l'Assomption à Shédiac

Year
1909
Month
8
Day
19
Article Title
l'Assomption à Shédiac
Author
----
Page Number
2, 3, 6, 7
Article Type
Language
Article Contents
L’ASSOMPTION A SHEDIAC Imposante Manifestation Nationale – Belles Cérémonies – Magistral Sermon – Éloquents Discours – Témoignage au Juge Landry. Sans doute, la fête de lundi n’avait pas les proportions d’un congrès plénier, où se discutent, où se discutent, entre les représentants officiels choisis et délégués par les différents rameaux de tout un peuple, les questions vitales qui concernent son existence et son avenir. Mais elle n’en fut pas moins une manifestation grandiose, organisée par des mains habiles et expérimentées, dirigée du commencement à la fin avec un tact merveilleux, et hautement instructive pour la population de Shédiac et pour les nombreux groupes de compatriotes qui sont venus honorer la fête de leur présence. Cette démonstration a eu la bonne fortune de nous apporter le gracieux concours d’une nombreuse élite d’Acadiens distingués – dignitaires de l’Eglise et de l’Etat – qui ont eu l’amabilité de se rendre aux invitations du comité de régie. Dans l’assistance, on remarquait, entr’autres, Mgr. M. F. Richard, prélat domestique du Souverain-Pontife, le Révd Dr. L. Guertin, supérieur de l’Université Saint-Joseph, Memramcook, le Révd Père Chiasson, Eudiste, supérieur du Collège Sainte-Anne, Church Point, Mgr J. Hébert, curé de Bouctouche, le Révd. Dr. P. C. Gauthier, curé de Palmer Road, I. P. E., les Révds Ph. L. Belliveau, curé de Grand’Digue, le Révd. J. A. L’Archevêque, curé de Cocagne, le Révd. P. P. Dufour, curé de Notre-Dame, le Révd. H. D. Cormier, curé de la Haute Aboujagane, le Révd F. X. Cormier, curé de Kingsclear, le Révd. L. G. LeBlanc, du Cap-Pelé, les RR. MM. Dismas J. DeBlanc, de Moncton, Ph. F. Hébert, de Bouctouche, Son Honneur le juge Landry, l’Hon. Dr D. V. Landry, de Bouctouche, commissaire de l’Agriculture, M. J. W. Comeau, M. P. P., du comté de Digby, M. le maire McDonald, M. F. W. Sumner, de Moncton, ancien député, MM. Clarence Cormier, de Walthan, Jean H. LeBlanc et Hilaire Hébert, de Fitchburg, respectivement grand président, grand secrétaire et grand trésorier de la Société Mutuelle de l’Assomption, M. J. L. P. St Cœur, de Boston, du conseil de l’Assomption, MM. les Drs Fidèle Gaudet, L. N. Bourque, E. T. Gaudet, F. A. Richard et H. C. LeBlanc, M. H. H. Melanson, Moncton, M. Gilbert Desroches, marchand à Miscouche, M. J. B. Gogain, de Cocagne, MM. Félix Michaud et M. McLaughlan, de Bouctouche, M. Gilbert Boudreau, marchand à Shédiac Bridge, MM. Dominique Melanson, Pierre Gallant et G. Dumont, Marchands à Rogersville, M. F. J. Robidoux, Richibouctou (Richibucto), MM. Jos. J. Bourgeois, conseiller, et Denis E. Richard, marchands à Moncton, M. V. A. Landry, de l’Evangéline, les représentants de Times et du Transcript de Moncton, M. P. T. Léger de Memramcook, M. Antoine J. Léger de Moncton, et un grand nombre d’autres dont les noms nous échappent. L’église St-Joseph, le couvent, le presbytère, toute la place de l’église étaient décorés de verdures, de drapeaux, de bannière, d’oriflammes, d’inscriptions appropriées à la circonstances et présentaient un coup d’œil admirable. La première inscription, en montant à l’église, portait ces mots : “Soyez les bienvenus”, un peu plus haut, une large banderolle exprimait le sentiment unanime de la foule : “Vive l’Acadie!” La troisième : “L’Assomption 1909”. Au-dessus de l’estrade élevée devant le presbytère se lisait la devise de la Société l’Assomption : “Unité, Charité et Protection.” Au-dessus de la grande porte de l’église : “Religion et Patrie.” L’intérieur de l’église présentait un coup d’œil ravissant. Décors sobres mais artistiques, où les couleurs françaises, marquées de l’Etoile d’or, emblême de l’étendard national de l’Acadie, partant de la voûte de l’édifice sacré, se répandaient sur les colonnes et les galeries. Les trois autels, couverts des plus belles fleurs de notre flore, resplendissaient de feux de couleurs diverses, et la statue de Marie, la patronne bien-aimée de notre peuple, semblait, du milieu des fleurs qui l’entouraient, jeter un doux regard de complaisance sur ses enfants agenouillés pour implorer sa toute-puissante protection. Dans le sanctuaire, au-dessus du maître-autel on lit ces inscriptions si appropriées à la circonstance : “Ave Maris Stella, Dei Mater Alma, Atque semper Virgo, Felix Coeli Porta.” Et dans le corps de l’église celles-ci : “Reine de l’Acadie, nous te saulons” “O Marie, protège l’Acadie.” “Comme nos ayeux, chacun d’entre nous te donne son coeur.” “Entends du haut du ciel le cri de la patrie.” LA PROCESSION DES SOCIÉTÉS ET LA PARADE DES AUTOMOBILES Les cérémonies débutèrent par une grande procession des Sociétés Catholiques de Shédiac, auxquelles voulurent bien se joindre les membres dés sociétés des paroisses voisines : Les Cadets de la Ligue du Sacré-Cœur, les membres de la Ligue des hommes, la C. M. B. A., les Artisans Canadiens, la Société Mutuelle de L’Assomption – Chacune de ces sociétés étant précédée de sa bannière. La procession, partie de l’hôtel-de-ville, se mit en marche sur les neuf heures. Elle était bien imposante dans son long défilé par la rue principale, dont les résidences étaient à peu près toutes décorées d’oriflammes, de bannières et de verdure. Elle fut bientôt suivie de la parade des automobiles de Moncton, nous amenant Mgr Richard, le R. P. Chiasson, le Révd Dr. Gauthier, M. le curé Robichaud, le Révd Dismas LeBlanc, l’hon. Dr Landry, l’hon. sénateur