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Year
1881
Month
10
Day
27
Article Title
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Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
Monsieur le Rédacteur, Votre correspondant d’Egmont Bay m’ayant fait l’honneur de m’adresser son dernier mot, je me fais un devoir, étant très sensible à son amitié, de lui rendre le réciproque. Il est très conséquent, cet argumentateur,–en ce qu’il finit comme il a commencé, en parlant moutarde. Je ne le trouve pas si conséquent quand il rit comme un–un sage des conclusions qui découlent de ses « prémisses boiteuses ». Il a tort de me les attribuer. Je n’ai fait qu’en déduire les conséquences que la force de son « cerveau » l’empêchaient d’admettre, et l’ai fait au risque de le faire tomber de « fièvre » en chaud. Si l’écrit qu’il cite prouve réellement quelque chose en ce qui regarde la vraie fête nationale des anciens Acadiens, ce n’est pas que la Saint-Jean-Baptiste ait été fêtée, mais bien la Saint-Louis, puisque M. Fontaine affirme–et c’est assez pour M. ‘’’’–que la Saint-Louis était leur fête par excellence. Il est possible toutefois, qu’ils aient à certaines époques célébré la Saint Jean Baptiste aussi solennellement que les circonstances le leur permettaient. Cette fête, eu égard à l’illustre saint qui en est l’objet, est grande pour tous les peuples chrétiens. Elle a été et est encore célébrée avec grande pompe et solennité par un très grand nombre d’entre eux sans qu’ils l’aient pour cela adoptée comme leur fête patronale. Il se peut faire aussi que nos pères l’aient fait précéder plus d’une fois de l’antique cérémonie des feux du solstice d’été, christianisés depuis longtemps sous le nom de Feu de la St Jean. Je n’irais pas cependant conclure de là, même en prenant en considération le côté religieux de la fête, que la St-Jean Baptiste était réellement leur fête par excellence, et le 24 juin, leur jour national, à moins que je ne voulusse affirmer la même chose de tous les peuples qui ont chômé cette fête à la manière dont nos ancêtres en France et peut-être aussi en Acadie, sont réputés l’avoir fait. En l’affirmant je m’exposerais à ébrécher furieusement la vérité, sinon le bon sens. C’est peut-être la brûlure du châle de Marie-Thérèse Robichaud par les ordres du curé Desenclave qui « embrouille péniblement la vue » de M. ‘’’’ et l’a coiffé de l’opinion que la Saint Jean Baptiste était la fête nationale des anciens Acadiens! Grand bien lui fasse cette brûlure pour l’éclaircissement de sa thèse! A propos du Feu de la St Jean. Un des plus dignes représentants du peuple acadien eut occasion à la convention de juillet dernier, de rappeler l’origine païenne de cette cérémonie et soutint dans le même sens que le fait M. Benjamin Sulte au premier chapitre du volume cité par M. ‘’’’, que « la Saint Jean-Baptiste est plus ancienne que S. Jean lui-même. » Là-dessus, un correspondant (M. XXX d’anonyme) entonnant une gamme effrayante, et mettant à la torture le sens des discours qu’il croit avoir lus, s’en va bien lui faire dire que les Canadiens ont « choisi pour patron St Jean Baptiste POUR faire revivre une coutume païenne »!!! Des critiques qui louchent à ce point devraient s’abstenir de regarder dans le livre de leurs voisins. Si par hasard MM. XXX et ‘’’’ avaient le sens commun un, il ne serait que trop vrai que je lui fais la guerre, comme m’en accuse ce dernier. Quel « galimathias » j’ai été faire! M. ‘’’’ veut absolument que la conduite tenue par un certain nombre de nos délégués à Québec l’an dernier et à notre convention nationale à Memramcook cette année, soit « radicalement contradictoire. » S’il y a contradiction, il y a plus, M. ‘’’’. Il y aurait désapprobation et résocation ou simplement rejet. Un très grand nombre de délégués représentant toutes les parties de l’Acadie n’auraient pu à la suite des délibérations d’une commission spécialement nommée pour régler une question de suprême importance pour une nation et reconnue de part et d’autre comme investie de l’autorité et des conditions nécessaires pour la débattre et l’examiner sur toutes ses faces, accepter et ratifier