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Monsieur le président, Messieurs,
N’ayant point été mis au nombre de ceux qui font partie de la commission chargée du choix d’une fête nationale pour le peuple acadien, je me suis nullement préparé à discuter cette grande question maintenant agitée. Mais puisqu’on me fait l’honneur de me demander mon opinion sur ce sujet, en ma qualité d’Acadien-Français, je ne saurais refuser de vous faire connaître mes sentiments à cet égard; ce que je vais faire en très peu de mots. D’abord, il me paraît inutile de discuter ici l’importance d’une fête nationale, - c’est une chose dont la nécessité est d’avance reconnue de tous ceux ici présents, et de tous ceux dont nous sommes les représentants. Il s’agit donc, monsieur le président, de voir si nous devons adopter la Saint-Jean-Baptiste, fête nationale des Canadiens, ou si nous devons nous en choisir une pour nous seuls, en notre qualité de peuple acadien-français. Si nous ne formons qu’un seul peuple avec nos amis les Canadiens; si nos intérêts sont identiques, je ne vois pas que nous ayons à discuter cette question plus longtemps; adoptons, sans autre préambule, la Saint-Jean-Baptiste, et finissons-en avec cette question qui, selon moi, est d’une grande importance pour notre nationalité. Si, au contraire, nous Acadiens-Français, formons un peuple à part, si nous avons nos usages, nos coutumes, si nous avons grandi dans notre sphère comme les Canadiens ont grandi dans la leur, je ne vois pas pourquoi on nous objecterait aujourd’hui le privilège d’une fête nationale. Nous voulons cette fête parceque nous en avons le droit et par le fait même qu’on nous reconnaît comme peuple. Puisque nous jouissons de ce droit à l’instar de tous les peuples qui nous entourent et de tous les peuples de la terre, je pourrais dire, pourquoi nous refuserait-on d’exercer notre prérogative en cette matière? Comme je viens de le dire, nous avons un droit irrévocable, comme peuple, à une fête; nous la voulons, - en conséquence, nous ne saurions plus longtemps diriger nos pensées vers la Saint-Jean-Baptiste pour notre fête nationale puisqu’elle est celle des Canadiens. Il ne nous reste donc qu’à nous entendre sur le choix d’un saint ou d’une sainte sur lequel se concentrera le plus grand nombre de votes, afin que la fête, une fois choisie et adoptée par la présente convention, soit d’une telle popularité qu’elle soit chômée par toute l’Acadie.
Maintenant, monsieur le président, voilà à peu près ce que j’ai à dire sur ce sujet pour le moment, vu que la discussion ne fait que de commencer. Je désire avant d’en dire davantage entendre mes confrères émettre leurs idées sur le sujet, et soyez assurés que ce sera surtout la solidité des arguments que je prendrai en considération pour diriger mon vote sur cette question vitale. Je me permettrai maintenant, messieurs, de reprendre mon siège, et s’il y a besoin, je reviendrai sur la question plus tard.