la vertue d’une manière digne de sa royale magnificence, ainsi la bienheureuse Vierge Marie a rempli son rôle sublime d’une manière digne de Dieu et d’elle-même, parce que Dieu l’avait rendue parfaitement digne d’être sa mère. Qu’est-ce que Dieu n’a pas fiat pour rendre Marie digne de la maternité divine? Quelle abondance de grâces ne lui a-t-il pas accordées? Il l’en a remplie. Gracia plena. Elle qui devait être élevée au dessus de toutes les autres créatures, n’a-t-elle pas dû recevoir plus de faveurs célestres que tous les saintes ensemble? Marie, dit Saint Bonaventure, est pleine de grâce; elle est l’océan des grâces. Comme tous les fleuves se jettent dans la mer, ainsi toutes les grâces qu’ont eues les anges, les patriarches, les prophètes, les apôtres, les martyrs, les confesseurs, les vierges, se sont rencontrées en Marie. Dieu, dit Saint Bernard, a condensé en Marie toutes les beautés de la création universelle – Deus totius mundi pulchritudinem posuit in Maria. La plus grande grâce que Dieu ait accordée à Marie pour la rendre digne d’être sa mère, c’est d’avoir été préservée de la tache originelle, c’est l’insigne privilège de son Immaculée Conception. Pouvait-il ne pas lui accorder ce privilège? Est-ce que le Dieu trois fois saint aurait pu s’allier en qualité de fils à une créature qui eut été souillée de péché même pour un seul instant de sa vie, surtout pour le premier instant? Est-ce que le Seigneur des seigneurs, le Dieu des armées, aurait pu choisir pour sa mère une femme qui eut été un seul instant de sa vie, et surtout le premier instant, sous l’empire du démon, son éternel ennemi? Est-ce que le Roi de gloire, le grand Dieu du ciel, eut pu souffrir que le démon fût capable de lui dire en toute vérité : Votre mère, ô Dieu, m’a appartenu même avant qu’elle fût a vous, car j’ai eu droit sur elle qui fut mon esclave vous l’avez établie reine de votre royaume; celle qui fut ma fille, vous l’avez faite votre mère! Oh! Jamais le démon n’a pu outrager Dieu de semblables paroles. Il l’aurait pu si Marie n’eut pas été conçue sans péché. Mais Marie fut conçue dans une parfaite sainteté. Jamais sa belle âme, le chef-d’œuvre du Créateur, ne fut ternie de la moindre souillure, de la tache originelle ni d’aucune autre tache. Au premier moment de sa vie comme à chaque instant de son existence, Dieu a pu lui dire : Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te – Vous êtes toute belle, ô ma bien-aimée, et il n’est pas de tache en vous. Toute la vie de la Très-Sainte Vierge fut comme la continuation. Le rayonnement de son immaculée conception. Tout son être en resta pénétré, sanctifié, vivifié. Dans toute sa personne et pendant toute sa vie elle répondit et répond encore pleinement au divin idéal de la créature la plus parfaite qu’il puisse y avoir sur la terre ou au ciel. Marie fut et demeura l’immaculée Conception personnifiée. Elle en est plus que la personnification. De la grotte de Massabielle, à la seizième des dix-huit apparitions dont elle daigna favoriser la petite bergère de Lourdes, à Bernadette qui lui demanda comment elle s’appelait, avec un sourire divin elle répondit : « Je suis l’Immaculée Conception. » Nous venons de voir que la maternité divine de la Bienheureuse Vierge-Marie demandait, comme la principale grâce préparatoire, une conception immaculée; arrêtons-nous maintenant pour quelques instants à la considération du privilège que le Tout-Puissant lui a accordé comme complément de celui de son immaculée conception et comme couronnement de toutes les faveurs que sa maternité divine a attiré sur elle – sa glorieuse Assomption. Comme son divin Fils, Marie subit la loi de la nature. Un élan d’amour rompit l’attache qui reliait son âme à son corps. Elle dont la vie avait été un acte perpétuel d’amour de Dieu,-- amour qui, pour elle, depuis la naissance du Christ, avait été à la fois divin et naturel, puisque celui qu’elle aimait était son propre fils!