Poirier, M. F. W. Sumner, MM. les Drs Bouque et Richard, M. Antoine J. Léger, que M. le maire McDonald, accompagné du Révd Dr Guertin, supérieur de l’Université Saint-Joseph, de M. le député J. W. Comeau, de Digby, et du représentant du Moniteur était allé rencontrer au Cap dans son automobile décoré pour la circonstance. L’arrivée des distingués visiteurs en parade d’automobiles créa toute une sensation, et le contraste du présent si pleine de promesse et si consolant au passé si triste et si douloureux, bien des yeux se mouillèrent de larmes attendries au spectacle réjouissant que présentait le boulevard de la jolie église du bon vieux Gédaïque. Après avoir atteint l’église, Mgr Richard, le Révd Dr Gauthier et leur escorte gravirent les gradins de la porte principale et entonnèrent “l’Ave Maris Stella” aux doux accords de la fanfare L’Assomption. La foule ayant envahi le temple, une grand’messe solennelle fut célébrée par Mgr Hébert, V. G., curé de Bouctouche, ayant pour diacre M. le curé H. D. Cormier et pour sous-diacre M. l’abbé Dismas LeBlanc. Le chœur paroissial, sous la direction du R. P. H. D. LeBlanc, exécuta une messe admirable et bien rendue. A. l’évangile, le R. P. Chiasson, supérieur du Collège Sainte-Anne de Church Point, monta à l’autel et prononça le sermon de circonstance, morceau d’éloquence que nous tenons à donner en entier à cause des leçons précieuses et des conseils opportuns qu’il renferme : LE SERMON Gaudeamus in Domino, omnes. Réjouissons-nous tous dans le Seigneur. Telles sont, M. F., les paroles que la sainte liturgie met dans la bouche du prête au commencement de la grande fête que nous célébrons aujourd’hui. L’église veut nous faire saluer ce grand jour par un cri d’allégresse et pourquoi? C’est parceque l’Assomption de Marie est la fête par excellence de notre céleste mère, c’est le jour de son triomphe et de sa gloire, c’est le jour du couronnement de ses œuvres, de la récompense de ses mérites. Aussi, c’est avec bonheur que tous les chrétiens de la terre s’unissent aux anges du ciel pour chanter les louanges et la gloire de notre auguste reine. “Gaudeamus omnes in Domino”. L’Assomption de Marie est le jour de son triomphe, je viens de vous le dire. Aussi, en me servant des paroles de Bossuet, je pourrais vous décrire “les magnificences de l’entrée de Marie au ciel, vous représenter le concours, les acclamations, les cantiques de réjouissance de tous les ordres des anges, et de toute la cour céleste : Je pourrais encore m’élever plus haut et vous faire voir la divine vierge, présentée par son divin fils devant le trône du Père, pour y recevoir de sa main une couronne de gloire immortelle. Mais comment dire d’une manière convenable toutes ces grandes choses de la très sainte vierge Marie? L’œil de l’homme n’a point vu, son oreille n’a point entendu toute la gloire que Dieu a préparée à ceux qu’Il aime, nous dit Saint Paul. Ravi lui-même jusqu’au troisième ciel, il se refuse à nous décrire les beautés et la gloire dont il a été le témoin. C’est que, M. F., les merveilles du paradis dépassent tellement nos conceptions humaines que notre intelligence ne saurait les comprendre Or, après l’humanité sainte de Notre Divin Sauveur la perle la plus précieuse, l’ornement le plus magnifique du ciel est la très sainte, la très pure vierge Marie. Vous ne vous attendez donc pas. M. F., à une description grandiose de la gloire dont fut revêtue notre divine mère au jour de son assomption. Je me contenterai de vous faire voir, autant que mes faibles paroles me le permettront, que l’assomption de Marie est le digne couronnement de ses vertus et de ses mérites. Je vous dirai aussi que cette vérité doit nous inspirer l’espérance de la bienheureuse éternité, car si nous savons comme notre divine mère, acquérir des mérites et des vertus, nous aurons aussi un jour notre assomption au ciel. Il est assez embarrassant, M. F., de parler des vertus de la sainte vierge. Si les autres saints ont pratiqué toutes les vertus jusqu’à un degré héroïque, on ne saurait douter de l’héroïsme des vertus de Marie. Cependant, parmi toutes ces vertus de Marie, il y en a une sur laquelle je voudrais attirer d’une façon toute particulière votre attention : c’est son amour pour Dieu, car l’amour de Dieu est la vertu inspiratrice, la source de toutes les autres. Cet amour, nous disent les docteurs de l’Eglise, fut plus grand que celui des séraphims eux-mêmes. Il commença au jour de son immaculée conception. En effet, au jour de sa conception Marie reçut plus de grâces que toutes les autres créatures à elle seule ensemble des anges les plus élevés au ciel. Les séraphims brulent de l’amour de Dieu : Marie aime encore davantage. Dieu a voulu préparer une mère digne de son fils : aussi orna-t-il l’âme de cette divine mère des plus belles vertus; mais surtout de son amour divin. Son cœur est un jardin, nous disent les saints, où brillent toutes les fleurs les plus variées et les plus exquises; mais au milieu de ce parterre surnaturel et céleste Dieu y a semé la fleur de sa charité divine, cette fleur à l’éclat le plus vif et au parfum le plus délicieux. Et cet amour, M. F., reçu au jour de sa conception immaculée, Marie ne négligea pas de le développer et de le faire grandir dans son cœur. Les membres et les organes du corps, vous le savez, se développent et se fortifient par l’exercice : les vertus elles aussi grandissent après la pratique de leurs actes. Aussi la sainte écriture nous montre Marie faire toute sa vie des actes de vertu. Elle a à peine trois ans et déjà elle se