d’une voix unanime le choix adopté par cette commission sans annuler par là-même, consideratis considerandis, celui qu’on y a opposé, si véritablement l’un était compatible avec l’autre. Entre les deux extrêmes je crois qu’il y a un milieu où disparaît la contradiction apparente. « Salmagondis » ou non, je m’en tiendrai là pour le présent. Que M. ‘’’’ crie s’il le veut, lui, à la contradiction. Personne ne lui enviera le meilleur ragoût qu’il en puisse faire. Dans le cours de notre petite polémique M. ‘’’’ a eu de la condescendance de m’envoyer par-ci, par-là, des polysyllabes qui m’ont l’air un peu « aristocratiques ». Persuadé qu’il en avait grandement besoin pour faire ressortir la solidité de sa cause et que la mienne pouvait se passer d’un tel renfort, je me suis empressé de lui renvoyer ses gracieusetés, faisant attention d’en altérer le moins possible la forme et la fraîcheur primordiales! Nous voilà donc quitte à quitte et bons amis. Adieu, M. ‘’’’ A.B Gloucester, 16 octobre 1881. M. le Rédacteur, N’avais-je pas raison de dire en échangeant quelques civilités avec Bénédict, que les réminiscences de sa course aventureuse ne manqueraient pas de lui amener à son premier repos un affreux cauchemar? Je ne pensais pas, cependant, qu’il délirerait au point de pousser des cris de forcené et que son pauvre cerveau déjà cruellement torturé allait être obsédé de spectres horribles, de tout ce qu’il y a de hideux et d’épouvantable dans les régions infernales. Sans doute que les paroxysmes omineux dont nous avions déjà été témoin pouvaient nous faire attendre quelque chose de saillant (pour ne pas dire souillant) de sa part, mais qui aurait jamais cru que ses effervescences cérébrales lui monteraient l’imagination jusqu’au point de …… tiens, me voilà bien en train de suivre le fil de ses idées souterraines. Dieu me garde d’un pareil malheur. Non–pas encore assez « folle » pour suivre Bénédict partout où son esprit le conduit. J’ai eu tort sans doute de le suivre de si près en balivernant l’autre jour sur son compte. Je ne m’imaginais pas qu’il avait tant d’esprit! L’idée que j’ai eue d’aller « singer les paroles de Bénédict » et de « m’efforcer de répéter ses discours »! Pouvais-je faire une plus grande insulte à un « homme sensé » comme lui, surtout quand on considère qu’il parle si bien français et qu’Evangéline ne sait pas même ce que c’est qu’un dictionnaire. Il n’en fallait pas plus pour lui donner le cauchemar. Si ce livre, où l’on va chercher les mots et leur signification, comme il daigne nous l’apprendre, m’était par hasard tombé entre les mains, j’aurais peut-être eu la curiosité de chercher entre autres choses le mot indigestibles que j’ai eu l’effronterie de singer avec tant de belles choses qui m’ont frappée en lisant ses « modestes écrits. » Et dans le cas où je ne l’eusse pas trouvé? Alors, il m’aurait fallu croire qu’il n’en est pas moins du nombre des « meilleurs mots français », puisque Bénédict est là pour l’appuyer de toute sa science grammaticale et lexicologique. Ne serait-ce pas le comble de « l’hébétation » que d’insinuer le contraire! Sans doute que plusieurs de vos lecteurs se sont déjà demandés comment Bénédict s’y est pris pour ramasser le nombre de qualificatifs ragoûtants qu’il lui a fallu pour exprimer ses pensées relevées et embellir ses « poèmes à la Chateaubriand. » Le cas est facile à résoudre. C’est qu’il n’ignore pas, lui, l’existence du livre appelé dictionnaire. Résoudre la difficulté autrement, ce serait insinuer qu’il a tiré tout ça de sa tête! Quelle « caboche » il faudrait pour porter tout ce qu’il a couché sur le papier et laisser en même temps assez de vide pour qu’un esprit prodigieux comme celui de Bénédict, ne pût se trouver incommodé! Un pédant enivré de sa vaine science, Tout hérissé de grec, tout bouffé d’arrogance, Ou bien encore : Une tête éventée, un petit freluquet Qui s’admire lui seul et n’a que du caquet écrira et critiquera à peu près de la même manière que l’a fait Bénédict. Peut-être que ce « petit compliment pas excessivement flatteur, il est vrai, mais très sincère, » suffira pour lui rappeler le souvenir de EVANGELINE.