Eclaircissements sur la question acadienne - le serment d'allegeance (suite)

Newspaper
Year
1888
Month
10
Day
17
Article Title
Eclaircissements sur la question acadienne - le serment d'allegeance (suite)
Author
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Page Number
3
Article Type
Language
Article Contents
ECLAIRCISSEMENTS SUR LA QUESTION ACADIENNE Le serment d’allegeance (Suite) Là-dessus, ils prêtèrent serment et apposèrent leurs signatures sur la double copie française et anglaise. Il n’est besoin de dire ce que devint la traduction française avec sa note marginale compromettante. Armstrong avait en mains dans le texte anglais l’instrument qu’il convoitait depuis si longtemps, et qu’il allait avoir tant d’orgueil à expédier à Londres, en se vantant d’avoir accompli ce que personne n’avait pu auparavant. Le gouverneur termina cette détestable comédie par une nouvelle exhortation à la soumission et à la fidélité au Roi. Enfin, après avoir bu à la santé de Sa Majesté, de la famille royale, et après avoir porté plusieurs autres santés, le gouverneur les congédia en leur souhaitant une bonne nuit. On juge de la satisfaction avec laquelle Armstrong du écrire peu de temps après à Londres : “Je trouve véritablement que tout le monde est très satisfait ici, Français et Sauvages, de la paix qui règne et du serment de fidélité juré au roi George, résultat qui m’a coûté et qui me coûtera encore beaucoup d’argent et bien des peines et du travail.” Ce résultat n’était cependant pas aussi considérable qu’Armstrong le faisait entendre; car, dans l’assemblée du 25 septembre, le serment n’avait été prêté en définitive que par les habitants de Port-Royal. Partout ailleurs, malgré des tentatives réitérées, il n’avait rencontré que des refus. Mais son premier succès l’avait grisé, et lui faisait espérer de tout régler è la prochaine occasion. Cette occasion ne se fit pas attendre : elle se présenta d’elle-même par la mort du roi George I et l’avènement au trône de son fils George II, en faveur duquel il fallut prêter serment d’allégeance. Le gouverneur se flattait qu’il ne rencontrerait que peu de difficultés à Port-Royal, où il ne s’agissait, pensait-il, que de réitérer le serment déjà prété, mais il n’en était pas de même dans les autres établissement, où il venait d’échouer, où sa faible autorité se faisait à peine sentir, où il faillait des ménagements infinis, où enfin il ne pouvait espérer réussir qu’à force de stratagèmes. La clause contenant l’exemption de prendre les armes, que ceux de Port-Royal avaient exigée par écrit et sans lequelle ils n’auraient pas consenti à prêter serment, allait y être exigée avec bien plus de rigueur. Il n’y avait pas moyen de l’éviter, il fallait y consentir. On y consentirait donc; c’était entendu à mots couverts, quitte à trouver ensuite un prétexte pour l’éluder. Ce serait une autre note marginale à insérer dans une copie française quelconque, qu’il n’y aurait plus qu’à faire disparaitre comme la première. Cela n’avait pas de conséquence parce que le texte anglais étant le seul qui fit foi, le seul dont on eût besoin : the English being what I had to govern myself by. 1. C’est ce que dit en toutes lettres dans son rapport l’enseigne Robert Wroth, l’officier envoyé par Armstrong dans les établissements éloignés pour proclamer le nouveau roi et réclamer le serment d’allégeance. Wroth, au moment de son départ de Port-Royal, avait reçu des instructions écrites, dont la teneur indique l’ardeur extrême que le gouverneur mettait au succès de sa mission. Elles portaient qu’il devait les suivre d’une manière générale et ne devait s’en écarter que si les circonstances et les lieux l’exigeaient. (Instructions from which you are not to depart unless where circumstances and place may so require.) 2. C’était lui donner en quelque sorte carte blanche, et l’exposer, si c’était un homme faible, à tout céder aux Acadiens. Ceux-ci, prévenus à temps, s’étaient concertés et avaient résolu de faire un dernier effort pour obtenir la justice qu’on leur avait toujours déniée, c’est-à-dire l’exécution du traité d’Utrecht et des ordres de la reine Anne. A Beau-Bassin comme à Cobequid, à Pigiquit comme à La Grand’Prée, Wroth recontra la même fermeté. On le reçut avec beaucoup d’égards, on fêta par des salves de mousqueterie l’avènement du Roi; mais avant de prêter serment, on lui fit signer les articles suivants : “Je, Robert Wroth, Enseigne et Adjutant des Troupes de Sa Majesté le roi George le Second, promets et accorde, au nom du roi nom maître, et de l’Honorable Lawrence Armstrong, Ecuier, son Lieutenant-Gouverneur, etc., commandant-en-chef de cette Province, au habitants des Mines, de Pisiquid et dépendances, qui auront fait et signé le serment de fidélité au roi George le Second, les articles ci-dessous qu’ils m’ont demandés (savoir) : “1re: Qu’ils auront le libre exercice de leur religion et pourront avoir des missionnaires, dans les lieux nécessaires, pour les instruire, catholiques, apostoliques et romains. “2e: Qu’ils ne seront nullement obligés à prendre les armes contre qui ce soit, et de nulle obligation de ce qui regarde la guerre. “3e: Qu’ils demeureront en une véritable possession de leurs biens qui leur seront accordés à eux et leurs hoirs dans la même étendus qu’ils en ont joui ci-devant et en payant les mêmes droits accoutumés du pays. “4. Qu’ils seront libres de se retirer quand ils leur semblera, et de pouvoir vendre leurs biens et de transporter le provenu avec eux sans aucun trouble, moyennant toutefois que la vente sera faite à dès sujets naturels de la Grande-Bretagne, et losqu’ils seront hors du terrain de Sa Majesté ils seront déchargés entièrement de leur signature de serment.” Robert Wroth.” 3