L’A. C. J. A. – Rapport du cercle LaFrance

Year
1909
Month
4
Day
29
Article Title
L’A. C. J. A. – Rapport du cercle LaFrance
Author
J. E. Ouellet
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
L’A. C. J. A. – RAPPORT DU CERCLE LAFRANCE Depuis notre dernier rapport au Moniteur Acadien, trois conférences ont été lues dans notre jeune association qui ne cesse de s’affermir en entrevoyant avec espoir le noble but qu’elle est destinée à atteindre. L’étude, la piété et l’action, voilà les trois mots qui résument tout le programme de l’A. C. J. A., et vers lesquels se concentrent les nobles aspirations des élèves qui en font parties. Le 3 janvier, le secrétaire du cercle lut un travail sur l’émigration acadienne. Il nous parla de l’augmentation de cette émigration, des maux dont elle est la cause, et des remèdes à y apporter. “L’Acadie, dit-il, a besoin de tous ses enfants, de toutes ses mains d’œuvre, de l’énergie et du concours de chacun des siens, pour améliorer son sort, accroître sa population, ses ressources, le nombre de ses manufactures, en un mot, pour devenir capable de se suffire et de proclamer son existence.” Ce n’est pourtant pas la place, dit-il, qui manque à ceux qui s’en vont, que de forêts à défricher, et – c’est plus déplorable encore, -- combien de terres incultes le sont faute de colons pour les cultiver. Puis, après avoir démontré l’émigration qui s’opère chez nous chaque année, le conférencier en vient à cette réflexion : “Pourquoi la génération qui pousse perd elle le goût de la terre? Pourquoi tant de jeunes hommes préfèrent ils manier le pic et la pelle, ou faire tout autre ouvrage plutôt que de tenir les mancherons de la charrue?” La raison, dit-il, c’est que l’agriculture n’est pas encore assez encouragée. Ensuite, c’est que, en général, les terres sont mal cultivées. Les jeunes gens sont quelquefois réduits à quitter la maison paternelle pour s’en aller à l’étranger gagner par un rude travail l’argent que les produits de la ferme leur rapporteraient bien plus aisément, si cette ferme était proprement cultivée. Enfin il arriva au remède qu’il est urgent d’appliquer à ce mal qui menace les Acadiens : Il faut encourager l’agriculture, défricher des terres nouvelles, et bien travailler celles que nos pères ont défrichées. Dans les moments d’épreuves, ayons surtout recours à la religion, elle qui retrempera nos forces morales et activera notre énergie. Acadiens, combattons l’émigration des nôtres, qui n’a jamais sa raison d’être dans notre jeune pays. Le 4 avril, M. D. Cormier donnait une conférence sur la dispersion des Acadiens, sujet souvent traité mais qui ne s’épuises jamais. Le camarade Cormier sut intéresser l’assemblée par la manière dont il s’acquitta de sa tâche. Il fit l’historique des Acadiens sous la domination anglaise de 1713 à 1755, c’est-à-dire depuis le traité d’Utrecht dont plusieurs clauses furent violées. Ainsi, par exemple, dans ce traité il était dit que “les sujets du roi de France auraient la liberté de se retirer en aucun lieu qu’ils jugeraient convenable, avec tous leurs effets mobiliers.” Les Acadiens, se voyant forcés de prêter le serment d’allégeance, et privés de leurs missionnaires, demandèrent plusieurs fois la permission de quitter le pays; mais, en dépit du traité, Cornwallis, alors gouverneur, leur refusa chaque fois. Ah! c’est que l’heure de la destruction avait sonné pour ces braves fils de la France; “c’est que les Anglais voulaient garder les Acadiens pour pouvoir les déporter aux quatre vents du ciel, imprimant par là une tache innefaçable à l’histoire de la domination anglaise en Acadie.” Tout était prêt pour la déportation, cependant les Acadiens vivaient en paix, ignorant complètement le sort qui les attendait. Sommés par les officiers anglais, Winslow et Murray, de se rendre à l’église de Grand Pré, le 5 septembre 1755, ils obéirent sans le moindre soupçon. Pourtant, c’est là que les attendait le cruel arrêt. Le conférencier nous peignit les scènes déchirantes de la déportation, scènes dont tout Acadien ne peut entendre le récit sans sentir une larme mouiller sa paupière…… “L’œuvre d’iniquité de Winslow était enfin consommée; son souhait, Finis Acacioe, s’était bien réalisé.” En terminant, M. Cormier cita ces lignes tracées par l’immortel Longfellow, parlant de la solitude de Grand-Pré après la déportation : “Où sont les toits de chaume du village la demeure de l’habitant acadien, dont la vie voilée par les ombres de la terre, mais reflétant l’image des cieux, s’écoulait comme les ruisseaux qui arrosent les terres vierges?.... Du joli village de Grand-Pré, il ne reste plus rien que la tradition.” Jeudi dernier c’était M. E. Dupont qui intéressait les membres du cercle Lafrance par la lecture d’un travail bien préparé sur les Acadiens avant 1755. Son but était surtout de peindre la vie intérieure, les mœurs et coutumes des Acadiens des premiers temps de la colonie. Il nous fit un tableau réel des souffrances qu’eurent à endurer les premiers colons acadiens pour donner un pays à la France, leur mère patrie. Hommes, femmes et enfants, tous prêtaient leurs forces et leurs activités pour défricher des terres, construire des digues et cultiver le sol. Leurs efforts ne demeurèrent pas infructueux, la petite colonie ne tarda pas à prospérer. “Tout le jour occupé aux travaux de la ferme, et le soir jouissant des douceurs de la vie familiale, ainsi se passait la vie du paysan acadien, tandis que grandissaient autour de lui ses enfants et ses petits enfants à qui il enseignait l’amour de la patrie et de la religion, le respect des traditions et l’attachement à la langue française et au vieilles coutumes des pères”. Après avoir peint la vie intérieure des ancêtres acadiens, M. Dupont parla de l’harmonie qui existait chez les Acadiens, du respect et de l’amour qu’ils portaient à leurs prêtres. Chacun se faisait un devoir d’aider ses semblables. C’est du temps reculé où vivaient nos ancêtres que date l’origine des “frolics”, (journée d’aide) qui existent encore aujourd’hui. Ces “frolics” étaient organisés soit pour élever des constructions, soit pour filer, tricoter ou pour filer la toile neuve. “Le soir il y avait une réveillon où l’on buvait, mangeait, dansait et chantait Cette vie heureuse et paisible devait passer à un changement subit! “Les anglais voulurent d’abord leur faire renoncer à la France : ils refusèrent. Les anglais voulurent les faire apostasier leur foi, abdiquer leurs coutumes et changer leur langue… Jamais!! Alors…. Et déjà ils méditaient la ruine d’un peuple. Le cercle Lafrance n’a pas la prétention de se donner comme modèle; mais combien heureux seraient ses membres s’ils voyaient surgir de nombreux groupes de jeunes Acadiens avec qui ils pourraient s’unir pour combattre les bons combats. J. E. Ouellet, Sec. 19 avril