Notre langue maternelle

Newspaper
Year
1901
Month
5
Day
30
Article Title
Notre langue maternelle
Author
Jean Castor
Page Number
6
Article Type
Language
Article Contents
NOTRE LANGUE MATERNELLE La plupart des Anglais du Canada, et peut-être des Américains, croient que les Canadiens-francais ne parlent qu’un patois, sont d'une ignorance extrême et sans littérature. Beaucoup d'étrangers établis dans le pays, notamment certains professeurs belges et français ne se font pas toujours scrupule d'accréditer cette erreur. La vérité “vraie” est que notre peuple ne parle pas le patois. Il parle le francais de la fin du XVIe siècle et du commencement du XVIIe, que nous lisons avec tant de plaisir dans les œuvres de Molière et de la Fontaine; mais leur francais est appauvri, peu grammatical, surchargé d’anglicismes, de solécismes et de néologismes créés pour les besoins du pays et lourdement prononcé. A côté du peuple se trouve un nombre grandissant d’hommes et de femmes qui parlent, écrivent et prononcent fort bien. On observe ce phénomène qu’au Canada il n’y a ni patois ni dialectes, et qu'en France ils abondent. Il faut l’attribuer au fait historique que les premiers colons du Canada ne se servaient que du francais en particulier comme en public. Ils étaient presque tons instruits. Ce qui étonne, c’est que le français se soit si bien conservé au Canada. A la Cession, les nobles, les bourgeois et les riches repassèrent pour la plupart en France. Isolé de l'ancienne mère-patrie, le peuple resta aux rissed avec le sol rebelle, avec la tâche de nourrir de nombreux enfants et avec la métropole qui voulait tout angliciser. Si l'on ajoute que le bas clergé était peu instruit, peu soucieux de bien s'exprimer et de répandre l'instruction dont il avait le contrôle absolu, on sera surpris que le français n'ait pas péri. Il a survécu, mais il est resté stationnaire durant de longues années. Il est donc de notre devoir à tous qui sommes d'origine francaise, de soigner notre parler et de nous corriger des expressions vicieuses et malsonnantes qui forment trop souvent le répertoire des élèves des collèges classiques du Canada. Cesson d'appeler un bouton de porte une “poigne”; des conserves des “marinades”, des pommes de terre des “patates”, des crampons des “grappins’’, une cuvette un “bol”, un brevet une ‘‘patente”, une locomotive un “engin”, une le poste des pompier la “station du feu", le conseil municipal la “corporation”, la commission de la voirie le “comité des chemins” le conseil d’hygiène le “bureau du santé", etc, etc En épurant notre langue et en nous corrigeant, nous nous éviterons le désagrément de nous voir ridiculiser comme ce bon Canadien qui sur un boulevard de Paris, allait de magasin en magasin pour acheter une “strappe” de rasoir et du “black bol” pour “frotter” ses chaussures. Jean Castor.