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Un tri-centernaire en pays Micmac – 1610-1910
Le 24 juin de l’année 1910 ramènera une date mémorable dans l’histoire religieuse de l’une des plus intéressantes tribus Sauvages de l’Amérique Septentrionale. Il y aura trois cents ans, en effet, que vingt un représentants de la tribu des Micmacs, le chef Membertou en tête, reçurent, à Port Royal, la grâce du baptême des mains de Monsieur Jessé Fléché, prêtre français du diocèse de Langres, le 24 juin 1610.
Plusieurs autres cérémonies analogues eurent lieu dans le cours de l’année et ces conversions elles mêmes furent bien tôt suivies de celle de la tribu entière qui, depuis lors, a fait preuve d’une fermeté singulière dans sa foi.
La tribu des Micmacs fait partie de la grande famille des Algonquins qui occupait jadis la moitié de l’Amérique du Nord à l’est du Mississipi et ne comptait pas moins de 90,000 Sauvages.
Les Micmacs sont aujourd’hui encore au nombre de 4,000. Distribués dans cinquante réserves, ils sont répartis dans la vaste étendue de territoire formée par la péninsule de Gaspé, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et l’Ile du Prince-Edouard. La pêche à la morue en a même attiré un certain nombre jusque dans l’Ile de Terreneuve.
C’est autour du Sanctuaire de Ste Anne de Restigouche, comté de Bonaventure, P. Q., que se trouve groupée la plus importante de ces réserves, au nombre de 120 familles Sauvages, formant une population totale de 510 âmes environ.
Tandis que le mélange avec les Blancs, les guerres et le terrible fléau de « l’eau de feu » ont entraîné peu a peu la décroissance et même la disparition de plusieurs tribus, celle des Micmacs s’est toujours à peu près maintenue au chiffre qu’elle atteignait au temps de Jacques Cartier.
L’on ne peut s’empêcher de voir dans ce fait la récompense providentielle de la double fidélité des Micmacs à la France et à l’Église.
Dès les commencements, ils furent les amis et les auxiliaires des Français, dans la paix comme dans la guerre.
L’Eglise, dont ils furent l’une des premières conquêtes parmi les peuples des du Nouveau-Monde, n’a jamais eu à déplorer la défection d’un seul Micmac, malgré les scandales des Blancs parfois et les efforts de la propagande protestante.
Le peuple Micmac mérite donc la sympathie de tous les Canadiens et Acadiens français, tant par sa constance et par sa foi profonde que par son caractère singulièrement doux et hospitalier.
C’est pourquoi personne ne sera surpris que les Missionnaires Capucins attachés, depuis quinze ans, à la Desserte de la réserve de Sainte-Anne de Ristigouche, et occupés à l’évangélisation de cette tribu aient eu la pensée de célébrer par de grandes solennités et par l’érection d’un monument commémoratif la conversion trois fois séculaire des Sauvages Micmacs.
Ces fêtes rappelleront à tous les magnifiques résultats de l’action civilisatrice de la France et de l’Eglise; en outre, elles contribueront, on peut l’espéres, à enraciner plus profondément encore les sentiments chrétiens et catholiques dans le cœur du peuple Micmac.
La Mission de Sainte-Anne de Ristigouche semble toute désignée pour être le théâtre de ces solennités. C’est, nous l’avons dit, le siège de la réserve la plus importante et comme la métropole de la tribu des Micmacs.
Voilà, de plus, un siècle et demi bien tôt que ce sanctuaire est le rendez vous traditionnel d’un grand nombre de pèlerins Micmacs, Canadiens et Acadiens qui, ne pouvant se rendre au sanctuaire de Sainte Anne de Beaupré, y viennent offrir leurs hommages à la grande Thaumaturge du Canada, Patronne spéciale de notre tribu et de la Mission de Ristigouche.
En outre, les enfants de Saint François, les Capucins en particulier, exercèrent, dès les premiers temps de la con des Micmacs, un apostolat très actif et très fructueux parmi ces populations Sauvages dont ils surent conquérir l’estime et la sympathie. Qu’il suffise de rappeler le souvenir du Séminaire que les Capucins jadis, après la restitution de l’Acadie à la France, en 1632, fondé rent à Port Royal, avec l’autorisation et les fonds du Roi de France, Trente enfants Acadiens pouvaient y être admis; quant aux enfants indigènes, on devait tous les accepter, quel que fût le nombre des des demandes. Cet établissement dût être prospère car, en 1643, il y avait douze Capucins en Acadie, la plupart occupés de la direction et de l’instruction de ces enfants.
Nous donnerons plus tard le programme des fêtes qui se préparent. Mais, dès aujourd’hui, nous faisons appel à la générosité de nos amis Micmacs. Canadiens, Acadiens, Irlandais…. Et en général de toutes les personnes que notre projet pourrait intérésser. De ce jour ,une souscription sera ouverte en vue de l’érection du monument commémoratif dont l’inauguration aura lieu, avec toute la solennité possible, le 24 juin 1910.
Le Comité d’organisation.
LETTRE DE SA GRANDEUR MGR A. A. BLAIS, Evêque de Rimouski.
Nous avons pris connaissance du projet formé par les RR. PP. Capucins, Missionaires à Sainte-Anne de Ristigouche, de célébrer solennellement, le 24 juin 1910, le troisième centenaire de la convesion à la foi catholique de la tribu des Sauvages Micmacs, et d’élever à cette occasion un monument commémoratif en l’honneur de la Bonne Sainte Anne.
Nous bénissons ce projet, ainsi que toutes les personnes qui voudront bien contribuer par leurs généreuses offrandes au succès de l’érection de ce pieux monument.
Saint-Anne des Monts, au cours de la tournée pastorale, le 30 juin 1909.
André-Albert, Evêque de Saint-Germain de Rimouski.