Grandiose Démonstration Nationale

Année
1910
Mois
8
Jour
18
Titre de l'article
Grandiose Démonstration Nationale
Auteur
---------
Page(s)
02, 03
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
Grandiose Démonstration Nationale On ne pouvait désirer plus délicieuse journée, un ciel pur et plus serein, pour une démonstration comme cela dont Memramcook était le théâtre avant-hier. Aussi la fête fut-elle un beau grand succès sous les rapports. Une foule immense où se coudoyaient des représentants de nos trois provinces ainsi que des Etats-Unis et de la province de Québec, se trouvait réunie à l’église St-Thomas, à l’heure de la messe solennelle. Le village St-Joseph, gaiement pavoisé de drapeaux et d’oriflammes aux couleurs nationales de l’Acadie, présentait le plus gracieux coup d’œil, et les paroissiens à l’exemple de leurs dignes pasteurs font le plus fraternel aux parents, aux amis qui viennent participer à cette grande et belle démonstration, qui tout naturellement pour un peuple chrétien débute par un acte de foi, l’auguste sacrifice des autels. Le célébrant est le Rév. Alfred Trudel, curé de Pâquetville, assisté du Rév. J. S. Gallant, professeur au collège St-Dunstan, et du Rév. Dismas LeBlanc, de Moncton. Au sanctuaire, un clergé nombreux rehausse de sa présence l’éclat de la cérémonie. En voici la liste : Rév. S. J. Doucet, Grand’Anse, Rév. Père A. Roy, Memramcook, Révd Dr. L. Guertin, Memramcook, Révd Père A. D. Cormier, Dorchester, Révd Père E. F. Labbé, Memramcook, Révd Père Lecavalier, Memramcook, Révd Père A. T. LeBlanc, Memramcook, Révd Père H. D. LeBlanc, Memramcook, Révd Père Desroches, Memramcook, Révd Père McDougall, Memramcook, Révd Père Langlais, Memramcook, Révd Père Ant. LeBlanc, Sackville, Révd Père A. Robichaud, St-Anselme, Révd Père D. J. LeBlanc, Shédiac, Révd Père H. D. Cormier, Haute Aboujagane, Révd Père Ph L. Belliveau, Grand’Digue Révd Père A. B. O’Neil, Notre-Dame, Indiana, Révd Père J. J. McLaughlin, Richibouctou, Révd Père M. Martineau, Village de Richibouctou, Révd Père A. Trudel, Paquetville, Révd Père Albert, Shippagan, Révd Père P. P. Arsenault, Mont-Carmel, Révd Père Dr. P. C. Gauthier, Palmer Road, Révd Père Mondou, Memramcook, Révd Père F. X. Cormier, Kingsclear, Révd Père M. Detour, Acadieville, Révd Père Savage, Moncton, Révd Père Hudon, Scoudouc, Révd Père J. V. Gaudet, St-Paul, Révd Père Philippe F. Hébert, Bouctouche, Révd Père C. W. LeBlanc, de la Rivière Bonaventure, professeur au séminaire de Rimouski. On remarquait aussi bon nombre de personnages éminents, entr’autres le Dr. T. J. Bourque, M. P. P., et M. le shérif Johnson, de Richibouctou, l’hon. H. R. Emmerson, Dorchester, l’hon Frank Sweeney, Moncton, les Drs. L. N. Bourque, F. A. Richard, F. Gaudet et Alfred Gaudet, L. E. Robidoux, J. W. Maddison, du Times, MM. les avocats Ed. Girouard, Ant. J. Léger de Moncton, John Landry et Réné Richard, de Dorchester, MM. G. E. Gallant, Elie E. Arsenault, Jean O. Arsenault et Maxime Gallant, Abrams Village, Alex J. Coucet, de Sydney, John LeBlanc, de Rogersville, Pat. Hébert, de Dorchester, Jude A. Bourgeois, O. S. Léger, Denis E. Richard, C. H. Boudreau, Moncton, Oliver T. Dupuis, Amherst, etc. Le chœur paroissial, assisté de plusieurs voix étrangères, exécute avec entrain une belle messe en parties, et à l’offertoire Mme W. Belliveau chante une suave Ave Maria. M. Henri Bourassa, l’hon. juge Landry, l’hon. Dr. Landry, M. le Dr. L. J. Bellivau, président du comité de la statue-Lefebvre, M. O. M. Melanson, M. Jos. R. LeBlanc, M. Deniger, du Devoir, les représentants de l’Evangeline et du Moniteur, occupent des fauteuils au pied la balustrade. Après l’Evangile, le Révd S. J. Doucet, curé de Grand’Anse, l’un des plus anciens prêtres acadiens du pays, monte en chair, et