séparé de ses parents pour se consacrer à Dieu dans le temple de Jerusalem. Vous le voyez, l’amour de son Dieu brûlait son cœur. Et cet amour de la très sainte vierge va toujours croissant. Quels excès d’amour envahissait son cœur au jour de la naissance de Notre Divin Sauveur! Un saint évêque nous en donne une idée lorsqu’il nous dit que “pour former l’amour de Marie, deux amours se sont joints en un. La sainte vierge rendait à son Fils l’amour qu’elle devait à un Dieu, et elle rendait à un Fils.” Il n’est pas d’amour naturel plus fort que celui d’une mère pour son enfant. Elle l’aime plus que tout autre : elle l’aime plus qu’elle-même, et elle donne pour cet être chéri ses veilles, ses forces, sa santé et sa vie s’il le faut. Il n’est rien de plus intense, non plus, que l’amour divin départi par Dieu à certaines âmes qu’Il aime davantage parceque ces âmes sont plus fidèles à ses dons. Pour se convaincre de cette vérité, il suffit de se rappeler les François d’Assises marqué des stigmates de la passion du sauveur, les Saintes Thérèse, les Sainte Catherine qui faisaient leurs délices de souffrir pour l’amour de Dieu Mais ces deux amours étaient réunis dans le cœur de Marie. Rien d’étonnant alors que le cœur de notre divine mère ne fut un abime, un océan d’amour. Réunissez, si vous le voulez, l’amour de toutes les âmes saintes qui ont vécu sur la terre, unissez le à celui des séraphims et des autres esprits célestes et vous n’aurez qu’une étincelle du feu divin qui embrassait le cœur de Marie. M. F., généralement sur la terre l’amour se reconnait et se mesure à la souffrance. Les âmes saintes qui ont beaucoup aimé ont aussi beaucoup souffert; cela ne doit pas nous étonner quand nous voyons N. S. J. C. lui-même souffrir parcequ’il nous aime. L’amour de Marie lui aussi n’a pas été exempt de souffrance. Pour nous faire comprendre l’intensité des tourments de N. D. S. le prophète s’écrie : “O vous tous qui passez par le chemin, arrêtez vous et voyez s’il y a une douleur semblable à ma douleur.” Il convient de nous arrêter, nous aussi, aujourd’hui, et de voir s’il y a une douleur semblable à celle de Marie. Marie a aimé, M. F., et par conséquent elle devait souffrir. Elle a aimé plus que toute autre au monde et par conséquent plus que toute autre aussi devait-elle souffrir. Sa vie (en tant que nous la connaissons par l’écriture sainte) ne fut qu’une suite presqu’ininterrompue de tourments. Ce fut tout d’abord la douleur de voir son Jésus bien aimé naitre dans un réduit abject indigne même du plus pauvre des enfants des hommes. Et c’est dans ce réduit que naît le Fils de Dieu. Ce fut aussi la fuite de la sainte famille et Egypte, pour échapper à la fureur d’Hérode qui voulait mettre à mort l’enfant Jésus. Le saint évangile nous dit qu’ils sont obligés de quitter leur pays comme des voleurs au milieu de la nuit. Ils ont à traverser des déserts où on souffre de la faim et de la soif, ils ont à parcourir un pays habité par les ennemis de leur race et de leur religion, demeurer sept années seuls et solitaires au milieu d’un peuple qui les regarde comme des intrus. N’est pas là une source de grandes souffrance pour Maire? Et cependant tout ceci n’était rien en comparaison de ce qu’elle fut appelée à souffrir au pied de la croix de Jésus. Comment décrire ce moment terrible de l’agonie de Marie? Elle, la mère au noble cœur, voir son fils pendu à un gibet comme un infâme scélérat; crucifié entre deux voleurs comme le plus criminel des trois : elle, la mère au cœur si tendre, voir son Jésus abreuvé des trouments et des outrages les plus révoltants, ses pieds et ses mains ruisselant de sang, son divin cœur si amoureux des hommes donnant jusqu’à la dernière goutte de ce précieux sang pour nous montrer son immense amour; elle, la mère si aimante, entendant les juifs blasphémer. Celui qui mérite toute louange et toute gloire. Ah! n’avais-je pas raison de vous dire tout à l’heure que marie, après Jésus, a souffert plus que que tout autre ici bas. Tous, très probablement du moins, vous avez souffert un jour ou l’autre de votre vie, mais avez-vous jamais enduré des tourments comparables à ceux de la sainte Vierge? Pères et mères de famille, vous avez peut-être eu la douleur de perdre par la mort un ou plusieurs de vos enfants : dites-moi, sont-ils morts dans des circonstances aussi douloureuses que N. S. J. C? O vous tous qui passez par le chemin de la souffrance et de l’épreuve, arrêtez-vous et voyez s’il est une douleur comparable à la douleur de la très sainte vierge Marie? Mais pourquoi vous parler de souffrance en ce jour glorieux de l’Assomption? Il le fallait bien, M. F., pour vous montrer comment aujourd’hui Marie reçoit la récompense de ses douleurs et de ses larmes. Il le fallait aussi pour faire naître ou plutôt grandir dans vos cœurs l’espérance de la belle couronne de gloire réservée à ceux qui souffrent. Tous, qui que nous soyons, riche ou pauvre, savant ou ignorant, grand ou petit, nous avons à souffrir : c’est la sainte écriture qui nous le dit : “l’homme este fait pour souffrir comme l’oiseau pour voler”. Homo nascitur ad laborem et avis ad volatum. D’ailleurs, N. D. S. qui est venu sur la terre pour nous apprendre à vivre, a commencé par souffrir sans récompense? Non, M. F., Dieu, qui ne saurait oublier le verre d’eau donné en son nom, tiendra un compte exact des larmes que nous verserons pour son amour. Dieu, le maître juste par excellence, nous dira à nous aussi : Venez, serviteurs bons et fidèles, entrez dans la joie de votre maître. Ce sera le jour de notre