Un Collège Acadien

Newspaper
Year
1906
Month
3
Day
15
Article Title
Un Collège Acadien
Author
un Acadien
Page Number
4
Article Type
Language
Article Contents
Un Collège Acadien Monsieur le Rédacteur :— Quelques mots s'il vous plaît, monsieur le rédacteur pour revenir à la question d'un Collège Acadien sur l'Ile St. Jean. Déjà, il y a à peu près trois ans, cette question importante fut soulevée par un de vos correspondants sous le pseudonyme de "Paul" qui nous annonçait devoir bientôt nous donner un aperçu détaillé du plan coopératif qui, selon lui, devait doter cette province d'un Collège Acadien qui prodiguerait une éducation supérieure à notre jeunesse acadienne. La question fut dans le temps vivement discutée; mais jusqu’à présent tout ce patriotisme a été lettre morte, et notre province reste—surtout au point de vue français—sans Collège. C'est, cependant, une vérité indiscutable, qu'un Collège Français produirait un bien immense au milieu de notre population acadienne tant dans l'ordre moral que social. La population acadienne, au point de vue numérique a besoin d'une éducation supérieure nationale plus que tout autre afin de maintenir son existence comme peuple; car sans cette éducation qui est comme la force motrice d’un pays, notre petit peuple acadien ne peut manquer d'être absorbé par la masse de la population hétérogène qui forment la majorité de cette province. Il est important d'avoir au milieu de nous des hommes éclairés qui, toujours sur le qui—vive, ne craindront pas d'élever la voix pour signaler les méfaits et les complots que nos ennemis ourdissent dans les ténèbres. Des hommes qui sauront défendre et faire respecter nos droits. Il est vrai que nous avons un Collège sur l'Ile St. Jean mais je regrette de l'affirmer n'est pas une institution adéquate aux besoins de notre jeunesse acadienne, puisque cette institution, au lieu de viser au progrès et au perfectionnement de la langue française parmi nous semble plutôt travailler à l'unification des langues sur l'Ile St-Jean, Cette institution, sans doute, mérite d'être encouragée puisqu'elle a donné à l'Eglise une foule de prédicateurs, de dignes prêtres qui travaillent courageusement dans la vigne du Seigneur, mais à quelques rares exceptions, sont Ecossais ou Irlandais ne parlant pas notre langue maternelle, ou la parlant très imparfaitement. Il me semble pourtant que si le Collège St Dunstan avait à cœur l'avancement de la race Acadienne ainsi que le progrès de la belle langue de Bosuet, que les autorités se feraient un devoir d'y ériger une chaire de français avec un professeur expérimenté, qui enseignerait cette langue dans toute sa pureté et sa beauté. Peut-être quelques-uns de mes compatriotes pourraient dire qu'il n'est pas nécessaire d'étudier le français, puisque dans le milieu où nous vivons, avec une majorité de langue anglaise, où le commerce se fait en lais, et enfin où l'anglais est la langue officielle qu'il nous est beaucoup plus important de nous appliquer à l'étude de l'anglais. A celà je répondrai : Oui l'étude de la langue anglaise nous est indispensable; mais cela ne doit pas nous porter à mépriser ou même à oublier notre langue maternelle. Pas besoin de compromis. Les deux langues peuvent s'accommoder amicalement, et peuvent s'enseigner alternativement. La belle langue française étant la langue diplomatique de tous les pays civilisés, il s’ensuit donc qu’elle est d’une utilité importante, et qu’elle mérite qu’on l’étudie avec ardeur. Le peuple qui oublie ou renie sa langue maternelle renira bientôt sa foi, ses coutumes et les glorieuses traditions de ses pères. Aux Etats-Unis où se trouvent des centres Irlandais, on fait des suprêmes efforts pour faire revivre la langue Gaélique en érigeant des institutions pour l'enseignement de cette langue. Les Irlandais, enfin ont compris un peu tard, que l'oubli de la langue de leurs pères les a fait dégénérer comme peuple distinct et que la foi et les croyances de leurs ancêtres se sont refroidies, et en maintes instances disparu principalement parmi les classes rurales. N'en sera-t-il pas ainsi des Acadiens si nous ne faisons un suprême effort pour maintenir et améliorer la langue française parmi nous? Hélas! oui compatriotes, abandonnons l'usage de notre langue et bientôt nous renirons la religion de nos pères. Et, comment comment conserver cette belle langue dans toute sa pureté si ce n'est en nous efforçant de donner à notre jeunesse acadienne une bonne éducation française, si ce n'est en un mot, en faisant de généreux sacrifice afin d'ériger une maison d'Éducation Supérieure qui implanterait dans l'esprit de notre jeunesse cette éducation si désirable pour nous. Plusieurs pourraient objecter qu'un Collège Acadien ne pourrait subsister dans cette province; mais comment fait-il qu'ils subsistent dans la province du Nouveau Brunswick? Aujourd'hui nous trouvons dans cette province deux Collèges Acadiens. L'Université du Collège St. Joseph à Memrancook, et le collège du Sacré Cœur à Caraquet, deux collèges qui ont doté cette province de prêtres, de médecins, d'avocats, d'ingénieurs civils, de juges, d'hommes politiques acadiens qui tous font honneur aux Acadiens de cette province. Pourtant ces institutions n'ont pas été si progressives à leur, début, qu'elles le sont aujourd'hui, et pourtant elles ont grandi. Lorsque le regretté Mr. Lafrance, un prêtre rempli d'énergie et de courage, jeta les bases du Collège St-Joseph la perspective dû lui sembler bien sombre, lorsqu'à l'ouverture de ses classes, il ne vit que sept étudiants prendre place sur les bancs du Collège; mais cette œuvre patriotique étant agréable à Dieu elle a grandi, comme les cendres plantés au bord des grandes eaux, et a porté des fruits au centuple. Aujourd'hui, cette institution lève fièrement la tête, et peut jeter un regard rétrospectif sur son passé, et compter une phalange d'hommes, utiles à la société, qui sont sortis de son sein, et qui longtemps garderont un heureux souvenir de leur Alma Mater. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi d'un Collège Acadien sur l'Ile St. Jean? Rien n'est impossible à un peuple qui a pour patronne la Mère de Jésus Enfant. Oui mon cœur tressaillirait d'allégresse si je voyais nos hommes acadiens influents et surtout nos curés prendre l'initiative pour fonder un si beau monument national. Espérant bientôt voir "Paul" revenir à la charge sur un sujet aussi noble j'ai l'honneur d'être, monsieur le rédacteur, votre tout dévoué etc. UN ACADIEN Mont Carmel I. P. E. Ce 8 mars 1906.