Les droits d'un chacun

Journal
Année
1889
Mois
2
Jour
27
Titre de l'article
Les droits d'un chacun
Auteur
Jos. A. A. Cullen
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
LES DROITS D'UN CHACUN Nul pays n’offre plus de liberté à ses sujets que notre Canada, bien qu’il dépende indirectement d'une puissance souveraine étrangère. Les premiers pionniers du sol étaient français, mais la conséquence de longues luttes furent la cession de la France d’Amérique à l’Angleterre. Aujourd’hui les populations qui se partagent le sol de cette partie du Nouveau-Monde sont de races hétérogènes soumises à un même Gouvernement. Chacune des provinces de la confédération relève de l’autorité fédérale et chacune possède une législature locale indépendante comme corps distinct. Nous avons donné dans un article antérieur l'origine de ces institutions. Selon la constitution de notre Gouvernement fédéral, nous sommes tous égaux devant la loi et nous avons tous les mêmes chances de promotion comme sujets britanniques, quelque soit l'origine propre d'un chacun de nous. Aux Communes, la force séparatiste, les distinctions de race, etc., sont moins perceptibles dans chacun des corps de cette importante institution. Dans la Législature locale de Québec, les chances sont encore égales, et l’administration des deniers publics de sa juridiction semblent être légalement et justement réparties. Au Nouveau-Brunswick, le contraste est de nature à nous faire comprendre que le british fair play n’est pas tout à fait en honneur. Il y a quelque députés français dans ce corps parlementaire mais leur influence est emportée par la majorité. Nos écoles par exemple relèvent de la législature et on sait que les français du Nouveau-Brunswick ne sont pas justement représentés au bureau de l’éducation. On culbute l’ordre et on se donne des raisons de nommer et de démettre les fonctionnaires d'origine française comme bon nous semble. Cet état de choses est intolérable et injuste. Les Acadiens ont tout autant que leurs compatriotes d'autre origine droit à une partie des deniers de l’administration publique, et nous ne sommes pas de l’opinion que le Gouvernement puisse les mettre au ban de la Province dans la grande et très-importante question de l’éducation. Quoiqu'en pensent le Gouvernement et le Surintendant de l’Instruction Publique de la province sœur, il y a certainement parmi les 56,000 français de cette partie de la confédération des hommes aussi instruits que ceux qu’on leur préfère dans les positions d’inspecteur d’écoles, ou de professeur dans les institutions provinciales. La religion des uns et des autres est une affaire privée à laquelle la législature n’a rien à voir, et, dans aucun cas, le Gouvernement ne peut se donner le droit de préférer un membre d’une religion à un membre d’autre religion sans avoir d’autre prétexte à l’appui de son choix. Ainsi, si le Gouvernement est protestant, ce n’est pas une raison pour ce corps politique et civil de réléguer les catholiques extra muros, ou de faire la différence par un choix injuste envers la majorité. Les anglais ont des droits et les Acadiens en ont au même degré. Le Gouvernement veille sur la population en masse et il doit son appui et ses faveurs en détail et gros, à tous et à chacun des individus qui en relèvent sans distinction de nationalité ou de croyances. Nous espérons que la lumière se fera sur ces différents points et que la justice finira par triompher du fanatisme et de la partisannerie qui existent. Jos. A. A. CULLEN.