maître. Ce sera le jour de notre assomption; mais vous l’avez entendu, c’est à la condition d’être de bons et fidèles serviteurs. Si donc, M. F., vous voulez être couronnées comme Marie, vous devez comme elle sanctifier vos souffrances. Les luttes et les épreuves de la vie, pour vous comme elle, doivent être combattues, supportées par amour. Si vous venez à trouver un jour que vos croix sont trop lourdes à porter, si vous vous sentez ployer sous le faix, si le courage vous manque et si, dans un moment de plus grande tristesse, vous vous dites : “Non, c’est trop souffrir,” alors, rappelez-vous les souffrances de Marie et comparez-vous aussi son assomption, et ces deux souvenirs ranimeront votre courage et votre persévérance. M. F., les individus ont leurs souffrances : les peuples aussi, et parmi ces peuples j’en trouve un qui a eu sa grande (illisible) de douleur. C’est notre peuple acadien. Vous m’en voudriez, j’en suis sur, si, au jour de notre fête nationale, je ne vous parlais pas de nos souffrances passées, pour vous faire entrevoir l’espérance de l’avenir. Il y a plus d’une marque de ressemblance entre les souffrances de Marie et celles de notre peuple, et je comprends mieux que jamais pourquoi les chefs de notre petite nation ont voulu choisir Marie pour reine et son assomption pour fête nationale de l’Acadie. Le peuple acadien n’a-t-il pas eu, lui aussi, son exil comme Marie? Je veux bien que cet exil comme Marie? Je veux bien que cet exil ait été volontaire; mais cependant, n’a t pas été amené par des circonstances qui le rendaient plus ou moins nécessaire. Et après tout, l’exil, qu’il soit volontaire ou non, est toujours pénible, plus encore peut-être quand l’exilé est un enfant du doux pays de France. La séparation de son pays, ce fut la première épreuve du peuple acadien. Ses souffrances, cependant, cependant, ne devaient pas s’arrêter là. Vous connaissez assez l’histoire de notre peuple pour que je n’aie pas à vous dire aujourd’hui toutes les douleurs qu’il a endurées. Vous avez lu en pleurant le récit de ses peines et de ses labeurs. Vous l’avez vu aux prises avec un ennemi qui revenait sans cesse au combat. Cent cinquante ans durant, ce peuple ne connut, ou à peu près, ni trève ni repos. C’est l’ennemi séculaire de sa race qui le poursuit jusque dans sa nouvelle patrie, c’est la pauvreté et parfois le dénûment complet qui lui arrachent des soupirs et des larmes. Mais fort de l’amour de sa religion et de sa patrie, il combat avec courage tous ces annemis. Le fusil d’une main et la hache de l’autre, il lutte et lutte toujours pour défendre son pays contre l’envahisseur, pour le développer et l’agrandir afin de pouvoir y trouver un jour le nécessaire, le superflu petu être. Enfin, il arriva pour lui comme pour Marie, le jour de l’agonie suprême, le jour de la croix, car le jour de l’expulsion, n’est-ce pas le jour de la souffrance par excellence, le jour du crucifiment du peuple acadien? Je ne veux pas vous décrire ici les douleurs angoissantes de ces pauvres expulsé en ce jour néfaste entre tous dans les annales de l’histoire : ce serait rouvrir une plaie profonde, provoquer peut-être des sentiments qu’il est plus chrétien et plus charitable de chasser loin de son cœur. Cependant, je devais, me semble-t-il, ce souvenir aux ancêtres qui ont tant souffert pour nous : Je vous le devais à vous aussi, M. F., pour vous faire voir la ressemblance qui existe entre les souffrances de notre mère et les nôtres. Et maintenant, M. F., si le peuple acadien a été à la peine comme je viens de vous le dire, pourquoi ne pas espérer qu’il sera assis à l’honneur? Si ses souffrances ont été grandes et cruelles, sa récompense aussi sera belle et glorieuse. Ne nous attardons donc pas trop à méditer le passé : regardons l’avenir, car il nous sourit. Les individus, il est vrai, ne reçoivent pas toujours ici bas la récompense de leurs bonnes œuvres; Dieu se plait bien souvent à les faire attendre pour recevoir dans un monde meilleur le prix de leurs labeurs. Les peuples eux, en tant que peuples, n’ont rien à attendre, de Dieu dans l’éternité : Ils reçoivent dès ce monde leur récompense et leur châtiment Voilà pourquoi je vous disais tout à l’heure de regarder l’avenir avec joie et espérance. Oui, M. F., il nous est permis d’espérer que notre peuple acadien sera grand un jour sinon par le nombre de ses enfants au moins par la noblesse de sa vie. Il le sera si nous savons être fidèles aux enseignements que nous ont laissés les aïeux, si nous savons garder nos traditions, notre langue et notre foi. Ce triple trésor que nous ont légué nos ancêtres, il ne suffit pas de le conserver précieusement : il faut de plus le faire fructifier, le faire produire au centuple. Vous connaissez l’anathème portée par N. S. contre le gérant par trop prudent des biens de son maître. Ne soyez pas, M. F., des enfouisseurs de talents. Vous avez dans vos familles des enfants bien doués sous le rapport de l’intelligence. Développez donc chez eux cette belle faculté de leur âme : mais en même temps formez leur cœur à la vertu. C’est-à-dire, M. F., donnez à ces enfants une bonne éducation vraie, une éducation qui fait des hommes et les chrétiens. Tout d’abord, cette éducation doit être religieuse. Sans elle, nous ne saurions conserver pure notre foi catholique, et si nous, Acadiens, nous perdons notre foi, nous perdons tout, absolument tout, au point de vue national. Ne serait ce pas une anomalie, en effet, un Acadien qui ne serait pas en même temps catholique? Pourquoi donc nos pères ont-ils tant