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L’Evangeline et son Acadien de Caraquet.
M. LE RÉDACTEUR -- Le correspondant de l’Evangéline, qui veut sans doute se faire honneur en se signant “Un Acadien,” mérite d’être démasqué. En même temps, il n’est pas hors de propos de faire certaines politesses au propriétaire de cette feuille, sorte d’aventurier qui cherche à se créer du prestige et de l’influence dans ce comté en grimpant sur les ruines des “espérances déçues” de ceux qui, en actions au moins, ne sont pas plus acadiens que lui. Si ce dernier portait lui-même une armure invulnérable, on pourrait facilement lui permettre ces petits écarts de jugement qui font que, de temps en temps, il permet à des correspondants anonymes de noircir le caractère de ses confrères dans le journalisme. D’un autre côté, si le correspondant en question n’eût cherché à s’attirer d’abord de la sympathie en se revêtant du titre d’“Un Acadien,” honneur qu’il n’a jamais mérité, j’aurais plus de tendresse pour lui et sa charmante Evangéline; mais ce titre honorable dont il s’affuble ne lui appartient pas plus qu’à l’Evangéline celui d’être “le seul journal vraiment acadien des provinces maritimes.” Le propriétaire de l’Evangéline, trop lâche lui-même pour se mêler au fort de la lutte, lance son aiguillon envenimé contre d’honnêtes gens par la bouche de correspondants sans principes dont le seul but est de semer la discorde parmi les honnêtes Acadiens en leur inspirant une vile méfiance envers nos institutions acadiennes les plus capables de nous faire du bien.
En lisant cette jolie pièce aussi maligne dans son ensemble qu’injuste dans ses principes et barroque dans son style, le lecteur intelligent ne peut arriver à aucune autre conclusion que le but principal de l’auteur était de dénigrer l’éditeur du COURRIER, qui n’a pourtant, même selon lui, que deux torts : 1o. celui de ne pas avoir vu le jour dans le comté de Gloucester, et 2o., celui de ne pas appartenir au parti politique que le correspondant en question a tout récemment épousé. Partant de là le correspondant enfiellé, débouchant tentes ses fioles, en lance le contenu à la figure de l’éditeur du COURRIER, qu’il dit s’être anglifié dans les dernières élections municipales. Je voudrais bien savoir si le correspondant en question, que les Acadiens ont élevé au pinacle des honneurs politiques jusqu’à ce qu’il en soit tombé de lui-même pour ne plus y remonter, n’a jamais, lui, aidé à d’autres que des français de sang dans les élections? Pourtant, il n’y a pas bien longtemps encore il était bien content de recueillir au nom de la nationalité acadienne, qu’il voudrait traîner dans la bue, les votes des amis du parti qu’il tâche d’abattre aujourd’hui. Mais, revenant à la question principale, le COURRIER s’est-il anglifié lors des dernières élections municipales, en appuyant la candidature des amis de la Convention de Caraquet? Et s’est-il anglifié parce qu’il a appuyé deux français dans le Petit Rocher? Mérite-il condamnation parce que tous ses efforts ont été dirigés en faveur du seul candidat français dans Bathurst? Va-t-on le frapper d’ostracisme parce que, à la Grand’Anse, à Caraquet, à Shippagan et ailleurs il appuyait les amis de la cause française? Les honnêtes et intelligents Acadiens du comté vont-ils le condamner parce qu’il a poussé un cri de triomphe quand le succès des amis de la cause française a été annoncé? Et si une telle conduite de la part de l’éditeur du COURRIER est répréhensible, impardonnable, que va-t-on dire du correspondant qui, pour déverser son trop plein de fiel, va à des cents lieus d’ici se réfugier dans les colonnes d’un journal dont le propriétaire a déclaré, il n’y a pas trois mois de cela, qu’il viendrait lui-même aux prochaines élections dans ce comté appuyer la candidature de M. Burns et par là donner un démenti formel à ses déclarations de patriotisme d’il y a cinq ans. Les Acadiens de Gloucester n’ont pas la mémoire courte. Si le propriétaire en question veut expliquer comment il se fait qu’il a voulu, comme l’a affirmé M. Burns, vendre ces derniers pour un vile plat de lentilles, les Acadiens l’écouteront; ils n’attendent que cela.
Non contents de ses efforts pour détruire le COURRIER dans l’esprit des gens, le correspondant va un peu plus loin en attaquant la Convention de Caraquet et les délégués qui y ont assisté. Il ne fait pas même exception des membres du clergé, qu’il accuse indirectement d’une conspiration en règle pour semer la discorde et les insinuations mensongères parmi les paisibles Acadiens du comté. Ne sait-il pas que, en ce qui concerne les Acadiens, il y a un bien faible lien entre le véritable patriotisme et la religion de nos pères? Ce lien il l’a évidemment rompu, et, par conséquent, il se trouve en excellente compagnie avec le propriétaire de l’Evangeline, qui sait admirablement joindre les deux ensemble ou les séparer à son gré selon le besoin. C’est ainsi sans doute que l’aimable correspondant de l’encore plus amiable Evangeline, nommé délégué à cette même Convention, refusa d’y assister parce qu’elle avait lieu dans le presbytère.
TlDEWAITER.
Caraquet, 10 Nov.