prenant pour texte ces paroles du magnificat : « Fecit mibi magna qui potens est – Celui qui est puissant m’a fait de grandes choses, » donne une docte instruction sur les admirables prérogatives de Marie, reine du ciel et de la terre. Conçue sans péché, participant par sa maternité à l’œuvre miséricordieuse de la rédemption, elle est devenue la dispensatrice des dons célestes. Ayant choisi l’Assomption de la Sainte Vierge pour sa fête nationale, le peuple acadien doit lui vouer un culte particulier et de tous les instants. Le Moniteur publiera le texte du sermon. L’assemblée de deux heures – après la parade des automobiles, puis le diner qui dura jusqu’à deux heures, la foule se rassembla dans la cour de recréation du collège où avait été dressée l’estrade à l’usage des orateurs. L’hon. Juge Landry prononça le discours d’ouverture que nous résumons ci-dessous : Que voulons-nous affirmer et encourager par la présente célébration? D’abord, nous désirons affirmer notre loyauté sincère à notre mère-patrie, la Grande-Bretagne; lui dire notre reconnaissance pour la somme de liberté dont nous jouissons sous son règne impartial et bienveillant. Nous voulons aussi encourager le patriotisme Canadien, c’est-à-dire l’amour du Canada, notre pays, de ses institutions et de ses lois. Nous voulons aussi inculquer chez les nôtres l’amour du travail intellectuel et corporel. Afin de prendre avec profit notre place dans l’Empire Britannique, pour reconnaître sa grandeur et son prestige, et pour mieux saisir l’avantage insigne qu’il y a à faire partie de cet Empire puissant, nous profitons de la célébration de nôtre fête nationale Acadienne, l’Assomption, pour rappeler ces choses à notre mémoire. Comme Acadiens nous désirons nous compter, nous mieux connaître, nous affirmer et nous fortifier. Nous voulons comprendre nous-mêmes, l’apprécier et le dire à nos concitoyens Canadiens, descendants de toutes les races composant le Canada, que nous faisons partie de l’Empire le plus puissant de l’univers, et que nous possédons un pays dont nous avons droit d’être fiers – fiers à cause de l’immense étendue de son territoire, plus grand que la Grande-Bretagne, la France, et l’Allemagne réunis; à cause de ses ressources industrielles, égales à celles du pays le mieux doué par la nature. Comme citoyens du Canada nous voulons comprendre cela, et nous en entretenir afin de mieux être en état de bien remplir tout notre devoir envers notre pays et envers nous-mêmes. De plus, pourquoi nous appelle-t-on ensemble en grande réunions de temps en temps, nous Acadiens Français? C’est parce que nous ressentons le besoin de trouver un centre où les idées que partagent des frères visant au même but, celui d’assurer la régénération complète d’une petite race qui était devenue presque oubliée, puissent se féconder, et, par le contact et par l’organisation, se fortifier. Où mieux qu’ici, à St Joseph, la belle et ancienne paroisse de Memramcook, ici où les Lafrance, les Lefebvre ont versé leurs sueurs et répandu leurs insignes bienfaits de leur vie de sacrifice et de générosité pour nous sortir d’un esclavage que la conquête, les privations de toutes sortes, l’absence d’éducation nous avaient imposé; ici où nous ressentons encore la chaleur de leurs grand cœurs; ici où nous ressentons si vivement l’inspiration de leur souvenir, ici où nous pouvons voir pour nous-mêmes les fruits abondants des semences fécondes qu’ils ont parsemées dans l’Acadie; ici, en un mot, où nous sommes assez prêts de leurs tombes vénérées pour ressentir leur présence? Où pourrions-nous aller pour mieux nous inspirer et nous encourager? Et que manque-t-il au spectacle charmant dont nous sommes ce matin les heureux témoins, pour témoigner à qui veut interpréter les faits, l’immense somme de bien