Les Acadiens de nos jours

Newspaper
Year
1891
Month
7
Day
30
Article Title
Les Acadiens de nos jours
Author
Alpha
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
LES ACADIENS DE NOS JOURS. Le long du chemin de fer des comtés de l’ouest où le touriste peut entendre la langue de Fénélon et Racine. Combien du nombre annuellement augmentant des touristes et des amateurs de paysage qui passent sur la ligne du chemin de fer des comtés de l’ouest donnent-ils même une pensée au peuple qui habite à droite et à gauche de la ceinture étroite d’arbres à travers laquelle la locomotive fait sa route sinueuse ? Et pourtant il y a tout près pour le chercheur de plaisirs lassé et fatigué, un pays qui s’il n’est pas grandement pittoresque dans ses contours naturels, ni extraordinairement fertile dans ses ressources, présente cependant des traits d’un intérêt particulier par raison des jolies coutumes de ses habitants et de l’agréable simplicité et naïveté de leurs mœurs. Ici sont groupés les descendants des exilés de Port Royal et de Grand Pré pour jouir de la paix et du confort, qu’on a refusés à leurs pères dans les jours orageux de jadis ! ici ils ont renouvelé le spectacle que les premiers Acadiens ont donné à l’admiration d’un continent de la pratique de toutes les vertus domestiques au milieu du combat pour le pain quotidien. Que l’étranger débarque de son char confortable à Digby ou à Weymouth, si il désire porter ses pas où se trouve encore sur ce continent quelques unes des romances des jours d’autrefois, alors il entendra encore des légendes et des récits de la Normandie et de la Bretagne ; où la phrase polie et la politesse naïve d’une autre époque et d’un autre ciel surprendront grandement son oreille ; où la langue de Fénélon et Racine tombera en cadence musicale des lèvres de la fille et du garçon du paysan aussi bien que de celles du hardi marin et du rude pêcheur. De prime abord il pourra s’étonner du prétendu “manque de progrès” de ses amis acadiens, mais il découvrira bientôt pour lui-même que ce manque de progrès n’est seulement apparent, et même dans les localités les plus éloignées et les moins accessibles il y a améliorations, et elle est partout d’un ordre substantiel. Il peut avoir entendu parler des “Acadiens sans sous” et des “Acadiens non progressifs,” mais qu’il examine, et il se convaincra comment la calomnie active a été à l’œuvre pour perdre le bon nom d’un peuple. A la place d’un plus capable, je serai son guide et compagnon dans “ce voyage en plein cœur d’été” dans l’Acadie moderne. Dans les années écoulées, un homme, dont le nom est cher à tous les Néo-Ecossais, a donné aux Acadiens de son temps le mérite de posséder dans Clare des maisons que la propreté et le bon ordre caractérisaient. Si le divertissant auteur de “ Sam Slick ” parcourait de nouveau aujourd’hui ce même district, quel vaste changement pour le mieux ne pourrait-il pas noter, et ce changement s’étend à chaque industrie. Weymouth compte plusieurs Acadiens au nombre de ses habitants— des hommes dont le caractère a du poids dans le monde commercial et social. Quelques unes des jolies résidences de cette jolie ville leur appartiennent ; une grande partie des affaires commerciales notamment la confection des habits, des chaussures et des meubles est faite par eux, tandis que les commis dont les services sont les plus appréciés dans les principaux magasins sont en plusieurs cas d’origine française. L’augmentation surprenante du commerce que Weymouth jouit depuis une décade est en grande partie due aux habitants de Clare qui vont y faire leurs achats ; et si demain les Acadiens-français cessaient de venir acheter à Weymouth il en résulterait qu’on serait obligé de fermer les trois quarts des magasins à cause du manque de trafic. La Free Press, qu’on admet être l’un des meilleurs journaux de campagnes de la province, appartient et est gérée pour un Acadien, tandis que L’EVANGÉLINE, organe français qui a plus qu’une réputation provinciale, est la propriété du même monsieur. En laissant Weymouth on est frappé de l’apparence confortable et du gai aspect des résidences. Probablement qu’entre Weymouth et la Pointe-de-l’Eglise, surtout à l’Anse-des-Belliveau, il y a d’aussi bonnes maisons qu’aucun autre peuple de la province dans des circonstances égales peut montrer. L’intérieur aussi bien que l’extérieur est magnifiquement fini—plus que ceci, ces maisons sont l’ouvrage des artisans de la localité, car nos Acadiens-français sont tous habiles dans l’usage des outils. L’émigration n’a pas encore atteint l’Anse de son fléau. Bien