Article Contents
L’ETOILE
Au delà de la hue et du firmament bleu
Brille d’un doux éclat une Etoile bénie;
Les rayons qu’elle verse, ineffable harmonie,
Sont comme un sourire de Dieu.
Les saints du paradis invoquent cette Etoile.
Lampe du sanctuaire éternel, feu divin,
Elle remplit le monde, et l’ardent chérubin
Devant cette clarté se voile.
Avant l’aube du jour elle éclaire le ciel.
Elle éclairait les cieux quand le jour prit naissance;
Elle était née avant que l’univers immense
Sortit des mains de l’Eternel.
Quand les noirs ouragans portés sur les nuages
Déchirent en hurlant les écluses des cieux,
Et qu’on entend au loin les flots séditieux
Gémir sous le fouet des orages;
Au travers les lueurs fauves d’un ciel de feu,
Le pécheur aperçoit, dominant la tempête,
Cette étoile bénie, au-dessus de sa tête,
Ce doux sourire du bon Dieu.
C’est l’Etoile du pauvre et de celui qui pleure,
Ceux que l’on [illisible] aux [illisible], les déchus, les [illisible].
Les mornes exilés d’amertume nourris,
Ceux qui souffrent dans leur demeure;
Ceux que sous son talon courbe un maître cruel,
Les mendiants d’un peu de bonheur sur la terre,
Le pécheur repenti, le proscrit solitaire,
Tous les déshérités du ciel,
Lui disent : O ma Mère! O ma libératrice!
L’œil de larmes brûlé par elle est essuyé;
C’est le baume des cœurs, la reine de pitié,
C’est la grande Consolatrice.
Toi qui sais entre tous ce que c’est de souffrir,
Terre de nos ayeux, malheureuse Acadie;
Toi qui sur ton Calvaire as bu jusqu’à la lie
Le calice de ciel qu’ils sont venus t’offrir;
C’est toi Etoile à toi, ton phare, ta lumière.
Elle t’a protégée à cause de ta foi;
Pendant ton agoule elle a pleuré sur toi,
Elle a pleuré sur toi comme pleure une mère.
Pendant qu’on te hait et qu’on te dépouillait,
Profanant la beauté que Dieu t’avait donnée,
Pauvre vierge, ici-bas de tous abandonnée :
Seule du haut des Cieux ton Etoile veillait.
Elle veille toujours. Mais ta douce parure,
La couronne de fleurs que tu portais au front,
Tout est souillé, tout a subi l’ignoble affront : –
O vierge, ils ont porté sur toi leur main impure!
Tu n’es plus la plus belle [illisible] comme autrefois,
O ma chère Acadie, en la jeune Amérique,
Les larmes ont terni ton regard angélique;
Toi qui chantais la gloire, on n’entend plus ta voix.
Le passant se détourne en voyant ta misère;
Personne ne vient plus à tes solennités;
Tes enfants autrefois, des puissants redoutés,
Courtaient en rougissant leur front dans la poussière
Acadie! Acadie! ô terre de malheurs,
Ne mets point ici ta suprême espérance;
Regarde vers le ciel d’où vient la délivrance :
Le faible doit chercher à son consolateur.
Laisse aux forts, aux puissants leurs fêtes somptueuses,
Dans les palais dorés que ferais-tu, hélas?
Serviteur chez les géants? Voir, cela ne vaut pas
La fière pauvreté des chaumières heureuses.
S’il te faut vivre ainsi jusqu’à la fin des jours,
Qu’importe? Il est assez de bonheur sur la terre
Pour celui dont le cœur est droit et qui n’espère
Qu’en lui seul et qu’en Dieu le durable secours.
Rappelle-toi des jours anciens, ô ma patrie,
Et garde pour tes fils l’antique Assomption.
Ils ne sont pas finir les jours d’affliction :
Que toi étoile soit [illisible] de Marie.
PASCAL POIRIER