Les reliques du crucifiement

Newspaper
Year
1891
Month
3
Day
26
Article Title
Les reliques du crucifiement
Author
Simon P. LeBlanc
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
LES RELIQUES DU CRUCIFIEMENT Il est intéressant, à cette époque de l’année, de faire connaître les sanctuaires qui possèdent les souvenirs du crucifiement et les instruments de Passion du Sauveur. La couronne d’épines est à Notre-Dame de Paris, mais elle est dépourvue d’épines, qui ont été concédées à un grand nombre d’églises. Une très belle fut donnée à la basilique St-Sévérin de Toulouse, par Alphonse, comte de Poitiers. Les clous : le premier fut jeté, par Ste Hélène, dans la mer Adriatique, afin d’en calmer la tempête; le deuxième se trouve dans la couronne de fer des rois Lombards; le troisième clou est à Notre-Dame de Paris. L’éponge est à Rome, dans la basilique de St Jean-de-Latran. Cette ville possède également le linge avec lequel sainte Véronique essuya le visage de Notre-Seigueur. La lance, dont la pointe est à Paris et le reste est à Rome. La tunique fut donnée par Charlemagne au monastère d’Argenteuil, près Paris. La robe sans couture de Notre-Seigneur fut donnée à l’église de Trêves, par Ste-Hélène. La partie supérieure de la colonne de la flagellation est à Rome, dans l’église Ste Roxède, depuis 1223 l’autre partie est à Jérusalem, dans l’église du Saint-Sépulcre. Les bois de la croix; les plus grandes portions se trouvent dans la basilique dite Ste-Croix-de-Jérusalem, à Rome, et dans la métropole de Paris. PORT-CASTRIES, STE LUCIE, 5 fév. 1891. V. A. LANDRY, écr., éditeur, Cher Monsieur, Je vous ai écrit en date du 30 janvier vous donnant une esquisse de cette magnifique île, et depuis lors j’y ai encore pris plus d’intérêt et afin de donner justice à tout le monde je suis forcé de vous envoyer une seconde lettre. Le premier du mois je suis allé à la messe et y ai emmené mon second. Comme nous étions en retard et pas au courant des us et coutumes de la localité nous restâmes debout à la porte avec ceux qui ne purent obtenir des sièges, car l’église était remplie de fidèles. J’ai été favorablement impressionné de la bonne tenue des paroissiens surtout la classe pauvre et les jeunes gens. Ils me semblèrent très dévots et fervents chrétiens. En sortant de la messe je dis à mon second : “Ceci ne ressemble pas à ce que l’on voit à Cayenne et il faut que j’en connaisse plus long relativement à l’ile de Ste Lucie.” J’ai la satisfaction d’avoir réussi à comprendre l’énigme qui m’intriguait et je vais essayer de l’expliquer. Après m’être rendu à la bibliothèque publique de la ville et obtenu tous les renseignement que je désirais savoir sur l’histoire de l’île de Ste Lucie je suis allé frapper à la porte de la maison curiale et me suis présenté au grand vicaire, le Rev. Père Tapon, un vrai gentilhomme français, mais je n’ai pu avoir avec lui qu’une courte entrevue. Il était avec ses confrères en retraite préparatoire pour une mission, cependant j’ai été très satisfait des quelques instants qu’il a daigné me consacrer. Après lui avoir expliqué le but de ma visite je lui exprimai le désir de visiter le couvent. Il en parut enchanté et vint aussitôt me présenter à la mère supérieure, une dame française. C’était de bonne heure le matin, et les bonnes religieuses étaient à faire mettre leurs élèves en rang pour se rendre dans les différentes salles de classe. Cela me rappela le mécanicien apprêtant son engin pour différents chemins. Les élèves, fillettes africaines et créoles de cinq à quinze ans, étaient divisées en quatre classes Elles étaient toutes proprement et convenablement vêtues. A part des externes il y avait aussi une trentaine de pensionnaires formant en tout deux cent onze enfants. Jusqu'à mon arrivée au couvent ma conversation avec le Père Tapon avait été en langue anglaise. Je lui avais dit que j’étais un Acadien français et que je pouvais parler français, mais n’ayant pas eu l’avantage d’avoir reçu une éducation française je m’exprimais plus facilement en anglais puisque j’étais habitué à me servir de cette langue dans les différentes transactions commerciales que j’étais appelé à faire depuis nombre d’années en ma qualité de capitaine de navire à long cours. Je me trouvai donc un peu embarassé en présence des religieuses françaises, car je n’aunais pas voulu paraître plus ignorant que le suis. Le Père Tapon comprit bien vite ma position délicate et