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Lettre de Monseigneur Richard
L’Apostolat.
L’apostolat exercé par tous les catholiques, sans exception, voilà le vrai moyen de sauver la société moderne, mais ce devoir incombe particulièrement aux sociétés catholiques.
Les Acadiens, comme toutes les autres nationalités, ont le devoir de s’organiser pour la défense de leurs droits nationaux et l’amélioration de leur condition. A part la Société Nationale l’Assomption, organisée pour l’Acadie toute entière et qui représente tous les Acadiens en Amérique, il existe une autre société nationale, établie dans le but de fournir à ses membres des avantages sociaux et nationaux et leur accorder une protection salutaire.
Ces deux sociétés acadiennes, sœurs par leur origine et par leurs aspirations, méritent le respect et l’encouragement de (illisible) ceux qui ont à cœur l’avancement de notre chère patrie, l’Acadie. Je suis heureux de les saluer avec reconnaissance et confiance et de leur souhaiter prospérité et succès. Comme il s’agit, en ce moment, de la « Société Mutuelle de l’Assomption », permettez-moi, chers compatriotes, de vous dire quelques mots sur votre mission, sur votre apostolat. Apostolat de la parole, apostolat des œuvres, apostolat de l’exemple.
I. Apostolat de la Parole.
L’apostolat de la parole s’exerce par divers moyens.
Je conseille aux succursales de la Société L’Assomption d’avoir souvent des conférences par des hommes profondément catholiques et vraiment patriotes, capables de laisser, dans les esprits et les cœurs, des impressions sincères et salutaires. La parole écrite, les livres, les journaux, la presse doivent être les aliments que notre Société doit chercher à répandre parmi nos membres. Ne serait-il pas possible d’organiser des bibliothèques locales afin de donner à nos membres une lecture intéressante et instructive? C’est un fait incontestable que la presse est aujourd’hui la directrice des esprits. Le génie du mal ne pourrait dédaigner ce puissant levier pour battre en brêche la citadelle de la vérité, cette ivraie qui empoissonne le champ du père de famille. Que nos succursales s’abonner à nos journaux acadiens et cherchent à les rendre dignes de leur noble mission. De plus mettez à la disposition de vos membres d’autres journaux, les plus propres à entretenir la vie religieuse et patriotique, et des revues périodiques qui traitent les questions d’actualité.
Un autre moyen de l’apostolat de la parole : C’est l’éducation. Un idée inspirée aux fondateurs de votre excellente Société; c’et d’y avoir établi la caisse écolière. Un prêtre d’origine Irlandaise disait dernièrement à un ami : c’est une idée splendide et opportune que de demander aux membres d’une société catholique et nationale de contribuer, d’une manière coopérative, à l’éducation de la jeunesse. Je félicite votre société d’avoir inauguré le plan d’instruire notre jeunesse acadienne. Faites un choix judicieux des élèves que vous enverrez à nos collèges acadiens et vous rendrez un grand service à la patrie.
Un troisième moyen de l’apostolat de la parole. C’est la conversation. Dans vos délibérations parlez notre langue maternelle. Efforcez-vous de perfectionner le parler français. Je crois qu’il existe dans la province de Québec une société organisée tout exprès pour aider la jeunesse à s’habituer à parler le français le plus correctement possible. J’engage nos succursales à s’abonner au Petit Journal du bon parler français. Faites un devoir à vos associés de toujours parler le français dans leur conversation au foyer, aux portes des églises les dimanches, dans les salons, partout. Pas de honte ni respect humain lorsqu’il s’agit de parler la langue apprise sur les genoux de nos mères acadiennes. Rien ne doit contrister leurs cœurs comme d’entendre leurs enfants parler en leur présence dans une langue étrangère et de recevoir des lettres des absents, écrites dans une langage incompréhensible pour elles. Elles veulent des nouvelles de leurs enfants, mais rendues dans une langage familier, qui va au cœur.