—pouvait-elle ne pas mourir par l’intensité de son amour? Mais après sa sainte mort, que deviendra son corps virginal? Restera-t-il longtemps séparé de l’âme immaculée qui l’animait? Subira-t-il l’anéantissement du tombeau? Attendra-t-il la résurrection générale pour ressusciter? La chair et le sang dont fut formé le corps adorable du Christ deviendront-ils la pâture des vers? Non,--Nec dabis sanctum tuum videre corruptionem, dit la sainte Ecriture—Vous ne permettrez point que votre saint voie la corruption. Ces paroles qui s’appliquent principalement au corps de Jésus-Christ sont applicables aussi à celui qui a été pendant neuf mois le tabernacle du Dieu incarné. Non, le corps de la Vierge immaculée est trop précieux pour que celui qui y a pris la forme humaine le laisse subir le sort des autres dépouilles mortelles. Celui qui a préservé l’âme de sa mère de la tache originelle, parce que c’était l’âme de sa mère de la tache originelle, parce que c’était l’âme de sa mère, saura aussi bien préserver son corps de la corruption du tombeau, parce que c’est le corps de sa mère. Le premier privilège appelle le dernier. Mais dans sa vénération filiale pour le corps de sa mère, le Fils de Dieu n’exercera-t-ils sa puissance que pour rendre ce corps incorruptible? Oh! comme son propre corps, celui de sa mère sortira vivant du tombeau. Mais comment Marie ressuscitera-t-elle? C’est celui qui est puissant qui fera cette grande chose en sa faveur. C’est Jésus-Christ qui du haut du ciel où il était déjà monté ressuscita sa mère, et cela peu de temps après la mise de son corps au tombeau, ainsi que nous l’apprend la Tradition. Comme sur lui-même. La mort n’a pu avoir sur elle qu’une victoire passagère. Elle fut si incomplète cette victoire que la mort de la Bienheureuse Vierge Marie fut considérée plutôt comme un sommeil qu’une mort réelle. C’est ce que nous dit la fête appelée fête de la « Dormition » de Marie que l’Eglise célébrait anciennement en son honneur. Était-ce pour continuer à vivre sur la terre que Marie ressuscita? Non, puisque, étant mort à l’âge de 72 ans comme nous l’apprend la Tradition, son séjour ici-bas avait été suffisamment prolongé. D’ailleurs, elle avait rempli la mission pour laquelle elle avait été créée. Sa coopération au mystère de l’Incarnation, et par autant à celui de la Rédemption, était accomplie. Sa résurrection ne pouvait donc être que le prélude de quelque chose de meilleur, de plus glorieux—le prélude de son Assomption. C’était pour la faire monter au ciel en corps et en âme que son divin fils voulut qu’elle sortît vivante du tombeau. Il voulait dès lors avoir sa mère toute entière à côté de lui dans son royaume. Aurait-il attendu à la résurrection générale pour la contempler sous la forme chérie sous laquelle elle se présentait à ses regards et à son affection pendant qu’ils étaient tous deux sur la terre? Et les anges n’avaient ils pas hâte de pouvoir contempler, aimer et louer leur Souveraine dans la plénitude de son être et de sa beauté? Toute la cour céleste demandait l’Assomption de la Vierge immaculée. Et nous qui invoquons si souvent le sacré cœur de Marie, n’aurions-nous pour objet de notre dévotion qu’un cœur privé de vie, un cœur desséché, un cœur réduit en poussière, un cœur n’existant plus que dans notre imagination, comme ce serait le cas si le corps de la Sainte Vierge avait subi L’anéantissement du tombeau? Serait-ce pour honorer un tel cœur que l’Eglise a institué la fête du cœur très pur de la Bienheureuse Vierge Marie—Pnrissimi Cordis Beatae Mariae Virginis—fête par laquelle elle sanctionne et encourage notre dévotion? Le grand pontife Léon XIII, en proclamant l’héroïcité des vertus du Bienheureux Jean Eudes, lui aurait-il décerné comme titre glorieux celui d’Auteur du culte liturgique des Saints Cœurs de Jésus et de Marie si le cœur de Marie n’existait pas aussi réellement que celui de Jésus? Pour la même raison, le fait que cette homme de Dieu a été le premier dans l’Eglise catholique à faire célébrer des fêtes solennelles avec offices propres composés par lui-même en l’honneur des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, n’aurait-il pas été plutôt un obstacle qu’un