souffert si ce n’est tout d’abord pour conserver leur foi et pour la transmettre avec la vie à leurs descendants? Et, M. F., serions nous les dignes fils de ces nobles et glorieux martyrs si nous abandonions notre foi? Non, assurément; un acadien qui renie sa foi est un Acadien qui est traître à sa patrie et à sa nation! Que vos enfants soient donc des catholiques avant tout; mais qu’ils soient aussi des hommes instruits, car si la connaissance et la pratique de notre sainte religion est nécessaire à leur titre d’acadien, la science profane ne leur est pas moins utile pour faire valoir ce titre et pour réclamer leur part de lumière au soleil de la nation. Quel est, en effet, M. F., la grande objection fondée ou non qu’on a faite au peuple acadien lors qu’il a voulu se plaindre de ce que ses droits étaient méconnus? Vous n’êtes pas encore assez bien outillés, vous n’avez pas assez d’hommes instruits parmi vous. Et, faut-il le dire, M. F., pendant un certain temps nous l’avons cru. Il n’y a pas encore très longtemps, nous nous croyions une race inférieure, dont les enfants étaient incapables de remplir un poste important, de faire honneur à une position responsable. Nous n’avions pas confiance en nous-même parceque nous manquions d’instruction. Voyez, en effet, aussitôt que nous avons eu des hommes instruits parmi nous, il y a eu aussi un regain de confiance. Ces hommes que je pourrais vous nommer, M. F., si je ne craignais de blesser leur humilité, ces hommes, dis-je, nous ont montré et par la parole et pas l’action que nous ne sommes inférieurs à personne. Ces hommes, ils nous ont fait entrer dans le chemin de l’honneur : à nous, M. F., de suivre leur exemple, d’y marcher à grands pas. Et ces hommes, ils ont servi et servent encore efficacement les intérêts de leurs compatriotes parcequ’ils sont des hommes intègres et instruits, parqu’ils sont des hommes d’éducation. Je vous disais tout à l’heure que l’avenir nous sourit. C’est à vous, M. F., de le préparer, cet avenir du peuple acadien. Vous le voulez grand, vous le voulez puissant, n’est-ce pas? Oh alors ordonnez cette grandeur et cette puissance en donnant à vos enfants l’éducation qui fait les hommes utiles à leur pays et à leur race. Vous n’en êtes plus heureusement au temps où il était très difficile pour ne dire impossible de faire instruire vos enfants. Vous avez aujourd’hui vos institutions, vous avez vos écoles et vos collèges où vos enfants peuvent puiser les connaissances divines et humaines. Ces hommes et ces femmes qui se dévouent à l’enseignement de vos enfants ont fait leur devoir : à vous, M. F., de faire le vôtre sous ce rapport. Si vous avez à cœur le désir d’un brillant avenir pour notre peuple, ne failissez-pas à ce devoir sacré de l’éducation de vos enfants. C’est l’éducation qui fait les hommes, a dit quelqu’un : C’est l’éducation aussi qui fait aussi les peuples forts et puissants. C’est elle, l’éducation, qui donnera à notre chère Acadie ce lustre et cette importance que nous ambitionnons pour elle. Ainsi donc, M. F., avec l’Eglise toute entière, réjouissons nous. “Gaudeamus, omnes.” Réjouissons nous de la gloire que la très sainte vierge Marie, notre divine mère reçoit en ce jour. Réjouissons nous, chrétiens, parceque cette fête nationale fait naître dans nos cœurs un regain de courage et de confiance dans l’avenir. Oui, réjouissons-nous; mais prions aussi la très sainte vierge d’étendre sa protection bienveillante sur nous, sur notre peuple tout entier afin qu’il devienne grand tout en restant chrétien. Travaillons, avec force et persévérance, à l’avancement de notre propre sanctification et au progrès de notre race afin que nous aussi comme Marie, nous ayons un jour notre assomption. Ainsi soit il. LES DISCOURS La messe terminée, la foule se porta vers l’immense estrade érigée devant le presbytère, où, entouré des messieurs du clergé et des visiteurs éminents, M. le Dr. L. J. Belliveau, président de la succursale Ouellet de la Société l’Assomption, ouvrit la joûte oratoire dans un discours aussi bien pensé que bien dit, dont nous donnons ici une analyse aussi ûdèle que possible : Monseigneur, Révérends Pères, Mesdames et Messieurs, C’est la première fois que la petite village de Shédiac célèbre ou entreprend de célébrer dignement la fête nationale des Acadiens : L’Assomption de Marie. Je suis fier de voir réunis en aussi grand nombre non seulement les Acadiens de la paroisse de Shédiac, mais des paroisses environnantes. Permettez-moi, messieurs les visiteurs, au nom de la Société de Secours Mutuel de L’Assomption, dont je suis l’humble président, au nom des autres sociétés catholiques de la paroisse, et au nom de tous les paroissiens, de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier chaleureusement pour avoir répondu aussi généreusement à notre appel. Notre Révérend Curé, patriote sincète, homme de cœur, devoué à la cause pour le succès de laquelle nous travaillons tous chacun à notre manière, vous dira, j’en suis certain, tout le plaisir qu’il dira, j’en suis certain, tout le plaisir qu’il éprouve de voir réunis en aussi grand nombre des frères, qui sont venus ici pour se compter, réchauffer leur patriotisme et entendre parler des progrès accomplis et des aspirations futures de notre nationalité. Nous aimons notre patrie qu’on appelle l’Acadie. Ce qu’on appelle les Provinces Maritimes est notre patrie. C’est ici, dans les Provinces Maritimes qu’a été implantée la croix par nos premiers missionnaires, c’est ici que nos ancêtres se sont agenouillés et ont demandé à Dieu de