accompli par les labeurs, l’exemple et les conseils de ces hommes envoyés de Dieu pour l’accomplissement d’une mission spéciale dans l’Acadie? A qui, Memramcook, à qui la population acadienne toute entière, est elle redevable des monuments durables et utiles qui nous entourent, les améliorations riantes que nous voyons de tout côté sur cette butte à Pétard? A qui sommes nous redevables du réveil et l’affermissement du doux sentiment de patriotisme qui a rendu possible, agréable et profitable, notre premier congrès de 1881, où les bases furent jetées sur les quelles s’appuient les progrès étonnants que nous Acadiens avons faits depuis cette date? A qui devons nous notre éternelle reconnaissance pour la régénération intellectuelle et sociale si manifeste à ceux qui comparent notre état, à la date de l’ouverture du Collège St-Joseph, à celui de ce jour? A la date de l’arrivée du regretté Père LeFebvre en 1864, nos entourages nous faisaient souvent craindre de nous dire Français, et plus souvent encore cette désignation nous apportait bien des désagréments, résultats des préjugés qui existaient alors contre nous, et de notre impuissance a nous en mettre à l’abri. Aujourd’hui qui n’est pas fier de se dire Acadien, descendant de cette race aimable, chevalresque, habile et chaleureuse, la race française? et qui n’est pas encore plus fier de pouvoir montrer sa supériorté, sous ce rapport, en parlant les deux langues? Et, resultat plus beau encore, c’est que des sources où, dans nos jours les plus malheureux, l’on nous montrait du mépris, nous avons pu conquérir l’approbation et même l’estime. Nous sur l’estrade, et vous qui nous écoutez, serions nous trop égoïstes et trop orgueilleux si nous osions penser que nous devant nous les preuves les plus rassurantes de cette régénération, et de la belle place que nous avons gagnée au milieu de nos semblables? Nous voyons devant nous une foule d’Acadiens qui, à leurs voisins d’autres origines, ne le cèdent en rien en bonne tenue, en qualités intellectuelles, en savoir faire et en patriotisme. Vous voyez ici sur l’estrade un bon nombre de vos représentants dans les professions libérales. Vous les entendrez parler; nous vous contemplerons, et la douce conviction se fixera dans nos cœurs contents, que nulle part dans le Canada-Anglais ou Français, Ecossais ou Irlandias, vous ne pourriez réunir des villages et des campagnes, une assemblée convoquée comme celle-ci à laquelle vous ne puissiez pas, avec raison, vous dire : « nous sommes au moins leurs égaux. » C’est beaucoup, en vue de ce que nous étions avant que le flambeau de l’éducation fit son apparition sous l’égide providentiel des Lafrance et des Lefebvre. Ces deux noms vénérés s’imposent quand nous cherchons les bienfaiteurs qui nous ont mis sur le chemin de ce progrès étonnant; et c’est pourquoi j’aime à les répéter. Et pourquoi être gêné à les répéter? Est-ce que les épanchements de la reconnaissance ne rejouissent pas les âmes qui ont souffert et qui ont été soulagées par des bienfaiteurs que la Providence leur a enlevés? Où est l’élève du Père Lefebvre qui a su profiter de son exemple, de ses enseignements et de son influence, qui ne se sente pas ennobli par le contact? Jamais l’on ne peut oublier la paternelle sollicitude qu’il montrait envers tous ses élèves. Il les suivait, même après leur départ du Collège, avec un intérêt qui était plus que paternel. Qui fut mon premier visiteur dans mon humble bureau d’avocat à Dorchester pour me souhaiter le succès, pour m’encourager par ses bons conseils et pour partager avec moi les douces espérances d’un débutant dans sa carrière professionnelle? Je l’ai nommé, c’était une grande faveur de sa part, un acte d’attention le plus flatteur. Cependant je ne ressentis aucune flatterie. Sa