II. Apostolat des Œuvres
Les œuvres sont la démonstration palpable, évidente pour tous, de la vérité d’une doctrine.
« La Foi sans les œuvres est morte. »
Votre société, Messieurs, si elle ne produit pas des œuvres, elle est morte. Elle n’a pas sa raison d’être – on connaît l’arbre par ses fruits. Le but de sa fondation et de son existence, c’est d’opérer, c’est d’agir, c’est de produire des œuvres.
D’abord c’est d’unir les membres de la famille Acadienne et de leur donner une orientation commune, religieuse et nationale. C’est déjà là une œuvre excellente. Venir au secours des membres malades et à leurs familles, c’est assurément une belle œuvre et notre société mutuelle et fraternelle fait une spécialité d’exercer cette charité chrétienne. Réunir de temps en temps les frères associés dans vos succursales locales, et comme vous le faites aujourd’hui, rassembler dans un congrès fraternel vos chefs et vos représentants pour vous édifier, vous consolider et vous mieux comprendre, c’est évidemment une très bonne chose. Commencer vos délibérations, comme vous l’avez fait, le jour de notre fête nationale, aux pieds de Notre-Dame de L’Assomption, notre glorieuse patronne, en face des autels, en présence de notre Chef Suprême; c’est démontrer que notre société est avant tout catholique et que notre but est de le proclamer aux yeux du ciel et de la terre.
Votre société exerce donc l’apostolat des œuvres. Les œuvres que vous patronnez ne reçoivent pas seulement votre sympathie, vos oboles; vous vous dépensez vous-mêmes, ce qui est la charité la plus excellente, comme elle est la plus rare dans ce siècle d’égoïsme et de manque de patriotisme.
III. Apostolat du bon exemple.
L’apôtre de St. Paul écrivait aux Romains : « Ayez soin de faire le bien, non seulement devant Dieu, mais devant les hommes. » Ce qui était recommandable aux Romains doit l’être également aux Acadiens, aux Sociétés Acadiennes.
Les bons exemples édifient. De même qu’un édifice matériel se compose de pierres superposées, ainsi l’édifice religieux et national.
Mais il y a des travailleurs qui s’endorment dans un coupable sommeil : il en est d’autres qui démolissent l’édifice. Il faut des ouvriers courageux qui se livrent à un labeur sans rémission, pour réveiller ces ouvriers paresseux et indifférents, et ainsi, par l’exemple, donner l’élan du dévouement à la cause nationale. C’est ce que font, ou doivent faire nos sociétés patriotiques en Acadie. Le mauvais exemple a ruiné les nations les plus patriotiques du monde. L’impiété, propagée par le génie du mal, finit toujours par descendre des marches des palais dans la classe ouvrière et y produit des malheurs irréparables. C’est aux membres de nos sociétés à veiller comme des sentinelles vigilantes, pour contrecarrer ce mauvais génie et par leurs bons exemples édifier leurs compatriotes.
Les ruines que le mauvais exemple a faites, peuvent être réparées par les bons exemples. Mais il vaut mieux prévenir la contagion que la guérir. Il ne faut pas seulement parler mais agir. La foi sans les œuvres est morte. Le patriotisme sans les œuvres est assuré de mourir.
Voilà la raison d’être de nos sociétés nationales, de nos conventions et de notre organisation acadienne. Nous espérons par l’apostolat de la parole, des œuvres et de l’exemple combattre le bon combat, conserver la foi, et les traditions nationales, et ainsi remplir la mission que la Providence nous a assignée en Acadie. C’est en suivant L’Etoile de notre glorieuse patronne que porte notre drapeau, que nous arriverons à la victoire qui sera la récompense de notre glorieux apostolat.
M. F. Richard, Prêtre,
Chapelain-Général de la Société Mutuelle L’Assomption.
(De L’Assomption, livraison de février.)