Canada-Français

Journal
Année
1888
Mois
12
Jour
12
Titre de l'article
Canada-Français
Auteur
Chs. A. Gauvreau
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
CANADA-FRANÇAIS III Lettre J’en était rendu à l’étude de longue haleine sur Jean Cabot par l’abbé J. D. Beaubien, de L’Université Laval, Québec. C’est une étude très approfondie du sujet important qu’elle discute et l’on ne se sent point fatigué du tout après la lecture de ces soixante pages de littérature, remplies de citations appropriées et bourrées de renseignements précieux puisés aux sources les plus autorisées, les moins suspectes. Le nom de Jean Cabot est trop connu pour que j’essaie d’en dire plus que de raison. Que l’Angleterre doive beaucoup à Jean ou à Sébastien Cabot, l’histoire est là qui parle hautement et j’oserais dire héroïquement, mais la dispute ou le point en litige est de savoir qui l’emporte de Jean ou de Sébastien. Sébastien Cabot est le fils de Jean et l’abbé Beaudoin a dévolu toutes ses attentions à Jean Cabot, en le montrant en plein jour sous ses vraies couleurs, en lui donnant le plus de relief possible, s’appuyant pour cela sur les auteurs les plus en renom. Il a fallu à l’abbé Beaudoin une patience digne d’une ascète pour faire ses recherches multiples, les coordonner pour en faire un faisceau solide à l’appui de sa thèse. C’est là l’œuvre d’un vaillant, d’un érudit que rien n’effraie et qui ne se trouve satisfait qu’après avoir connu le pourquoi des choses, et compris le mot de l’énigme. Ces hommes là sont assez rares. L’Université de Québec en fournit cependant un grand nombre : Honneur à Elle! Voici une acquisition pour le Canada-Français, un Français de France, M. Jules Agnot des Retours commence une série d’articles sur l’Economie Internationale dont les lecteurs assidus et sérireux de l’excellente revue ne pourront que bénéficier. Le premier article est intitulé : La liberté du travail. La question ouvrière est plus que jamais à l’ordre du jour. Elle s’impose par la force des circonstances et c’est le temps où jamais de tracer à ce fleuve qui va grossissant le lit convenable où il devra couler ses eaux que l’on espère être paisibles et à l’abri de toute perturbation quelconque. Les hommes d’état, les grands esprits qui conduisent ou gouvernent les peuples, les économistes en vue, les philantrophes, les bienfaiteurs de l’humanité travaillent à former un code nouveau – celui des devoirs, des obligations et des droits de la classe ouvrière. En France, en Autriche, en Allemagne, voire même en notre pays on s’occupe de cette importante question et je sais bien des considérations d’ordre supérieur qui maintenant sont à l’arrière plan, la grave question de la liberté du travail, la grave question ouvrière ayant primé toutes les autres. Notre siècle avec ses tendances égalitaires se sent comme malgré lui remplie d’une large pensée d’humanité; puisse cette idée généreuse qui le penche vers ce qui est faible, vers c qui travaille, vers ce qui peine, vers ce qui souffre ici-bas, puisse cette généreuse pensée lui mériter de ne pas dévoyer et d’aller le large chemin, de la gloire de la liberté, de l’émancipation et du respect à l’autorité reconnue, établie, restaurée, l’autorité civile, religieuse et paternelle ou de la famille. Les gouvernements ne sauraient trop donner d’attention à la classe qui travaille à gagner sa vie à la sueur de son front. Au Canada, chaque session du Parlement ou de la Législature des Provinces nous amène un bill, une mesure tendant à améliorer la condition des classes travaillantes. On protège le travail des femmes et des enfants et l’on définit les obligations et les devoirs des patrons et des ouvriers. C’est un but humanitaire qui fait honneur aux Gouvernements et ne peut que leur mériter les félicitations de tous. On lira donc avec un intérêt actuel l’étude de M. Angot des Retours. Je conseille aux lecteurs du Canada-Français de lire attentivement le morceau intitulé : Histoire du Droit Canadien – signé T. H., (entre nous lisons Mgr. T. Hamel.) Ce morceau apprécie l’ouvrage sur le Droit Canadien de M. Lareau. C’est court mais c’est bien dit; c’est luride, vif, plein d’onction même; c’est un plaisir de suivre l’auteur. C’est du style à facture moulée comme seul peut en produire la plume si bien taillée de Mgr Hamel, de Quebec. Quelle finesse de la manière de blâmer. C’est doux comme une éponge imbibée de miel qu’on passerait sur une partie du corps malade. Ecoutez : “Nous espérons qu’il (M. Laureau) prendra en bonne part ces observations, que nous avons faites avec franchise, parce que nous le respectons assez pour penser qu’il aimera mieux une loyale critique dont il puise se profiter, qu’une fade approbation ou même le simple silence.” Ce qui suit est une Revue Européenne par l’hon. P. J. O. Chauvreau. C’est une des plus belles que j’aie lues. Sa dernière partie où il parle de l’envahissement des statues, la citation appropriée de Victor Tournelle du Correspondant, son mot sur Lacordaire et la réminiscence du passé au sujet du Père Fortier qui vient de mourir, tout cela nous empoigne et fait plaisir à lire et à relire. Sous le titre de Bibliographie, Mgr Hamel et Mgr Méthot donnent une excellente revue des livres et des revues qui viennent de paraître soit au pays, soit à l’étranger, puis il ne reste plus qu’à lire les Documents sur l’Acadie, ces pièces historiques d’une importance capitale. A la page 155 des Documents sur l’Acadie, je vois parmi les habitants qui demeuraient aux Mines, en Acadie, le nom de François Gauvreau, et sa femme. Comme vous le voyez, mes sympathies naturelles pour la famille, la grande famille des Acadiens, repose sur une base solide puisqu’un membre de ma famille fut frappé lui aussi de l’inhumaine proscription qui flagella alors tout un peuple opprimé et malheureux. Bien plus il y a dans mes veines du sang acadien et bon sang ne ment pas. Du côté de ma mère je descend en ligne directe de la grande famille acadienne des Vincent et je suis fier de cette origine. Comme vous le voyez, mon cher ami, je puis, à bon droit me réclamer des vôtres, et lorsque j’écris pour mes frères acadiens c’est une voie amie, la voix d’un des leurs qui leur parle le langage du cœur ou de la raison. Je n’ai pas la plume d’un Casgrain, ni l’éloquence d’un Thibault, mais j’ai le cœur d’un Acadien et c’est à titre de frère de la même famille que je me permets d’élever la voix dans votre journal, l’organe de tous les Acadiens vraiment dignes de ce nom. Quant à vous, mes chers amis, continuez vaillamment la lutte de chaque jour. Apprenez au peuple à aimer son pays, son foyer, sa religion, ses supérieurs. Apprenez-lui à vénérer le prêtre, et à garder intact le dépôt sacré du passé, le vieil honneur, la vieille fierté acadienne. Chs. A. Gauvreau.