grandeur d’âme me fit oublier le grand compliment pour ne penser qu’à l’inspiration bienfaisante que sa présence me faisait ressentir, et pour ne songer qu’à faire des efforts pour me montrer digne d’une telle attention. Et pour combien d’années, même après sa mort regrettée, ne fut-il pas constamment devant moi? Pour moi, il fut presque un culte. Dans les situations les plus critiques de ma carrière je cherchais toujours dans ce visage mystique des signes d’approbation ou de reproches sur mes actes ou sur ma conduite. Un coup d’œil imaginaire sur cette physionomie inspiratrice ne manquait jamais d’éveiller ma conscience. Et si j’y voyais un sourire d’approbation ma conscience se sentait déliée, ma récompense était complète. Si, au contraire, j’y remarquais une ombre de reproche je prenais à cœur l’admonition, et ma punition devenait ample. Quand j’aurai disparu de ce monde, ce sera pour moi un éloge suffisant que de dire de ma carrière : « elle a été formée par l’exemple, l’enseignement et l’inspiration du Père Lefebvre. » Il a tant fait pour nous; nous en veyons la preuve tous les jours. Nous nous en réjouissons; et ne soyons jamais las de nous rappeler ses bienfaits. S’il nous est donné de voir dans le beau spectacle qui se déroule devant moi, sur cette estrade et dans les entourages, la scène riante et inspiratrice qui nous réjouit et qui est le fruit de la semence implantée par lui, ne voyons-nous pas en même temps ce que son passage au milieu de nous a rendu possible, à notre avantage, a delà des confins de l’Acadie? Le haut privilège, l’insigne avantage de voir à nos côtes, dans la foule des amis arrivés des provinces-sœurs, pour s’unir a nous dans nos réjouissances, pour nous instruire de leur parole éloquente, pour nous encourager par leur sympathie, pour nous reconnaître comme une branche digne et vivace de la race française qui a tant fait pour la religion, les sciences et l’humanité; ce privilége, dis je, nous arrive parce que les Acadiens ont su profiter du passage illustre de notre régénérateur, et se sont ainsi fait connaître là où on avait de bien vagues notions de notre existence réelle. J’ai dit « une branche. » Sommes nous bien une branche? Si nous sommes une branche de quel tronc avons-nous dont fait partie depuis le grand dérangement? Est-ce branche de la belle race Française ou de la généreuse et chevalresque race Canadienne Française? Quelle sève fortifiante, comme branche, avons-nous donc retirée de la France ou de Québec depuis 1755? N’avons-nous pas été un rejeton plutôt qu’une branche? Une branche détachée comme nous l’avons été par la force des circonstances, dépérit et sèche. Rejetons actif, vivace et ambitieux – puis je dire intelligent; nous avons jeté nos racines dans le sol et grandi par nous-mêmes. Tel a été notre sort, n’est-ce pas? Ce rejeton, il est vrai, a été arrosé par les sueurs des deux vénérés Canadiens que j’ai déjà nommés; mais des troncs principaux, la France et Québec, bien peu de sève matérielle et fortifiante nous fut transmise pendant la période la plus critique de notre vie nationale. Nous ne leur reprochons pas l’absence de secours actif – nous avions toujours leurs sympathies, leur estime et surtout le bel exemple de leur courage, de leur génie et de leur savoir faire. Il nous a fallu nous relever par nos propres efforts. Dieu voulait ainsi nous rendre plus forts et plus indépendants. Nous y avons réussi. Il nous reste qu’à nous maintenir et à accélérer le grand pas du progrès de nos entourages. Si depuis 1881 nous avons grandi et fait un progrès étonnant, certains défauts, certaines faiblesses se sont aussi insinués dans nos mœurs, dans nos habitudes. L’élément le plus puissant, peut être, qui, à partir de notre convention, ait contribué à notre progrès, fut