Aux Acadiens

Newspaper
Year
1895
Month
7
Day
25
Article Title
Aux Acadiens
Author
Henri L. D'Entremont
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
Aux Acadiens. Mess, et chers Compatriotes :— Cent quarante années se sont écoulées depuis l’expulsion et le massacre des Acadiens des possessions françaises de l’Acadie—un événement qui surpasse en horreur les atrocités arméniennes de nos jours— un événement qui sera toujours une tache dans les annales de notre histoire anglo-américaine—malgré que rien autre que le souvenir ou la tradition nous reste de ce lieu témoin des atrocités du dernier siècle. Comme dit Longfellow “Naught but tradition remains of the beautiful village of Grand Pré.” Grand Pré—Que ce nom n'inspire-t-il pas ! Les touristes, les visiteurs qui promènent pour la première fois leurs loisirs en ce pays ne peuvent considérer leur pèlerinage complet sans une visite particulière à Grand Pré. Mais que voient-il en ce village qui fut jadis si beau ? Reste, désolation. Une maison ici, un hameau là, une autre race et d’autres us et coutumes. Et cette cloche d’église qui appelait les jeunes filles acadiennes à la prière ne sonne plus ni l’appel au temple, ni l’angélus du soir. On n’entend plus sur la route au saint lieu ce rire heureux des jeunes acadiennes de Grand Pré. Rien ne reste, rien que la tradition. On indique du doigt le site qu’occupait l’église où furent gardés prisonniers les malheureux Acadiens de ce village qui furent subséquemment déportés. Voilà tout pour le touriste inquisiteur. Quels jours de douleur ! Pourquoi oublierions-nous —nous les descendants de ces héroïques fondateurs—tout ce qu’ils ont souffert en vue de l’avenir ! Ah ! que leur mémoire ne périsse point. Jusqu’à ces derniers nous nous sommes reposés sur la gratitude d’autres races—races différentes quant au sang et quant à la foi—pour presque tout ce qui se rattache à notre histoire. Nous leur devons, jusqu’à un certain point, l’histoire du peuple acadien malgré que cependant, ils aient puisé à des sources peu dignes de foi et donné à leurs récits un peu trop du coloris de l’imagination et de la poésie. Nous nous éveillons cependant. Nous commençons, enfin, à nous renseigner sur tout ce qui se rattache à notre histoire. Et il appartient aux Acadiens—c’est leur devoir, en effet —de ne pas oublier ces lieux qui leur sont devenus sacrés par les souvenirs qu’ils évoquent, les événements multiformes qu’ils rappellent. En conséquence, je propose que les Acadiens se concertent sur l’opportunité d’élever à la mémoire de ces nobles Acadiens—fils de la France —qui furent désarmés et exilés par une bande de lâches conspirateurs dont l’objet était de s’approprier les belles terres de Grand Pré et aussi de s’accréditer auprès du roi d’Angleterre—un monument commémoratif. Unissons-nous. Que tous les Acadiens et tous ceux qui sympathisent avec eux se concertent et souscrivent des fonds en vue de l’érection d’on monument en ce lien où furent fait prisonniers les Acadiens de 1755, à Grand Pré. Qu'un tel monument parle de notre vénération, du respect que nous avons pour ces illustres morts. Concertons-nous : dans un avenir prochain les secours nous viendront de l’Acadie et de ceux qui la visitent. Nos amis ne seront pas sourds à notre appel. Allons, que ce soit un projet arrêté. Qu’on s’organise de suite avec un président, un secrétaire correspondant, un trésorier responsable et que la société pour l'érection d'un monument à Grand Pré, à la mémoire des Acadiens de 1755 soit dès maintenant établie. L'Evangéline, votre journal, messieurs de la Nouvelle-Ecosse, ou de la primitive Acadie, sera le bureau central de la Société. Point de tergiversations. Qu’en pensent les confrères de Shediac : le Moniteur, et de Bathurst : le Courrier ? Un mot de vous tous, s’il vous plaît ? Tous ceux qui désirent communiquer avec moi peuvent m’adresser au bureau de l’Evangeline, Weymouth, sûrs qu’ils peuvent être de m’atteindre. Bien cordialement, HENRI L. D’ENTREMONT.