Correspondance

Newspaper
Year
1900
Month
3
Day
8
Article Title
Correspondance
Author
Insulaire
Page Number
5
Article Type
Language
Article Contents
Correspondance M. le Rédacteur, C’est avec les sentiments de la plus profonde douleur que j’ai lu dans votre aimable journal le compte rendu, par un “Acadien”, des obsèques des dernières espérances humaines de l’Acadie d’avoir un évêque de nationalité française. Nos dernières espérances humaines, mortes, ensevelies, la tombe fermée sur elle pour toujours. C’est pénible en effet. Après avoir réfléchi pour quelques instants sur cette triste affaire, ces paroles du poëte anglais se sont présentées à mon esprit “hope springs eternal from the human breast” Non, me suis-je dit, nos espérances ne sont pas mortes à jamais. C’est à nous de les faire revivre, plus fortes, plus vivaces que jamais, ces espérances dont nos ennemis se flattent d’avoir chanter le dernier réquiem. Toutefois pour le moment, coute que coute, il faut se soumettre de bonne grâce à l’inévitable. “Roma locuta est; causa finita est” Rome a parlé pour cette fois-ci au moins la cause est décidée contre nous. En attendant il nous est encore permis d'espérer et j'ose dire entre parenthèses que si nos espérances étaient un peu moins humaines peut-être serait-il moins facile d’en faire les obsèques et peut-être obtiendrions-nous plus tôt l’objet de nos désirs. Admettons qu’il y a une Providence qui régit toute chose pour la plus grande gloire de Dieu, et répétons le cœur gros de soupirs dans notre nouvelle épreuve “Fiat voluntas Tua.” “Pas un Acadien, ni prêtre ni laïque, suivait le cortège funèbre”. Les prêtres Acadiens devaient avoir de bien graves et fortes raisons, pour ne pas assister au sacre de leurs nouveaux évêques et une bonne raison selon moi c’est que cette cérémonie a eu lieu le dimanche, mais pour vous, Monsieur l’Acadien, de venir nous dire qu'un prêtre ou un laïque acadien en assistant au sacre de son évêque légitime nommé par le Saint Siège se serait rendu coupable du crime de trahison, aurait été ni plus ni moins qu’un lâche, c'est trop fort. C’est du nouveau cela, c’est une doctrine que nos Acadiens n’ont jamais connue. C'est tout simplement être acadien d’abord et catholique ensuite. “Au premier rang des porteurs” nous dit encore “un Acadien” on remarquait plusieurs évêques et Monseignors Canadiens venus tout exprès de la province sœur pour la funèbre cérémonie.” Pas de malice Monsieur l’Acadien. Vous souvient-il qu’un jour il nous vint de la province soeur un apôtre, un sauveur? Ce n'était pas un évêque de nationalité française que nous demandions alors, mais bien des prêtres de notre langue. Cet homme de Dieu se mit à l'œuvre et grâce à la maison d’éducation qu’il sut fonder au prix de pénibles labeurs et d’héroiques sacrifices bientôt on put voir de nombreux ouvriers acadiens travailler avec une sainte énergie dans la vigne du Seigneur. M. l’acadien, j’avoue que votre notice obituaire est très bien faite. C'est, sans contre dit, un vrai petit chef d’œuvre, mais je vous le demande bien sérieusement, à quoi bon tout cela ? Permettez-moi de vous dire franchement que des écrits tels que le vôtre sont de nature à faire plus de tort que de bien à la cause acadienne. Quant à vous, M. l’Observateur de l’Evangéline, vos notes sont de très mauvais gout. Vous travaillez évidemment à semer de bien méchant grain là-bas. Puisse-t-il avoir le même sort que les trois parties de ce grain dont nous parle l’Evangile. “L’éminent prédicateur Mgr McEvay”, vous dites, a été vraiment inspiré lorsqu’il a dit : Ceux qui gouvernent doivent éviter ce qui est de nature à pousser les minorités à la rébellion et à l’insubordination. “Très bien mais l’éminent prédicateur aurait pu ajouter sans s'écarter de la vérité : malheur à la minorité qui oserait s’insurger contre l’autorité ecclésiastique légitimement établie et mille fois malheureux le démagogue qui par ses écrits inopportuns eût poussé cette minorité à la rébellion et à l’insubordination. “Ceux qui ont des oreilles pour entendre qu’ils entendent.” INSULAIRE. Ch'Town le 2 mars 1900