Discours de M. l'Inspecteur Arsenault à la convention des instituteurs tenue à Miscouche

Newspaper
Year
1898
Month
9
Day
1
Article Title
Discours de M. l'Inspecteur Arsenault à la convention des instituteurs tenue à Miscouche
Author
Jos. Oct. Arsenault
Page Number
4
Article Type
Language
Article Contents
DISCOURS DE M. L’INSPECTEUR ARSENAULT A LA CONVENTION DES INSTITUTEURS TENUE A MISCOUCHE Revds, Messieurs, Mesdames et Messieurs. Vous me permettrez, en ouvrant la première séance de notre sixième convention, d'offrir quelques remarques relatives à l'organisation et au but de l'Association des Instituteurs Acadiens de l'Ile. En septembre 1893, au temps de l’exposition provinciale, quelques Revds. Messieurs, le sénateur Arsenault et une quinzaine d'instituteurs et institutrices, sur l'invitation qui avait paru dans l'IMPARTIAL, s'assemblèrent dans la salle Philharmonique, Charlottetown, et là, vers les huit heures du soir, s'organisa notre association qui depuis a nettement démontré l'utilité et même la nécessité de son existence. Là, nous jetâmes les bases du grand programme que nous devions suivre à l'avenir, c-à-d, la propagation de notre langue; la coopération, de nos instituteurs et institutrices et autres dans l'avancement de l'éducation parmi les français de l'Ile. Je me rappelle bien les paroles du sénateur Arsenault en cette occasion : ‘‘Qui aurait même pensé quand j'enseignais, dit-il, que les maîtres et maîtresses de nos écoles françaises tiendraient à une assemblée dans Charlottetown et de plus dans une si magnifique salle? C’est vraiment un pas audacieux et un grand pas vers le progrès. L'An 1894 notre convention eut lieu à Egmont Bay où nous fûmes honorés de la présence de Mgr. McDonald, évêque de Charlottetown, de M. l’abbé Casgrain de Québec et de sept membres du clergé de ile. En 1895 nous nous assemblâmes à Tignish; en 1896 à Rustico, à Bloomfield en 1897, et, aujourd'hui, nous voici dans la belle petite paroisse de Miscouche qui a été si souvent chantée et à juste titre. Quant au but de nos conventions vous comprendrez facilement qu'il s'agit de nos intérêts les plus importants, tant intellectuels que moraux, par le fait même que toutes nos réunions ont été honorées et encouragées par la présence du clergé. Mais, pour mieux comprendre encore voyons la noble et indispensable tâche de l'instituteur. Le prêtre revêtu la plus haute dignité à laquelle un homme puisse atteindre, est l'âme, la consolation, le guide de la paroisse. Il est un trésor d'un prix inestimable que nous ne pourrons jamais assez apprécier. Toutefois il ne peut prendre la place des parents vis-à-vis des enfants; c'est même très rare qu'il a l'occasion de leur parler individuellement. Eux, ils ne le prennent pas directement pour modèle, vu la haute dignité de sa position. Le médecin, nous n'en parlerons pas, sa visite n'étant qu'accidentelle et n'ayant rien à faire directement concernant l'éducation de la jeunesse. L'avocat, encore moins; il ne vient même pas dans nos villages et le moins que nous aurons à faire à lui, le mieux pour nous. Qui donc prend la place du prêtre et des parents? A qui les parents confient-ils les plus précieuses années de leur enfants? Qui est le dispensateur des douces rosées et des doux rayons qui font épanouir ces jeunes intelligences? Qui a le moule qui forme la destinée des individus et conséquemment des nations? Qui va faire acquérir à ces adolescents la plus grande des fortunes après la religion? C’est-à-dire, l’éducation? Qui devons-nous remercier si nous parlons encore bon français? Mesdames et Messieurs, vous ne serez pas surpris quand je le dirai, parce que vous le connaissez déjà très bien, c'est l’instituteur. C'est lui qui est sensé être un modèle, qui est sensé savoir toutes choses et encore travailler pour un très petit salaire. Or, vous comprenez que la profession de l'instituteur est noble, indispensable, et digne de l'homme le plus éminent en position, en science et en vertu. Si vous