motif dans la voie de sa béatification? Oh! nous ne pouvons douter que le cœur de Marie ne soit comme celui de son adolable Fils, un cœur tout palpitant d’amour dans un corps glorifié et plein de vie. C’est que nous ne pouvons douter que, après une résurrection anticipée, Marie ne soit montée au ciel en corps et en âme dans une glorieuse Assomption. Oh! quelle ne fut pas la joie des anges en la voyant monter au ciel! Assumpta est Marie in coelum, gaudent Angeli, chante l’Eglise en la fête de l’Assomption—Marie est montée au ciel, les anges se réjouissent. Dans leur ravissement ne durent-ils pas s’écrier : Quae est ista qui progreditur si cut aurora consurgens. Pulchra ut luna, electa ut sol… Quelle est celle qui s’avance comme l’aurore naissante, belle comme la lune, éclatante comme le soleil? C’est votre Reine, ô anges du ciel; acclamez votre souveraine. C’est la Mère admirable – Mater admirabilis,--la Vierge-Mère que toutes les nations proclament bienheureuse—Beatam me dicent omnes generationes. Et quel ne dut pas être le ravissement de Marie elle-même! Quelle joie, quel bonheur de revoir son divin fils, son très doux Jésus! Avec quelle divine émotion elle dut répéter son chant de reconnaissance, son « Magnificat »! Magnificat annima mea Donimum – Mon âme glorifie le Seigneur. Marie le glorifiera éternellement, le Seigneur, et ses louanges lui seront plus agréables que celles de tous les chœurs des esprits bienheureux, parce que ce sont les louanges de sa mère. En terminant, je vous exhorte, mes chers frères, à rester toujours fidèles à la Reine de l’Assomption. Montrons-nous toujours dignes de notre auguste patronne. N’abandonnons jamais Marie, et elle ne vous abandonnera jamais. Un grand nombre de ceux qui ont abandonné Jésus-Christ ont commencé par abandonné Jésus-Christ ont commencé par abandonner sa mère. Aimons Marie; ayons pour elle une affection toute filiale parce qu’elle est notre mère. Dans les tentations et les dangers, ayons recours à sa pulssante intercession. Dieu est toujours disposé à écouter les prières de Marie, parce que ce sont les prières de Marie, parce que ce sont les prières de sa mère. Ayons donc en elle une confiance illimitée. Etant reine dans le royaume de sons fils, elle peut nous aider; elle le veut, parce qu’elle est pleine de bonté, parce qu’elle est la meilleure des mères, parce qu’elle est notre mère. Au milieu des tribulations et des misères dont est semée cette vallée de larmes, demandons lui de tourner vers nous ses regards miséricordieux – illos tuos misericordes aculos ad nos converte. Que faisaient nos pères dans les terribles épreuves qu’on leur a fait subir? Ont-ils cessé d’invoquer Marie? Oh! ils ont fait le plus grand nombre de pas dans le chemin de l’exil le chapelet de la Sainte Vierge à la main Bonne Sainte Vierge, ayez pitié de nous, ont-ils dû lui dire à chaque instant; Marie, seccurez nous; Mère de Dieu, priez pour nous. Marie a dû leur tendre une main secourable et les aider à surmonter les obstacles apparemment insurmontables qui se dressaient devant leurs pas, autrement ils n’auraient pu en si grand nombre poursuivre jusqu’au bout le chemin du retour et regagner leur chère Acadie. Quelque soient nos propres épreuves, ayons recours, nous aussi, à celle qui est appelée le Secours des Chrétiens. Que notre auguste patronne nous protège et nous bénisse! Qu’elle bénisse tous nos bienfaiteurs! Qu’elle bénisse nos collèges et nos couvents avec tous ceux et celles qui s’y dépensent pour répandre parmi nous les bienfaits d’une bonne et saine éducation! Qu’elle bénisse tous nos efforts dans la voie du bien! Sous sa protection et avec sa bénédiction, nous ne pouvons que prospérer et réussir sous tous les rapports. Sur la mer orageuse de ce monde, ayant Marie pour notre étoile, nous ne pouvons périr. Puissions-nous, ô notre sainte patronne, arriver un jour au part de la paix pour glorifier éternellement votre Fils avec vous, et pour vous chanter notre « Ave Maris Stella », de concert avec les anges, dans la jouissance de la félicité éternelle! Ainsi soit-il.