les bénir et de les rendre heureux. Ici a été baptisé le premier enfant acadien, ici a été entendu le premier tremblement des berceaux, ici a été ouverte la première tombe acadienne. Enfin ici s’est déroulée, en 1755, la scène affigéante et tragique de l’écrasement et de l’anéantissement presque complet de notre race, ici a commencé en 1864 notre relèvement national. Si nous déplorons les persécutions souffertes par nos pères, si un regret vient parfois toucher nos cœurs sur l’indifférence de la mère-patrie, “La France”, au temps de nos malheurs, nous sommes heureux de réaliser que nous juissons aujourd’hui d’une pleine et entière liberté a l’abri du drapeau britannique. La Providence qui a pu paraître nous abandonner dans les commencements, nous a ouvert une grande ère de prospérité. Cette prospérité, nous la devons à des hommes comme le Rév. Père F. X. LaFrance et le Rév. Père Camille Lefebvre. Inclinons-nous devant leur mémoire. Remercions tous les hommes éminents et de bien qui ont dépensé leurs talents et leur vie pour nous, qui ont pétri de leurs mains vigoureuses et enthousiastes notre nationalité et l’on fait ce qu’elle est aujourd’hui, une nationalité heureuse et prospère, remplie comme elle est, de nobles ambitions et d’aspirations nouvelles. Pardon, Mesdames et Messieurs, d’avoir été trop long. Nous avons des orateurs distingués qui doivent vous adresser la parole et que vous êtes désireux d’entendre. J’ai l’honneur de vous présenter Monsieur l’abbé LeBlanc, curé de Shédiac. M. le curé LeBlanc fut chaleureusement acclamé et dans les termes les plus heureux souhaita la plus condiale bienvenue aux vénérable ecclésiastiques, aux orateurs et à l’immense foule qui honoraient Shédiac de leur présence à cette fête de la patrie dont l’église venait de consacrer les prémices. Puis, dans un discours admirablement tourné, il signala à l’auditoire attentif quelques-uns des défauts, certaines indifférences et certaines lacunes dont notre petit peuple est par trop coutumier, et formula plusieurs désirs auxquels l’assemblée donna son plus entier assentiment par des applaudissements répétés. Nous regrettons vivement que le temps et l’espace nous manquent pour publier ce discours si opportun, mais nous espérons bien pouvoir nous reprendre la semaine prochaine. M. le président présente ensuite M. le maire E. R. McDonald, qui fut chaleureusement accueilli en se levant pour souhaiter la bienvenue au nom de la ville : Mr. Chairman, Ladies and Gentlemen and Members of the Assomption Society. I thank you for the honor you have conferred upon me and I wish particularly to thank the management committee for the respect shown St. Patrick, the Patron Saint of the Emerald Isle. That music so dear to the heart of every Irishman, played on this occasion must impress you with what spirit of harmony we dwell together. You have honored us by holding your celebration in our Town, and on behalf of the Town People I extend to you one and all the glad hand of welcome. The rise of the Acadian People from the direful results of an unjust oppression is just cause for your celebration. What a striking contrast is offered by this convention to the picture drawn by Longfellow in his immortal “Evangeline” when he said of the Acadians: Waste are those pleasant farms, and the farmers for ever departed! Scattered like dust and leaves, when the mighty blasts of October Seize them and whirl them aloft, and sprinkle them far over the ocean. To emerge from the dark days of 1755 to the brightness of the present could only be accomplished by those possessing the Cardinal virtues. You have, by your perseverance, bravery and fortitude, forced that recognition, which was yours but denied you as a people, you have left foot prints on the sands of time which will serve as an example to strengthen others in their struggles. People of Acadia, I take pleasure in conferring upon you freedom of our Town, the keys are in your keeping and I trust you will have just cause to look back upon this event as one of the most pleasant of your lives. M. le Dr. Bellivau présenta ensuite le deuxième orateur à peu près en ces termes : J’ai l’honneur de vous présenter, Mesdames et Messieurs, Monseigneur M. F. Richard, curé de Rogersville, le grand patriote et le grand colonisateur acadien, le Monseignor Labelle de l’Acadie. A ce nom toute l’assemblée éclata en acclamations enthousiastes, et la fanfare attaqua “l’Ave Maris Stella” que l’auditoire reprit en chœur. Mgr. Richard portait la robe et les insignes de la prélature romaine à laquelle le Souverain-Pontife, en recognition de ses services signalés à l’Eglise, a bien voulu l’élever il y a quelques années, et sa haute et majestueuse stature, sa figure rayonnante à la fois de bonté, d’intelligence et de bonheur, provoquèrent de longues acclamations. Ce n’est point, dit il, par vanité que j’apparais ici devant vous avec les insignes de la dignité que dans sa grande bonté le Souverain Pontife a daigné me conférer, non pas tant à cause des rares mérites que je puis avoir, mais bien plutôt en raison des mérites du peuple auquel je me fais une gloire d’appartenir, des souffrances qu’il a héroïquement endurées pour garder intact le précieux dépôt de la foi, en raison de son inviolable fidélité à l’Eglise de Rome envers et contre tous les assauts auxquels elle à été exposée si longtemps. Ces insignes, bien chers compatriotes, pour ces raisons mêmes, me sont bien chères; je les portais lorsque j’eus l’indicible bonheur de me jeter aux pieds du père commun des fidèles et de l’entretenir