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LETTER DU REV. M. F. RICHARD DE ROGERS VILLE.
A SON HONNEUR LE JUGE LANDRY PRESIDENT DE LA CONVENTION ACADIENNE TENUE A CHURCH
POINT BAIE DE STE MARIS LE 13, 14 et 15 AOUT, 1890
Monsieur le Président :
Privé du plaisir et de la satisfaction de me trouver aujourd’hui avec mes compatriotes réunis en convention pour chômer notre fête nationale et contribuer par ma présence et mon concours au Succès de cette fête Acadienne, je ne saurais pourtant resté indifférent et garder un silence absolu en cette occasion.
Puisque l’éducation que je possède est due au travail pénible et au sacrifices nombreux de vieux parents agricoles qui ont arrosé le sol de l’Acadie de leurs sueurs, il ne m’est pas permis de laisser passer ce jour sans donner signe de vie et montrer ma bonne volonté.
Ayant été rapporteur de la Commission sur la Colonisation et ne pouvant m’acquitter de ma tâche en personne, je vous envoie par cet écrit le discours que j’aurais addressé de vive voix à mes compatriotes, si ce privilège m’eut été accordé. Je le soumets humblement aux membres de cette commission importante pour être lu par vous même, M. le Président, ou par votre délégué. Je vous envoie aussi un état de compte déjà soumis aux directeurs de la société de colonisation Acadienne à Shediac en janvier 1888 et les transactions depuis cette date. Afin de montrer jusqu’à quel point je me suis interressé a l’œuvre, je vous expédie plusieurs brochures, aussi bien que les numéros du Moniteur Acadien, qui rapportent mon exposé public de 1888. Ces documents démontreront a nos compatriotes que la tâche qui m’avait été imposée a la Convention de Miscouche, en me chargeant des intérêts de la colonisation en Acadie, n’a pas été négligé. J’ai écrit, parlé, et adopté tous les moyens en mon pouvoir pour promouvoir des intérêts si important à tous les points de vue. J’ai peu réussi, il est vrai, mais ce n’est pas par mauvaise volonté de ma part. On ne saurait me reprocher d’avoir fait trop peu pour cette œuvre. J’ai eu beaucoup a souffrir, je souffre encore, et je souffrirai longtemps pour avoir trop fait dans cette direction; mais notre Seigneur qui a versé tout son sang pour le salut de son peuple ne l’a pas moins aimé pour cela. Une seule goutte aurait suffit pour racheter mille mondes ; mais il n’a voulu rien épargner pour les siens.
C’est là un exemple qui nous est donné lorsqu’il s’agit de soulager, de sauver le prochain. Je n’entrerai dans aucun détail en ce moment, seulement, je dirai a nos compatriotes réunis, que depuis 20 ans je travaille pour l’avancement de leurs intérêts et aujourd’hui si on voulait me donner ma liberté, et ma décharger du fardeau qui m’accable, et qui m’empêche d’opérer une plus grande somme de bien, je ferais volontiers le sacrifice, a l’œuvre de l’éducation et de la colonisation, de tout ce que je possède et que je posséderai à l’avenir. J’espère que la compagnie de colonisation et les amis qui connaissent les sentiments de mon cœur, voudront bien ne pas abandonner un serviteur indigne, si vous le voulez ; mais sincèrement dévoué a son pays et a ses compatriotes. La nouvelle “Compagnie" étant revêtue d’un cachet légale et fournissant toutes les guaranties voulues, devra nécessairement opérer un grand bien et applanir bien des difficultés. Je cesse donc dès ce jour d’être président de l’ancienne société qui n’existe plus, et je ne saurais accepter la présidence de la nouvelle compagnie, dans le cas où on voudrait m’honorer de cette honneur et d’une telle confiance. D’ailleurs, ce serait incompatible avec ma position actuelle et il faudrait une position spéciale des autorités ecclésiastiques que je n’ai aucune inclination à demander.
Je prends la liberté de suggérer aux amis de la cause de choisir Son Honneur le Juge Landry comme président de cette compagnie, avec les autres officiers jugés nécessaires, ainsi que les directeurs voulus. Il ne faudrait pas manquer d’avoir un ou plusieurs directeurs dans chaque province sans compter les officiera réguliers. Il serait fort désirable de nominer dans chaque paroisse civile, un collecteur responsable, dont la mission serait de faire lu propagande dans des assemblées publiques en faveur de l’œuvre, de recevoir les souscriptions, d’en tenir un compte exact et de transmettre les argents collectés au Sécretaire Trésorier qui serait tenu responsables des argents reçus et qui ne saurait faire aucun déboursé sans un ordre signé par le président de la compagnie sur la recommandation des directeurs ou d’un quorum de trois au moins. Ce serait de la compétence du conseil, d’admisistrer les recettes d’après leur jugement. Il serait désirable que la capital resta intact, en argent ou de valeur réelle, afin que l’œuvre put se maintenir et augmenter.
Moncton serait un bon centre pour les réunions générales, et la question des affaires. Je promets a nos compatriotes, et aux officiers de la dite compagnie, si par leurs efforts et leur bienvaillance je puis arriver à régler les affaires et me tirer d’embarras financiers, occasionnés par mes démarches comme agent autorisé et responsable en tant que Président de l’ancienne société, et j’engage ma parole, à me dépouiller de tout ce que je possède et de ce que je posséderai, eu faveur des œuvres de l’éducation et de la colonisation ;de plus je promets mon concours et mon dévouement a la nouvelle compagnie dans n’importe quelle position où la Providence me placera. Je ne saurais faire d’avantage ; mes biens, ma personne, mes efforts, mon activité et non cœur seront toujours pour les œuvres susmentionnées. Si, au contraire, il me faut tomber, sur le champ de bataille et subir les humiliations d'une défaite, je suis encore disposé e prêt au sacrifice ; Je ne saurais souffrir et mourir pour une cause plus belle et plus méritoire. Je demande excuse aux amis pour parler ainsi de moi. J’y suis violemment forcé par les circonstances. Que j’aurais aimé revoir les connaissances que j’ai faites à la Baie Ste Marie lors de ma visite dans ces parages sur l’invitation bienveillante de feu l’Archevêque Hannon, l’ami dévoué et sincère de ses enfants Acadiens. Que j’aurais aimé saluer le digne prélat qui préside aujourd’hui sur les destinés de l’ancienne et de la nouvelle Acadie, aussi que les confrères et amis de collège et de séminaire. Je me rappelle encore de la cordiale réception reçue par le clergé de l’archidiocèse et se serait une douce satisfaction pour moi de me réjouir avec eux à l’occasion de ces fêtes, mais puisque je suis indigne d’une telle faveur, j’en fais le sacrifice à Dieu en faveur de notre chère Acadie.
Veuillez M. le Président, saluer pour moi les frères et les sœurs Acadiens réunis sur le sol sanctifié par nos nobles ancêtres. Veuillez leur dire que mon cœur aujourd’hui est avec eux et avec les membres de vos commissions. Lorsque Pierre était prisonnier à Rome, les fidèles priaient pour lui et leurs prières obtinrent sa délivrance ; oserai-je demander la même faveur de mes compatriotes réunis à la Baie Ste Marie ?
Je vous souhaite donc M. le président à la convention et à tous les compatriotes réunis, succès et bonheur.
“ Ave Mari Stella”
J’ai l’honnneur d’être
M. le Président
Votre compatriote et ami dévoue,
M. F. RICHARD.