l'Honorable M. Richard

Newspaper
Year
1892
Month
10
Day
13
Article Title
l'Honorable M. Richard
Author
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Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
L’HONORABLE M. RICHARD Un homme qui fait parler de lui dans ce temps-ci c’est l’honorable Ambroise D. Richard, de Dorchester, N. B., à qui le gouvernement Blair vient de donner le portefeuille de solliciteur général. L’honorable M. Richard est un jeune homme capable, bon debater et d’une grande expérience parlementaire ayant siégé dix ans au conseil législatif, où il fut nommé le 20 mai 1882, par le cabinet Hanington—Landry. Il a appuyé cette administration jusqu’à sa chûte l’année suivante, et depuis lors il a continué jusqu’à la récente dissolution de la législature à combattre le gouvernement Blair. Ses amis politiques de naguère veulent aujourd’hui lui faire un crime d’avoir abandonné son parti pour rentrer dans le cabinet de M. Blair avec le portefeuille de solliciteur-général, et font tout ce qui est en leur pouvoir pour lui faire perdre son élection. Ceux qui lui lancent aujourd’hui à la figure l’épithète de “ volte face” semblent oublier un précédent qui a eu un grand retentissement dans le temps et que les événements subséquents ont démontré être une démarche sage et patriotique. On se rapelle qu’aux élections générales de 1878 le ticket de l’opposition dans Westmoreland composé de MM. P. A. Landry, D. L. Hanington, J. L. Black et A. E. Killam sortit vainqueur de la mêlée. Qu’arriva-t-il peu de jours plus tard ? Une volte face tout à fait semblable à celle qu’on reproche aujourd’hui à l’hon. M. Richard. En effet les honorables M. Landry et Hanington, de Westmorland, et Adams, de Northumberland, élus pour opposer l’administration King—cabinet qui avait été virtuellement battu aux polls—entraient le 13 juillet 1878 dans le cabinet qu’ils avaient durant la lutte électorale dénoncé et voué aux gémonies, le premier avec le portefeuille de commissaire-en-chef des travaux publics, l’autre comme simple membre du conseil exécutif et le dernier avec la charge d’arpenteur-général. Il est vrai qu’on élimina de ce cabinet plusieurs des anciens membres qui en faisaient partie, mais l’ancien gouvernement ne resta pas moins au pouvoir tandis qu’il aurait été si facile de le renverser si ce remaniement ministériel n’eut été accompli. On a voulu reprocher à l’hon. M. Landry et à ses deux collègues à l’exécutif d’avoir déserté leur drapeau politique, mais l’hon. M. Landry a expliqué que pour sa part il avait accepté un portefeuille dans le cabinet Fraser pour des raisons purement patriotiques et nationales. C’était en effet la première fois qu’on faisait à un Acadien l’offre de devenir ministre au Nouveau-Brunswick. Déjà l’hon. Lévite Thériault avait fait partie du conseil exécutif de juillet 1871 à février 1872, mais depuis cette date la présence d’un Acadien au conseil de la province avait été tout à fait ignorée, et en acceptant le portefeuille qu’on lui offrait l’hon. M. Landry se trouvait en mesure de travailler plus efficacement dans l’intérêt de ses nationaux qu’il aurait pu faire comme simple député de la chambre. On sait ce que fit ce ministre acadien pendant qu’il resta au pouvoir. L’établissement d’un département français à l’école Normale, la nomination d’un inspecteur d’école français et l’élévation d’un Acadien au Conseil législatif sont autant de choses qu’il n’aurait pas réussi à accomplir s’il n’eut pas été an conseil exécutif. En 1883 le cabinet-Hanington-Landry tomba et l’hon. M. Blair vint au pouvoir. On reprocha longtemps à ce dernier d’ignorer les Acadiens, et pour faire disparaître cette plainte il faisait entrer en l’automne de 1889, l’honorable M. Olivier J. LeBlanc, au conseil exécutif comme membre sans portefeuille. L’hon. M. LeBlanc siégea dans le gouvernement jusqu'à février 1891, qu’il fut remplacé le 9 mai de la même année par l’hon. Charles H. LaBillois. Les adversaires de l'hon. M. Blair proclamaient que le premier ministre faisait fi des Acadiens puisqu’il ne leur donnait pas de portefeuille. Aujourd’hui qu’il répare l’oubli du passé en confiant à l’honorable M. Richard le ministère de solliciteur-général, ces mêmes adversaires politiques lui font ainsi qu’à M. Richard une guerre acharnée tant il est vrai qu’on ne peut contenter tout le monde et son père. Si la volte face de l’hon. M. Landry était justifiable en 1878, comme nous venons de le démontrer, celle de l’hon. M. Richard ne l’est pas moins aujourd’hui. Nous ne nous posons pas en prophète, mais quoiqu’on dise la presse adverse à l’administration Blair cette administration sortira de nouveau victorieuse de la lutte le 22 du courant. Alors dans le cas que l’hon. M. Riehard n’eut pas accepté de rentrer dans le cabinet de l’hon. M. Blair et qu’il eut—comme il a été insinué à la convention de l'opposition tenue à Moncton, jeudi dernier, —consulté M. O. M. Melanson, député sortant de charge et que celui-ci se fût effacé en faveur de l’hon. M. Richard, que ce serait-il arrivé, tout simplement M. Richard—en supposant qu’il eût la chance d’être élu sur le ticket adverse au gouvernement—se serait trouvé dans les froides régions de l'opposition en chambre et n’aurait rien pu obtenir dans l’intérêt de ses compatriotes. Voilà la position vraie. En invitant dans son cabinet un homme de la trempe, de l'énergie et des capacités de l’hon. M. Richard le premier ministre Blair a fait un acte de justice envers les Acadiens qui lui en sauront reconnaissants en élisant l’hon. M. Richard et les autres candidats ministériels savoir les honorables MM. Thériault, LaBillois et MM. Auguste Léger et Théotime Blanchard.