voulez bouleverser une nation, commencez par les écoles; si vous voulez qu'une nation parle français, anglais ou allemand, commencez par les écoles ; si vous voulez avoir une nation d'athées, d'infidèles, de dépravés, commencez par les écoles; si vous voulez avoir une nation intelligente, une nation de bons chrétiens, une nation qui aime la vérité, le travail, l'agriculture, une nation qui respecte les lois de Dieu et des hommes, commencez par les écoles. Je dirai plus. Si vous voulez avoir une nation sobre, commencez par les écoles. Mais quand nous disons école, n'est-ce pas le maître qui fait l'école? C’est vrai qu'il faut une maison, des lois, des livres, etc. N'importe si vous avez un bon maître ou un mauvais maître, vous aurez de bons citoyens ou de mauvais citoyens. C'est le maître qui compte pour le plus par beaucoup. Quoique le succès d'un maître ne fasse pas évènement comme les exploits d'un Dewey, d'un Shafter et autres qui sont à la recherche des grandeurs humaines, sa mission est plus grande, plus noble, plus impérissable. Donc, sommes-nous dignes de cette profession? Sommes nous l’instituteur dont je viens de parler? Avons-nous les qualités qui nous rendent dignes d'être MAITRE absolu de quarante, cinquante et par fois de soixante enfants pour des années? C'est à chacun de nous à y réfléchir. Toutefois, nous montrons par notre empressement à assister à nos conventions que nous voulons nous perfectionner. Nous nous considérons encore novices dans l'enseignement et nous venons ici pour nous retremper, pour apprendre les uns des autres; nous corriger charitablement les uns des autres afin de retourner sur le champ de bataille mieux munis du courage et des munitions qui mènent à la victoire. Il vous fera plaisir d'apprendre que les Acadiens de l'ile parlent encore le bon français quoiqu'en disent un grand nombre qui ne savent pas mieux, ou qui ne connaissent pas le langage du tout. Nous avons maintenant un journal français, I’Impartial, rédigé par un des nôtres, et ce journal est sur un pied et écrit d'un style qui fait honneur à l'esprit d'entreprise des Acadiens. Nous avons quarante quatre écoles dont sept sont graduées, conséquemment nous avons cinquante et un départements scolaires français, et toutes ces écoles sont enseignées par des maîtres qui sont humbles, studieux et consciencieux. J'ai eu le plaisir et le bonheur de constater maintes et maintes fois que les conseils et les ordres de ceux qui ont autorité sur ces maîtres sont respectés et obéis. Mais laissons aux autres à parler, si bon leur semble, de ce qui a été bien fait, et occupons nous de ce que nous avons à faire aussi bien que de ce que nous avons mal fait. Nous parlerons de ceci dans notre programme. Voici : 1- Le recensement va être pris dans trois ans, et afin qu'il ne soit pas dit de nos compatriotes qu'ils sont pour la plupart des ignorants, nous devons -instituteurs et parents nous efforcer de connaître ceux des nôtres qui ne savent ni lire ni écrire et aviser aux moyens de les faire instruire – école du soir, etc. 2-Travailler à l'amélioration de la cour de l’école 3-Encourager les garçons à travailler à l'agriculture. Le fermier est, après tout, le soutien du pays, l'homme respectable, l'homme indépendant et bien souvent le meilleur chrétien et l’homme qui devrait être respecté et qui l’est. 4- Etablir des bibliothèques dans chaque district. 5-Commencer à demander que le français soit enseigné en français au collège P. W. 6-Ne pas perdre de vue que nous devons beaucoup et presque tout à nos anciens maîtres, si nous parlons encore français. En terminant je dois dire que nous avons à regretter bien sensiblement la perte de celui qui nous a aidé si efficacement dans l'organisation de notre association le regretté sénateur Arsenault. Nous avons à insérer dans nos registres que nous apprécions les grands services qu'il a rendus à sa patrie et que tout en le regrettant nous sommes fiers de l'avoir eu dans nos rangs. JOS OCT. ARSENAULT.