peu de nos jeunes gens quittent pour les plages étrangères et lorsque cela arrive c’est pour revenir dans quelques mois, plus satisfaits de la Nouvelle-Ecosse qu’ils étaient auparavant. Ici une maison de commerce acadienne (U. Belliveau & Fils) fait un gros négoce surtout avec les Indes Occidentales. Tout le long de la côte de la baie Ste-Marie, mais principalement à Meteghan, on voit des signes de progrès et d’avancement. Les marchands acadiens français ont des établissements dans chaque district. De Weymouth à la Baie Verte c’est un village français continu des deux côtés du chemin, tandis que tous les jours dans l’antérieur du pays et aux “ Concessions ” on y fait des agrandissements dans la forêt vierge. Où il y a apeine vingt ans les branches des pins et des pruches s’élevaient dans l'air, où on n’entendait d’autre son que le chant de l’oiseau ou le cri des animaux de la forêt, on trouve aujourd’hui des cantons florissants avec leurs écoles et leur chapelle. La population peut diminuer dans les autres parties de la province, mais Clare ne montre aucun signe de vitalité diminuante. Les Acadiens furent une fois déportés par la force, et cette expérience est suffisante pour eux! Notre touriste avouera après son voyage de Weymouth aux confins du comité de Yarmouth, qu’il a vu un peuple qui montre tous les signes de vie et de progrès qu’on peut désirer. Les Acadiens n’oublient pas non plus le côté spirituel et intellectuel de la vie. Les églises de Meteghan, Saulnierville et Ste-Croix sont particulièrement des édifices dignes de n’importe quel diocèse, tandis que celles de la Pointe-de-l’Eglise, St-Bernard et Corberie méritent amplement le nom de structures convenables et commodes. Un bâtiment de style moderne et joli abrite les bonnes sœurs de Charité à Meteghan, où vingt pensionnaires et soixante-dix externes donnent une preuve de l’appréciation qu'on fait de leur dévouement et de leur zèle. A la Pointe-de-l’Eglise les Religieuses du même ordre ont une institution plus petite mais prospère, tandis que chaque district possède son école qui dans plusieurs cas est graduée où le français et l’anglais sont enseignés sur un même pied d’égalité. L’œuvre de couronnement cependant sous le rapport de l’éducation a été réservée à voir commencer ces derniers six mois. Je fais allusion au collège de Ste-Anne, à la Pointe-de-l’Eglise, qui est à présent en voie de construction. Les Révérends Pères Eudistes de France en ont le contrôle et sous leur direction les travaux de construction progressent rapidement. Le nouveau collège sera un ornement d’architecture au pays aussi bien qu'une bénédiction pour la jeunesse de la génération naissante. Agréablement située dans une très salubre localité sur les bords de la haie Ste Marie, cette maison d’éducation ne peut manquer d’être un succès parce que les membres de sa faculté appartiennent à l’un des ordres enseignants les plus en renommée de l’ancien inonde. Les portes seront ouvertes pour recevoir des élèves dans les premiers mois de l’automne prochain et déjà on a commencée à recevoir des demandes d’entrée de la part des parents. L’existence de ce nouveau siège d’enseignement dans les provinces maritimes est due à la prévoyance et à l’ardent désir de Sa Grandeur Mgr O’Brien pour l’avancement de ses diocésains acadiens. Il s’est par conséquent opéré, comme nous avions raison de le dire, de grands changements dans Clare dans les dernières vingt années. Un peuple loyal, content, paisible, religieux et obéissant aux lois a pris possession du sol. En aucune part notre touriste ne trouvera un peuple plus progressif (pour les avantages qu’ils possèdent) que les Acadiens-Français ; en aucune part il ne rencontrera un peuple plus profondément religieux et reconnaissant en chaque chose la main de Dieu ; intelligemment et amoureusement soumis à ses pasteurs et à son église ; faisant de l’église le centre de sa vie et le VRAI FOYER où se groupent ses plus tendres affections. Les rapports des recensements montreront toujours SON augmentation en nombre, en richesses et en influence, car les fils des exilés sont véritablement devenus un pouvoir une force dans le pays d’où une politique mal avisée chassa autrefois leurs pères. Avec la religion et la science pour les guider dans les sentiers de la vie, ils doivent tracer pour eux-mêmes une glorieuse destinée—qui reste a être enregistrée dans l’histoire de ce continent—destinée d’autant plus glorieuse de ce qu’elle sera beaucoup durable que même celle que leurs ancêtres s’étaient faits jadis avec le sabre et la baïonnette. ALPHA.