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UN POETE AU PAYS D’EVANGÉLINE
Je ne suis pas poète, mais j’aime les sons plaintifs et doux de la lyre frémissante, j'admire les chants harmonieux des enfants privilégiés de l’illustre mère des muses.
Tous les grands pays de l’univers ont eu leurs chantres particuliers, leurs troubadours et leurs trouvères, leurs poètes et leurs bardes. La France se glorifie de ses Corneille, de ses Racine, et, dans ce dernier siècle, de ses Lamartine et de ses Victor Hugo; le Canada est justement fier de ses Fréchette, de ses Lemay et de ses Gingras.— Et dans la vieille France d’Europe comme dans la jeune France d’Amérique, combien d’autres ont fait vibrer des accents pleins de nerf et de pur patriotisme; combien de penseurs inspirés ont donné de ces immortels coups de plume dont on vantera encore l’élégance dans la plus lointaine postérité.
Ici, où les roses commencent à bourgeonner sur les cendres de nos preux ancêtres, peut-être où étaient ces forêts qui ont retenti des sourds grondements du canon anglais, les jeunes rossignols de la nation commencent aussi à chanter. Quelle mélodie et quelle grâce originale et touchante dans leurs voix juvéniles.
Un poète déjà fort a chanté les larmes de la Mère du Christ, un autre a crayonné notre hymne national, et depuis peu un “Acadien” nous présente sous les formes de la poésie les belles paraboles des Saintes Ecritures.
Ne sont-ce pas là les premières racines du Permesse Acadien qui commencent à pousser?—Ne sont-ce pas là, messieurs, des signes précurseurs d’un brillant avenir littéraire. Oui, et la mélancolie native qui resplendira dans les œuvres de nos poètes les rendra plus chères à notre peuple né au milieu des combats et des larmes.
Sursum corda! Elevez vos cœurs bien-aimés jeunes gens; chantez maintenant que vous êtes libres, chantez le printemps et les amours; plus tard, lorsque vos ailes auront acquis leur dimension virile, vous chanterez nos exploits, nos vertus et notre gloire. Chantez!
Jos. A. A. CULLEN.