celui de l’adhésion de nos forces comme Acadiens, celui de savoir faire céder nos intérêts personnels au bien du grand nombre. Ce fut l’unanimité avec laquelle nous nous jetions dans tous les grand mouvements qui se faisaient pour l’avancement général des nôtres, qui nous donna courage et nous assura le succès. La faiblesse que je désire mentionner c’est la division dans nos rangs. Evitons les factions, et soyons toujours prêts dans tous nos rapports les uns avec les autres à nous traiter en frères. Cette belle réunion ne manque pas de me rappeler le tendre souvenir de notre première convention de 1881, et en lisant, ces jours derniers, ce qui se disait alors j’en ai détaché quelques phrases qui, il me semble, s’appliquent à ce jour. Et, Messieurs, je vous demande, sont ce des aspirations légitimes que de vouloir pour notre race si longtemps ignorée, la faire sortir de cet oubli et la voir prendre son rang d’égalité au milieu des populations qui nous environnent. Est-ce un but qui mérite notre attention que celui d’améliorer la condition de notre bon peuple acadien? Et oui, mille fois oui. Qui de nous ne se réjouit pas à la vue de tout ce qui contribue à notre avancement? Qui de nous ne s’est pas senti battre le cœur de joie en étant témoin des succès et des triomphes de quelqu’un des nôtres? La grande majorité de ceux qui m’entourent ont eu le plaisir de voir de temps à autre, chaque année, les belles démonstrations qui ont lieu au bon Collège St Joseph; plusieurs ont suivi de près et avec bonheur le progrès qui se fait tous les ans au zélé Collège de St Louis. Combien n’ont pu retenir leurs larmes à la vue de nos jeunes gargons acadiens figurant avec avantage dans les différents rôles qui leur étaient assignés? Ces larmes, Messieurs, cette vive émotion, ces soupirs qui faisaient gonfler votre poitrine, étaient le tribut que vous payiez à la régénération acadienne. C’était le bonheur qui vous faisait pleurer, et ces pleurs faisaient honneur à votre race, à votre cœur Français. Mais, me dira on peut être : nous ne verrons jamais le jour où nous jouirons d’une aussi grande aisance que nos voisins; nous ne serons jamais les égaux des Anglais en position influentes, en autorité, en pouvoir – Messieurs, il est assurément permis de douter que la seule présente convention puisse réduire à néant ces objections du reste mal fondées, et qui ne devraient, ce me semble, se trouver que dans la bouche d’un lâche. Mais, Messieurs, où est l’Acadien, jeune pu vieux, qui de ferait pas des sacrifices, qui ne serait pas décidé à souffrir la contrainte et la violence, si, par là, il était sûr de léguer à la génération suivante, à ses enfants et aux enfants de ses frères une destinée plus brillante, plus élevée que la sienne? Quand en 1881 je pris la liberté de prédire des jours heureux pour nous et pour nos enfants, je me permis de dire : Aujourd’hui si nous jetons un regard autour de nous, nous pourrons constater que les craintes exprimées alors que les fruits de nos premiers efforts ne fussent pas complets avant la disparition de la génération qui m’écoutait, n’étaient pas absolument fondées. Nous avions tant souffert et les difficultés nous paraissaient si grandes que ces craintes s’imposaient alors, même aux plus optimistes. Nous n’avons pas encore recueilli tous les fruits légitimes de nos conventions, de nos organisations, des élans de notre patriotisme; mais nous sommes heureux de voir que le progrès a été plus grand que nous osions l’espérer. Le R. P. Roy, curé de la paroisse, M. Jos. R. LeBlanc, au nom de la succursale de l’Assomption, et le T. R. Dr. Guertin, au nom de la Faculté de l’Université St-Joseph, souhaitent à la foule la plus cordiale bienvenue, et leurs vibrantes paroles furent vivement applaudies. Remplaçant le juge