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Year
1881
Month
8
Day
11
Article Title
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Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
M. le rédacteur, Un touriste, apparemment [illisible] pour le moment à Cacouna, a bien voulu « faire part à vos lecteurs acadiens des impressions » qu’il a rapportés de la convention nationale des Acadiens. Comme des lecteurs auxquels il s’adresse, il ne trouvera peut-être pas mauvais que je lui fasse part à mon tour des impressions que m’ont fait les siennes. [illisible] autre préambule, je lui dirai que sa petite correspondance me paraît être le fruit d’un esprit fort étroit, et que, bien qu’elle accuse de la part de l’auteur une [illisible …] elle n’offre pas même un semblant d’éducation. Je serais fort étonné d’entendre qu’aucun de vos lecteurs, fut-il même allemand, ait pu être favorablement impressionné de mes malveillantes remarques. Si, par impossible, elles répondaient fidèlement aux sentiments de ses compatriotes, alors, moi pour un, je dirais : « il est avantageux aux Acadiens de n’avoir, comme il sous le fait dire, de commerce avec les Canadiens que les rapports extérieurs qui peuvent exister entre eux et les Irlandais ou les Allemands. » Malheureusement, les idées malsaines que met au jour Un touriste se trouveront des échos nulle part, pas plus chez les Canadiens que chez les Acadiens. Que nous importe si un monsieur quelconque, peut-être aigri par quelques-unes de ses impertinentes remarques, lui ait riposté dans le langage qu’il lui prête? De quel droit, je le demande, peut-il de là insinuer, que la « [illisible] » sympathie que lui a témoigné ce monsieur est l’expression des sentiments des Acadiens en général à l’égard des Canadiens? Et dites-moi, M. le rédacteur, s’il y avait quelque chose propre à aigrir les esprits, à causer de ma mésintelligence, et, peut-être, à amener une rupture des relations fraternelles entre les deux peuples, ne serait-ce pas des remarques de la nature de celles qu’il s’est permis d’exprimer, seulement elles trouvaient de l’écho quelque part? Et puis, ce patriotique appel à vos sentiments et à ceux d’un personnage que fait le monde, vénérer pour confirmer ses nobles impressions! Ah! voilà, par exemple, qui est aimable et sympathique. Avec le bon sens qu’on vous connaît, je ne vois comment vous avez pu lui avoir laissé l’entière responsabilité de sa correspondance et avoir fait la sourde oreille à mon appel! Non, « les Acadiens ne veulent pas faire un peuple à part ». Ce qu’ils veulent c’est de rester ce que la divise Providence les a faits. Si Dieu, dans ses desseins impénétrables, a bien voulu faire passer le petit peuple acadien par des voies qui ont imprimé à son caractère un cachet qui le distingue des peuples grands et petits qui l’environnent, il serait peu patriotique de la part de ce peuple d’aller faire quoi que ce soit qui pût tant soit peu affaiblir les traits qui le caractérisent et l’empêcher d’être reconnu pour ce qu’il est aux yeux des autres peuples. Il sera digne et louable de sa part d’affirmer son existence comme peuple, chaque fois que les circonstances lui en feront un devoir; et [illisible], en se choisissant lui-même et seulement pour lui-même, une fête nationale, un peuple affirme par là de la manière la plus forte possible, aux autres peuples, son existences et sa détermination de conserver à tout prix son caractère national, le peuple acadien aurait montré, en laissant échapper l’occasion de le faire, qu’il n’est pas digne d’une fête nationale. Pour vouloir rester ce que nous sommes comme peuple et faire connaître notre existence nationale aux autres peuples, ce n’est certainement pas montrer, quoiqu’en dise Un touriste, que nous voulons nous isoler et dépendre entièrement de nos faibles ressources. Encore bien moins montrons-nous que nous voulons nous passer des services des Canadiens qui travaillent au lois, ou au milieu de nous et de concert avec nous, à notre bien et notre avancement ; ou bien encore, que nous considérons les Canadiens comme des étrangers contre l’envahissement desquels il faut être en garde. N’est-ce pas nous faire une grave injure que de nous prêter de pareils sentiments? Il est faux, très faux, de dire encore, comme l’affirme Un touriste, qu’il s’est manifesté dans les discussions qui ont eu lieu à l’occasion du choix de la fête nationale, l’esprit d’exclusivisme fâcheux qu’il nous veut faire entendre. Chacun était là pour discuter la question et se considérait parfaitement libre d’alléguer les raisons propres à faire pencher la balance du côté auquel il croyait devoir prêter son appui. Tout le monde était animé des meilleures intentions, et chacun savait que, si dans le cours de ses remarques il pouvait se glisser quoi que ce soit qui pût donner lieu à des malentendus, on tiendrait compte de ses bonnes intentions et l’on recevrait favorablement les explications rendues désirables. Bien qu’il ne nous fût pas nécessaire d’exprimer nos sentiments de fraternelle amitié et de cordiale sympathie envers nos frères les Canadiens, car personne ne pouvait douter de notre sincérité sous ce rapport, cependant nous n’avons pas manqué l’occasion de le faire. J’ai dit [illisible] ; il faut bien en excepter Un touriste. Pour lui, paraît-il, toutes nos protestations d’amitié n’étaient que du clinquant et de l’[illisible] sonnant. Tout cela, selon lui, se réduisait à rien parceque dans son cerveau étroit il ne pouvait [illisible] comment le peuple acadien pouvait mettre en relief son existence nationale sans rompre, par là-même, avec le peuple canadien-français et nier toutes ses protestations d’amitié à son égard. J’allais faire de nouvelles remarques, M. le directeur, mais j’ai déjà été trop long. Il eût peut-être été mieux de ne pas tenir compte de la chétive correspondance d’Un touriste et de la reléguer dans l’oubli qu’elle mérite, mais puisqu’il a eu la condescendance de nous faire de ses impressions sur notre compte, il eut bon qu’il sache quel effet elles ont produit sur nous, ce qu’il verra probablement à la manière dont elles ont été appréciées par UN DE VOS LECTEURS ACADIENS.