Lettres

Newspaper
Year
1888
Month
11
Day
7
Article Title
Lettres
Author
Ph. F. Bourgeois
Page Number
2
Article Type
Language
Article Contents
Lettres Jos. A. Cullen, Ecr. Cher Monsieur, J’ai reçu, par la malle d’hier votre lettre du 1er courant ayant trait aux désagréments que vous cause la polémique soulevée par votre correspondant anonyme ou plutôt voilé sous le pseudonyme de "Cap Breton." Comme vous me priez de vous transmettre mon opinion sur l’opportunité de continuer la discussion commencée, je vous exposerai currente calamo ce que j’en pense, quitte à vous d’en accepter ou d’en rejeter les conclusions. 1er. Il est réellement regrettable qu’une telle question ait pris cours dans la presse et par le fait ait été amené devant le tribunal de l’opinion publique qui n’a pas le droit de la juger. Malgré tout l’intérêt que les laiques peuvent porter à la cause acadienne, ils doivent respecter les saints canons de leur Mère, l’église catholique,--et se rappeler que les prêtres jouissent de l’immunité ecclésiastique et dans leur personne, et dans leurs actes de l’ordre temporel, le maintien de l’immunité du prêtre exige que les plaintes occasionnées par ses actes civils soient portées devant le tribunal ecclésiastique qui existe, dans ce diocèse, dans la personne de l’évêque, vu qu’il n’y a point d’officialité régulièrement constituée.— --A fortieri, lorsqu’il s’agit des fonctions sacerdotales du prêtre, comme dans le cas de la cérémonie de l’Ardoise. Alors, ces actes, par leur nature échappent à la juridiction de la presse dont l’autorité ou le domaine ne peuvent s’exercer que sur des questions de l’ordre temporel. Il est donc dangereux, bien plus, il est contraire à la loi divine et à la loi naturelle de soumettre ou de permettre que ces actes spirituels soient soumis, par la voie des journaux, au jugement du public qui, en pareille situation, est trop souvent tenté de s’établir témérairement juge et canoniste. 2e, Quand à la question des correspondances anonymes, je n’ai pas, certes, la prétention de vous imposer mon opinion, mais puisque vous me la demandez, je me permettrai de vous l’exprimer comme suit. Ma conviction personnelle au sujet des correspondances anonymes, me démontre que celles-ci font du tort à nos journaux – surtout lorsque la question débattue se rattache au rôle d’action des autorités ecclésiastiques ou traite de divergences internationales si je peux ainsi m’exprimer. En général, des divergences ou dissentiment, il n’y a qu’un pas et malheureusement, il est bientôt franchi. Il est fort rare que l’union survive à l’apreté de ces luttes et qu’il n’en reste pas toujours des serments de discorde et des germes plus ou moins profonds d’irritation de part et d’autre. Nous sommes, au reste, persuadé que le programme à suivre pour améliorer la condition des acadiens à la Nouvelle-Ecosse et pour faire sentier à la justice est tout autre que celui tracé par « Cap-Breton » et qu’un tel plan ne peut jamais être mis en lumière d’une manière prudente et échouera quand même. Un païen se mêle de nous en avertir bien sagement lorsqu’il dit : vis consili expers mole ruit sua – Hor ode 65 III lb. La force qui manque de prudence succombe sous son propre poids. Je conclus donc, cher monsieur, en disant qu’il vaudrait mieux chloroformer cette question soulevée d’une manière plus imprudente que malicieuse, peut-être par "Cap-Breton." Il a subi, en silence, les justes remontrances infligées par MM. les abbés Quinan et McPherson ainsi que les vôtres. Le public lui pardonnera, maintenant, j’en suis sûr, pourvu qu’il ne s’acharne pas à continuer une discussion qui n’est pas du domaine de la presse et qui est de nature à jeter beaucoup de malaise et à faire beaucoup de peine au clergé acadien de cette province. Nous n’arriverons jamais à la victoire si nous commençons à tirer sur nos propres troupes et surtout sur ceux qui sont à l’avant poste et qui ont mission d’exercer le commandement. Agréez, cher monsieur Cullen, l’estime de votre tout dévoué en J.-C. PH. F. Bourgeois, Ptre. Havre à Boucher, N.-E., 3 Nov. 1888. NOTE DE LA RÉDACTION.—Vu les instances qui nous étaient faites de publier certaines correspondances de la nature de celles auxquelles il est fait allusion dans la lettre ci-haut, nous avons cru de notre devoir d’en référer à un prêtre dont le dévouement sincère à la cause acadienne est connu. Nous ne travaillons pas dans un but exclusif, ni personnel, ni pour le triomphe d’une cause injuste; nous avons dévoué notre vie à la nation acadienne et dans des cas difficiles, nous référons à des personnes plus compétentes que nous.