Discours de l'honorable Monsieur Comeau

Newspaper
Year
1895
Month
5
Day
23
Article Title
Discours de l'honorable Monsieur Comeau
Author
Monsieur Comeau
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
Discours de l’honorable Monsieur Comeau. Très Honoré Père :— Le souvenir de votre premier passage au milieu des habitants de ce comté est encore bien vivant parmi nous, et depuis ce temps votre nom est revenu bien souvent dans nos conversations. Nous étions heureux et fiers de sentir nos cœurs battre si bien à l’unisson de votre cœur si Breton et si Français. Cette joie que nous causa votre première visite, vous avez voulu la renouveler, cette année, mon très Révérend Père, et dans des circonstances qui nous rendent votre voyage particulièrement cher. Comme le vénéré supérieur de ce Collège nous le disait tout à l’heure, il y a vingt-cinq ans que vous êtes à la tête de la Congrégation fondée par le Vénérable Père Eudes. Ce sont vos noces d’argent que vous êtes venu fêter avec vos enfants d'Acadie. Qu’il me soit permis mon Très Révérend Père, d’unir ma voix à la leur pour vous offrir les vœux de toute cette population, pour vous dire son amour filial et sa profonde reconnaissance. Nous vous souhaitons, nous aussi, des noces d’or, et de nombreux voyages encore en Acadie. Nous, Acadiens de la Baie Sainte Marie, nous ne disons pas que vous êtes le Supérieur Général de la Congrégation de Jésus et Marie, mais simplement le supérieur général; et nous nous rallions autour de vous, comme l’on se rallie autour d’un chef habile et dévoué. Nous vous appelons aussi notre Père Car vous nous nourrissez du pain intellectuel et moral, voua nous préparez un patrimoine, qui sera notre richesse et notre bonheur dans l’avenir. Vous nous avez donc adopté pour vos fils, et nous vous aimons comme des enfants aiment leur père. Tout à l’heure on nous rappelait, avec une fierté et une joie bien légitimes, l’histoire féconde de votre généralat, et l’impulsion puissante que votre gouvernement à donnée à la Congrégation de Jésus et Marie. Nous avons bien lieu de nous en réjouir, nous aussi, mon très Révérend Père. N’en bénéficions nous pas aujourd’hui? Ne lui devons-nous pas cette jeune institution, dont nous sommes si fiers et qui est appelée à réaliser un bien immense parmi la jeunesse acadienne? Celui qui plante un arbre n’a pas toujours le bonheur d’en voir les fruits. Ce bonheur là, vous l'avez, vous, mon Très Révérend Père; vous pouvez contempler avec joie les prémices d’une moisson qui promet d’être bien belle. En disant que le Collège Sainte Anne sera un jour notre joie et notre honneur, je ne crois pas faire une prophétie; car, dès maintenant, bien qu’il ne soit ouvert que depuis cinq ans à peine, il offre à nos jeunes compatriotes une éducation qui ne le cède en rien à celle que l’on reçoit dans les autres collèges de ces contrées. Et il continuera désormais de suivre toujours une marche ascendante. Au dehors et au dedans, il s’embellit de jour en jour, malgré les épreuves pesantes qui l’affligèrent l’an passé; et ceux qui n'y étaient pas revenus depuis ce temps sont, je pense, bien agréablement surpris en le revoyant. De plus en plus il sera connu, de plus en plus sa bonne réputation lui amènera des élèves nombreux. Et ces élèves, après avoir éclairé leur intelligence, par l’étude sérieuse de la religion, et par l’acquisition des sciences utiles et agréables; après avoir fortifié leur volonté par l’habitude de la règle observée et du devoir accompli; après avoir rempli leur cœur de l'amour de leur beau pays et de tout ce qui est noble et saint,—ces élèves sortiront d’ici bien préparés pour paraître avec distinction dans la société, pour faire honneur à leurs affaires, pour rendre à leurs semblables d’éminents services, pour défendre efficacement les intérêts de l’Acadie; et ils prouveront par la dignité et le bon exemple de leur vie que les P. P. Eudistes, qui ont donné à la France un amiral de Cuverville, un général O’Neil, et tant d’autres noms illustres, savent aussi donner à l’Acadie des hommes sur lesquels le pays et la religion peuvent compter. Ce Collège toutefois n’est pas destiné à recevoir et à former ceux-là seulement qui se destinent aux professions libérales, mais aussi ceux qui désirent vivre heureux et libres sur le sol que leurs mains auront défriché. Nous reconnaissons que nous avons beaucoup à faire sous le rapport de l’agriculture. Nous croyons qu’il est possible de tirer meilleur parti des terres que nous cultivons. C’est du Collège que nous attendons du secours, c’est sur lui que nous avons fondé nos espérances. Mais vous avez encore des vues plus hautes, mon Très Révérend Père. Avec beaucoup de plaisir, j’ai vu s’élever à Halifax un magnifique grand séminaire où des générations de prêtres pourront se former bien tôt à la science et aux vertus sacerdotales. Ainsi se réaliseront entièrement les vœux de sa grandeur Monseigneur O’Brien, du Révérend Père Sigogne de sainte et vénérée mémoire, et de toutes nos catholiques populations de l’Acadie. Oui l'avenir, toujours incertain pour les hommes du siècle, ne l’est pus, mon Très Révérend Père, pour des sociétés religieuses qui ne recherchent ni la richesse ni la gloire humaine, mais le bien des peuples et la gloire de Dieu. Leurs œuvres se fortifient de toutes les épreuves et de toutes les persécutions qu’elles endurent. Le sacrifice est leur vie. Les obstacles qu’on veut leur opposer leur donnent un nouvel élan, et les font arriver plus vite au but. Pour nous, nous affirmons que rien ne saurait ébranler notre confiance. On a souvent dit que le mot impossible n’est pas français. Après avoir été témoins du zèle infatigable de vos Pères, nous sommes convaincus qu’il n’est pas Eudiste non plus. Ainsi conduits, nous sommes sûrs du succès. Nous nous grouperons autour de vous, Vénérés Pères, pour réaliser cette devise de votre vénérable Instituteur : un seul cœur et une seule âme : un seul cœur pour unir dans une commune affection tous ceux qui se dévouent aux intérêts de ce pays : une seule âme pour aider et pour soutenir ceux qui dirigent ce Collège et qui s’efforcent de le conduire à ses heureuses destinées. Je vous remercie au nom de tous, Mon Très Révérend Père, pour tout ce que vous avez fait en notre faveur. Votre nom sera à jamais béni parmi nous. Dans votre vénération et dans notre amour, nous ne le séparerons jamais de celui du Père Sigogne et de tous ceux qui ont travaillé, de quelque manière que ce soit, nu bien des populations acadiennes. Et, après avoir fêté vos noces d'argent, encore une fois nous nous souhaitons, et nous nous souhaitons à nous mêmes, Très Révérend Père, de pouvoir fêter aussi vos noces d’or.