de nos malheurs, de nos infortunes, de nos misères, de notre délaissement, de nos besoins si grands, de nos aspirations. Et les consolantes paroles du Vicaire de Jésus-Christ, alors qu’il eut écouté, entendu les épanchements du cœur de son humble disciple, m’ont rempli de joie et d’espérance. Rome, m’a répété le saint vieillard du Vatican, s’occupera de vos compatriotes et étudiera, satisfera leurs besoins spirituels. Puis l’éloquent prélat rappelle quelques traits de notre héroïque passé, notre triple martyre, nos tribulations sans fin pendant trois siècles, notre constance au service de Dieu, notre inviolable attachement à la foi et à la langue de nos pieux aïeux; il parla de nos conventions nationales, du choix de Marie pour notre patronne, du drapeau tricolore étoilé d’or, de l’Ave Maris Stella pour chant national, et demande à l’auditoire, à l’Acadie, de serrer ses rangs, de se vouer de plus en plus au culte de la religion et de la patrie, et de travailler sans relâche à la conquête e tous les droits et privilèges que nous confèrent nos titres incontestés d’ancienneté, d’intelligence, et du nombre. Monseigneur reprit son siège au bruit d’acclamations prolongées. M. le curé L’Archevêque, de Cocagne, communique ici à M. le président un télégramme qu’en sa qualité d’aumônier il a reçu Bureau Central de la Société des Artisans à Montréal : Montréal, 15 août 1909 Révd J. A. L’Archevêque, La Société des Artisans Canadiens-Français offre aujourd’hui à la Société l’Assomption et à tous les Acadiens réunis à Shédiac ses vœux les plus sincères. Vive l’Acadie! Vivent les Acadiens. Le Conseil des Artisans. La Lecture de ce gracieux message provoque une salve d’applaudissements. Le président présente en ces termes le savant supérieur de l’Université Saint-Joseph : J’ai l’honneur de vous présenter le Rév. Dr. L. D. Guertin, Supérieur du Collège St-Joseph, Canadien-Français de naissance, Acadien-Français de cœur. A l’œuvre on connaît l’ouvrier, c’est par le mérite de l’ouvrage qu’on juge du mérite de celui qui l’a fait. Votre dévouement à la cause de l’éducation en Acadie, Rév. Père Guertin, vous assure toutes nos sympathies et notre sincère reconnaissance. Le Père Guertin débute en exprimant le plaisir qu’il éprouve d’assister à cette imposante manifestation nationale et parle de l’importance de l’éducation pour tous les peuples, mais surtout pour le peuple acadien, entouré qu’il est d’éléments étrangers et plus nombreux que lui. L’utilité de l’instruction nous est démontrée par la métamorphose de notre position depuis que les bienfaits de l’éducation commencent à fructifier au sein de l’Acadie française. quels progrès n’avons-nous pas réalisés depuis 45 ans! Comparez la position que nous occupions avant la fondation du Collège Saint-Joseph à celle que nous occupons aujourd’hui. Voyez l’influence que nous avons acquise dans nos parlements, dans les professions, dans le commerce, dans l’industrie. D’autres maisons d’éducation ont surgi au milieu de nous; encourageons nos institutions, qui, si elles sont moins riches, ne paient point de hauts salaires à leurs professeurs, suppléent amplement à ces désavantages par le dévouement constant et désintéressé de leurs directeurs et de leurs professeurs. Qu’on envoie ses enfants aux écoles et aux institutions catholiques, et selon la recommandation du Souverain Pontife, évitons de les exposer aux enseignements de l’indifférence et de l’athéisme. Nos maisons développeront l’intelligence, formeront le cœur de la jeunesse, les attacheront davantage à la langue maternelle et à l’antique foi des aïeux. Du reste, les élèves de nos collèges sortent avec honneurs des concours publics et l’emportent plus souvent qu’autrement sur leurs concurrents. La Société L’Assomption fait une œuvre admirable par sa caisse écolière, et tous les Acadiens devraient s’y agréger. Pratiquons l’épargne, ménageons nos deniers, travaillons ferme, emparons-nous du sol, et conservons celui que nous avons. Telles sont les idées développées par le vénérable supérieur de St-Joseph, espérons que ses sages conseils seront mis en pratique partout en Acadie. La fanfare attaqua un de ses morceaux les plus populaires et l’assistance se porta vers les tables, où un menu tentateur attendait les estomacs affamés. L’après-midi se passa agréablement sur le terrain du pique-nique, aux tables de bazar et aux amusements que la direction avait organisés. Le soir, la foule entoura de nouveau l’estrade, pour entendre le Révd. Dr Gauthier, M. le curé Belliveau et l’honorable juge P. A. Landry. M. le Dr Belliveau présenta le Père Gauthier, digne enfant de l’Ile St Jean, la perle du golfe St-Laurent, annonça que le distingué orateur parlerait dans les deux langues. Dans une brillante improvisation de quelques minutes, le Père Gauthier s’adressa d’abord à ses compatriotes pour les féliciter de cette grande et belle démonstration et leur conseiller de chômer tous les ans, avec enthousiasme, la fête de l’Assomption, afin de retremper leur courage au pied des autels, de demander secours, aide et protection à leur auguste patronne, et raffermir leur détermination de conserver leur foi, leur langue maternelle et leurs bonnes vieilles coutumes. Puis le ravant orateur s’adressa à la partie anglaise de l’auditoire dans la langue de Shakespeare qu’il manie avec une facilité merveilleuse. Une demi-heure durant, il tint la foule sous le charme de sa parole ardente, provoquant à tout instant un tonnerre d’applaudissements. Nous publierons la semaine prochaine ce beau morceau d’éloquence. Présenté