Landry au fauteuil, l’hon. Dr. Landry donna lecture des lettres et télégrammes d’excuses adressées au comité par M. Philippe Hébert et M. l’abbé Melançon, de Montréal, M. Max. LeBlanc et M. Max. D. Cormier, que des circonstances imprévues avaient retenus chez eux. Il donne également lecture d’un télégramme de M. Jean H. LeBlanc, secrétaire-générale de la Société l’Assomption, et d’un autre du président-général des Artisans Canadiens, envoyant leurs félicitations et leurs vœux de succès aux Acadiens réunis à Memramcook. M. Ferd. J. Robidoux, de Richibouctou, M. l’abbé Th. Hébert, de Shippagan, et M. Henri Bourassa se succèdent sur l’estrade et sont chaleureusement accueillis. Nous donnerons jeudi prochain le discours du Père Albert. Tout le monde attendait de grandes choses de M. Bourassa, mais il se révéla supérieur encoure à la réputation qui l’avait précédé ici. C’est un tribun accompli. Il manie la parole avec une facilité extraordinaire; sa phrase est toujours correcte, et son geste, son regard pénètrent le plus froid de ses auditeurs. Et son franc-parler va droit au cœur, subjugue l’intelligence. Bourassa est l’homme de l’avenir, un avenir prochain. On peut ne pas partager ses opinions, mais sa sincérité commande l’admiration. On l’aurait volontiers écouté une heure encore. Mais consolons-nous, il reviendra à l’assemblée du soir. A 8½ heures, la fanfares donne le signal des discours, et la foule, plus considérable encore que l’après-midi, se masse autour de l’estrade, où, sur les instances de l’hon juge Landry, le Très Révd Dr Guertin prend le fauteuil. M. Antoine J. Léger, avocat, de Moncton, prononce un fort beau discours qui provoque des applaudissements réitérés. L’hon. Dr. Landry est aussi acclamé avec chaleur et tien l’auditoire sous le charme de sa parole vibrante pendant quelques minutes trop courtes au gré de la foule. Puis apparaît, au bruit d’acclamations prolongées, le Révd Dr Gauthier, qui parle tout à tour en français, et en anglais, qu’il parle avec une égale facilité. Sa mâle éloquence lui valut une grande ovation. M. Bourassa fut présenté de nouveau, mais pour parler cette fois dans la langue de Shakespeare, qui semble n’avoir point de secrets pour lui. Et le sujet qu’il traite est empoignant. C’est de la tolérance qui doit régner en ce pays, entre Anglais et Français, qui y ont, de par les traités les plus solennels, les mêmes droits de cité et de liberté. A nos frères anglais il prouve que si leur première aspiration est de conserver le Canada à la couronne d’Angleterre, il est absolument essentiel que Canadiens et Acadiens puissent s’y développer librement et y conserver leur individualité nationale et catholique. Les Canadiens et les Acadiens constituent le plus puissant rempart de la domination britannique dans l’Amérique du Nord – l’histoire impartiale du passé le prouve surabondamment. M. Bourassa reçut, en reprenant son siège, une grande ovation, dont il remercia l’auditoire en quelques mots admirablement bien dits. La démonstration du 16 août restera gravée dans nos annales. La fanfare de Shédiac et celle de Memramcook ont largement contribuée aux agréments et au succès de la fête. Elles se sont généreusement prêtées à l’œuvre de la journée, et le public apprécie hautement les grands services que les musiciens ont rendus. Les tables à manger, dans les immenses réfectoires du Collège, étaient couvertes des mets les plus appétissants, et le service fait honneur aux directeurs de la maison. Les tables de rafraîchissements, les jeux, les amusements ont aussi largement contribué au succès de la journée. Le comité mérite des remerciements tout particuliers, et nous croyons être le fidèle écho de la voix du public en présentant à ceux qui le composent nos félicitations et nos remerciements.