demanda aussitôt la Sœur Sainte Louise, religieuse irlandaise née en Irlande et un ornement pour n’importe quel couvent. Après quoi il me pria de l’excuser sachant que j’étais entre bonnes mains. La bonne sœur Louise me demanda si je ne pouvais pas attendre jusqu’à neuf heures vu que les élèves n’étaient pas encore toutes arrivées et qu’elle désirait que je vinsse à voir tous les enfants. C’était justement ce que je voulais. Le Rev. Père Tapon me conduisait alors au collège de Ste Marie qu’on vient de finir et me présenta au seul professeur de cette maison avec qui j’ai eu une longue conversation. C’est un Anglais récemment arrivé dans la colonie. Après cette présentation le Père Tapon se retira et je pus alors apprendre du professeur tout ce que je désirais savoir sur ses œuvres. Il me dit que le Père Tapon avait construit ce bâtiment à la sueur de son front. Ce saint et zélé vigneron du Seigneur avait même charroyé sur sa tête beaucoup des pierres qui sont dans la muraille! C’était la prémière fois de ma vie que je franchissais les murs d’un collège. Le professeur me fit visiter toute la maison. C’est une magnifique bâtisse à deux étages et adoptée pour y construire un autre étage quand les besoins se feront sentir ou qu’on aura les moyens de le faire. Ce collège est, en autant que je puis en juger, destiné à faire la même mission pour les habitants de Ste Lucie que ceux de St Joseph de Memeramcook [Memramcook] de St-Francois Xavier d’Antigonish. Après avoir visité les classes, et examiné le travail des élèves je me rendis au couvent où je passai trois heures bien agréables. On me reçut comme un roi et on me fit visiter toute la maison. A mon insu les fillettes me prirent d’abord pour un prêtre car en entrant dans la classe, elles me saluèrent en disant : “ Bonjour, père”. Comme je n’ai pas d'enfant ce nom était nouveau pour moi et m’intriguait un peu. Je quittai cette salle de classe avec la mère supérieure et la sœur Louise, pour passer dans une autre, ne m’attendant pas à être de nouveau pris pour un prêtre, car je vous assure que je ne portais pas de soutane. Cette dernière salle était plus spacieuse que la première et les fillettes plus grandes. Ici encore je fus salué de bonjour mon père. Je répondis que je n’étais pas prêtre mais seulement un simple marin. Elles firent alors un nouveau salut, en disant: bonjour monsieur et sourirent finement. Lorsque nous entrâmes dans la classe de la religieuse irlandaise, la sœur Louise m’imposa bien malgré moi la fonction d’inspecteur de la classe. Ce qui m’embarrassait le plus c’est que le professeur du collège se trouvait dans cette salle et je voulus faire retomber ce fardeau sur ses l’épaules, mais il s’en esquiva en se retirant et je fus forcé de montrer mon ignorance. Mais la bonne sœur Louise eut pitié de moi et me tira d’embarras en examinant, elle-même ses élèves sur plusieurs branches d’instruction. Je restai dans la salle jusqu’à la fin de la classe et je n’ai jamais de ma vie passé une avant-midi plus agréable. Je fus obligé de faire un discours et faire des remarques dans le registre de l’école. Comme je ne voulais pas me séparer de ces bonnes religieuses sans leur donner un souvenir pour leurs chères élèves je fis mes humbles offrandes à la mère supérieure en la priant de leur distribuer comme bon lui semblerait. Après m'avoir remercié au nom des élèves elle dit qu’elle leur achèterait des images puisque c’est ce que les enfants préféraient. Je remerciai ensuite les bonnes religieuses et leurs élèves pour leur bienveillante réception à mon égard, et je me disposais à sortir quand elles me dirent : “Suivez-nous, s’il vous plait, monsieur,” et me menèrent dans la salle de réception où on m’avait préparé une collation que je dus manger. Je n’oublierai jamais cette journée. Ces religieuses sont de l’ordre de St-Joseph. La sœur Louise m’a dit qu’elle avait reçu son éducation en Irlande et en France; Il y a je pense douze religieuses dans le couvent dont quelques unes sont des créoles de Ste Lucie. Le couvent est spacieux, bien airé et très propre. Il y a une magnifique chapelle richement décorée, et une grotte de Notre Dame de Lourdes tout près du couvent. On s’est longuement informé du Canada et de la Nouvelle-Ecosse, et je leur ai donné tous les renseignements qu’on m’a demandés. Leur maison d’éducation peut favorablement être comparée avec les nôtres. Bien à vous, SIMON P. LEBLANC. Sch. “Lillian”