Ne vendez pas vos terres

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Year
1889
Month
10
Day
9
Article Title
Ne vendez pas vos terres
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2
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NE VENDEZ PAS VOS TERRES Lors de sa dernière visite en cette partie du pays, Sa Grandeur Mgr l’Archevêque O’Brien, de Halifax, a donné à nos compatriotes de Corberrie un conseil plein de sagesse et d’opportunité. Ne vendez pas vos terres, a dit Sa Grandeur, les bonnes terres que les Acadiens ne les sacrifient pas aux exploiteurs de limites à bois. En effet ce conseil est opportun. Un grand nombre d'Acadiens qui sont aujourd’hui absents ont sacrifié à des compatriotes hétérogènes les belles terres qu’ils possédaient en arrière de la rivière Météghan, et on nous apprend que quelques-uns de nos amis les Français de Corberrie, en arrière de la paroisse St. Bernard, commencent à suivre leur exemple aujourd’hui. Il y a quelques années passées des marchands de bois vinrent s’établir dans la plus fertile des paroisses de Clare, les Concessions de la rivière Météghan. Tentés par quelques piastres, nos Français ont vendu ou plutôt sacrifié leurs meilleures terres boisées, frustrant par là l’avenir de leurs enfants qui sont aujourd’hui obligés de gagner leur vie à l’étranger. Lorsqu’un habitant possède une terre à bois, il peut facilement en temps de nécessité, couper du bois de service, de chauffage, etc., et aller ensuite au marché s’acheter de la farine, etc. Cela devrait être un exemple à nos compatriotes, car ce serait un grand malheur pour la paroisse de Corberrie et les autres où l’émigration est de mode, si des ventes continuaient pour la peine. Ces sacrifices des terres a toujours des effets funestes à plusieurs points de vue. Les races quelque fois se multiplient à cause du bon marché des circonstances, et comme on sait la fusion n’est pas toujours dans l’ordre des choses possibles ; et cela pour une foule de raisons. Les acadiens qui ont de belles propriétés comme par exemple, nos voisins de Corberrie, feraient infiniment mieux de garder leurs terres et de se livrer tout de bon et sérieusement à la culture du sol. Quelques-uns disent que la culture du sol ne paye pas, qu’ils ont fait des expériences, que le sol n’est pas bon, et ainsi convaincus d’une conviction erronée, ils vendent leurs propriétés et prennent le chemin des Etats-Unis. Tout ceci est malheureux et une réaction est nécessaire. Les pêcheurs de la Gaspésie qui avaient en horreur la culture des champs et qui furent forcés de s’y livrer par la force des circonstances commencent aujourd’hui à comprendre qu’ils avaient tort de dédaigner la terre, et ils vivent dans un confort plus grand que lorsqu’ils comptaient exclusivement sur la pêche pour vivre. Les terres de cette partie de la Nouvelle-Ecosse sont aussi bonnes que celles des autres provinces, et des hommes qui s’y connaissent bien le disent contre l’opinion d’un trop grand nombre. Que nos amis prennent un peu de courage ; qu’ils se livrent plus résolument à la culture du sol, et ils verront avant longtemps que nous ne leur prêchons pas des théories impossibles dans la pratique. Ce que l’on voit ici s’est vu ailleurs, et nul doute, nous en sommes persuadés, ce que l’on voit maintenant ailleurs n’est pas impossible ici. Qui aurait cru, par exemple, il y a vingt ans passés, que la vallée du Matapédiac, à l’extrémité occidentale de la péninsule gaspésienne, serait aujourd’hui une colonie prospère, que les habitants émigrés pour la plupart de l’Ile du Prince Edouard, Rustico et autres places de l’Ile, y feraient aujourd’hui de belles et abondantes récoltes de blé, d’avoine et de foin? En ce temps-là, il y a vingt ans passés, on disait comme on dit ici aujourd’hui : “la terre n’est pas bonne, tout périt par le froid.” Des étrangers ont pris possession du sol, et chose singulière tout pousse et on ne craint pas tant les gelées. Que ceux qui ont des limites à bois les gardent pour eux. Un jour viendra qui n’est peut-être pas loin où le bois de ces terres se vendra à des prix lucratifs sur les différents marchés. Qu’on garde ces terres, et ce sera le meilleur moyen d’encourager l’industrie. Si on les sacrifie dès maintenant elles seront vite dépouillées, et perdront ainsi considérablement de leur valeur. Le bois dont on fait de si grandes exportations tous les ans se sacrifie dans les comtés de l’Ouest, et cela devrait être un avertissement pour ceux qui possèdent aujourd’hui des limites de quelque valeur. Les jeunes gens — de ceux qui croient aussi que la terre ne pousse que des ronces et des épines ici— abandonnent leurs parents et poussent vers les Etats-Unis. Pourquoi cela? Pour faire fortune plus vite ! Mais c’est une étrange et inconcevable aberration. Quelques-uns font fortune, et nous ne démentirons pas les républicains sur ce point, mais combien sont revenus tout aussi pauvres et plus pauvres que lorsqu’ils sont partis. La paroisse de Corberrie offre des avantages réellement exceptionnels pour la classe agricole : bonne terre, beau climat, saison relativement longue. Les jeunes gens, les Français surtout, feraient bien de s’établir dans cette belle et fertile partis de notre territoire, et Dieu aidant, ils y réussiraient en stimulant un peu leur énergie. Une chose manque à Corberrie; et qu’est-ce donc? un cercle agricole ou autrement une société agricole de discussion. On ne lit pas assez les journaux agricoles et on se fie trop sur le vieux système de culture. Allons ! amis et compatriotes, un peu de courage. Aidez-vous les uns les autres par l’exemple, et l’avenir dira si nous vous parlons aujourd’hui le langage du dévouement et de l’amitié.