à son tour, M. le curé Belliveau, de Grand’Digue, prononce un de ces discours classiques dont il y a bien le secret. Patriote ardent autant que prêtre zélé, il sème à chaque phrase une poignée de grandes vérités et de conseils opportuns. Aussi sa voix est-elle fréquemment noyée d’acclamations prolongées. Nous publierons la semaine prochaine le beau discours de M. le curé de Grand’Digue. TRIBUT D’HOMMAGE A L’HONORABLE JUGE LANDRY Au moment où M. le président allait inviter l’honorable juge Landry à prendre la parole, M. Ferd. Robidoux, directeur du Moniteur Acadien, en l’absence d’un ami que des occupations professionnelles avaient éloigné au milieu de la fête, sollicita le privilège de présenter la résolution suivante qui, croyait il, n’était qu’une pâle et imparfaite expression des sentiments de reconnaissance, d’admiration et de confiance de tous les Acadiens envers un compatriote qui depuis près de quarante ans se dévoue avec un zèle infatigable au service de la patrie : “Résolu – Que cette assemblée profite de cette heureuse circonstance et de la présence de l’Honorable Juge Landry pour offrir au savant magistrat l’hommage de la vive gratitude que nous inspirent ses longs et constants travaux pour l’avancement du pays en général et pour le relèvement de ses compatriotes acadiens en particulier. Nous désirons également lui manifester notre admiration pour les solides qualités dont il a incessamment fait preuve au cours d’une brillante carrière publique datant de près de quarante ans, et lui exprimer la confiance inébranlabe que plus que jamais nous reposons en lui – confiance amplement justifiée par la science légale, la probité universellement reconnue et la parfaite impartialité dont il n’a cessé de nous donner l’exemple depuis son entrée dans la magistrature de notre province.” Le président présente à l’auditoire M. J. W. Comeau, député du comté de Digby au parlement provincial d’Halifax, compatriote distingué dont le cœur, dit-il, bat à l’unisson des nôtres et qui fait partout et toujours honneur à la race acadienne-française dont il est le sympathique portevoix. En fort peu de mots, admirablement pensés, M. Comeau, en secondant la résolution qui vient d’être présentée, rappelle que le Juge Landry était l’âme de la convention acadienne tenue à Church Point en 1890 et dont l’impérissable résultat fut la fondation du collège Sainte-Anne. Les Acadiens de la Nouvelle-Ecosse, dit-il, admirent le beau talent du Juge Landry, ils sont fiers et reconnaissants du lustre qu’il projette sur notre nationalité, et c’est avec bonheur qu’il se fait l’écho de leurs sentiments en appuyant ce juste tribut d’hommage à un homme dont la carrière sans tache constitue l’une des pages les plus réconfortantes dans l’histoire de la renaissance acadienne. La résolution étant soumise à l’assemblée par M. le président, fut le signal d’un tonnerre d’acclamations, toute l’assemblée se leva pour saluer le sympathique Juge qui parla dans les deux langues avec toute la verve qu’on lui connaît. Nos lecteurs trouveront un résumé de son discours à notre première page. Il se faisait tard, mais la foule en veine appela l’hon. Dr Landry, ministre de l’agriculture, qui fut obligé de s’avancer Dans une improvisation d’une haute éloquence, il remua tous les cœur en affirmant sa foi inébranlabe en l’avenir du peuple acadien. Nous avons souffert, terriblement souffert dans le passé. Mais l’épreuve n’a fait que nous grandir aux yeux de l’univers étonné d’une aussi merveilleuse survivance. Restons fidèles à l’antique foi des ancêtres qui ont jeté sur cette partie du continent les premiers jalons de la civilisation chrétienne, parlons toujours la belle langue de l’ancienne mère-patrie, et fêtons, à l’exemple des peuples qui nous entourent, avec entrain et partout où c’est possible, l’Assomption de Marie. Instrusions-nous, attachons-nous au sol, perfectionnons nos méthodes de culture, et nous arriverons sûrement, nous prendrons notre place au premier rang au sein des populations dont se compose la Puissance du Canada. Ce fut là le dernier discours, mais il ne fut pas le moindre – les vivats qui le saluèrent l’attestent hautement. Après avoir poussé de vigoureux hourras pour Mgr Richard, pour les orateurs, pour M. le président, qui l’avait si gentiment et si habilement dirigée, l’assemblée se dispersa aux doux accords de la fanfare jouant l’Ave Maris Stella et le God Save the King. Au départ de Mgr Richard, mardi soir, la fanfare exécuta, devant le presbytère, l’Ave Maris Stella; Monseigneur félicita les membres de ce corps de musique et les remercia de cette délicate attention. Ce fut au bruit d’enthousiastes vivats que le vénérable curé de Rogersville prit congé de Shédiac où, nous a-t-il dit, il venat d’assister à l’une des plus grandioses démonstrations qu’il lui ait été donné de voir dans les Provinces Maritimes. Tel semble être le verdict de tous les étrangers qui ont honoré la fête de leur présence et qui ont ainsi si puissamment contribué au grand succès qui la couronnée. Empruntant les paroles émues de M. le curé LeBlanc, nous adressons, en terminant cet imparfait compte-rendu, un cordial merci à tous les visiteurs. Encore un mot pour clore. C’est un mot de félicitation à M. le curé LeBlanc, à M. le dévoué président Bellivau et à l’intelligent comité qui le secondait, aux bonnes Religieuses du Couvent dont le savoir-faire et le dévouement ont été si largement mis à contribution, et enfin aux Dames du bazar et des tables à manger, qui ont travaillé sans relâche à la réussite de la fête.