Les Acadiens

Journal
Année
1905
Mois
7
Jour
13
Titre de l'article
Les Acadiens
Auteur
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Page(s)
3
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
Les Acadiens Le 15 août, 1905, sera une grande journée pour les Acadiens. C'est la date fixée pour la grande convention à Caraquet, N. B. Les Acadiens, petit peuple, abandonné, persécuté, se releve aujourd'hui avec fierté, toute en conservant ses mœurs, ses traditions et sa religion. L'histoire des Acadiens est belle, il n'y en a pas de plus belle. Les Acadiens veulent vivre comme frère avec les autres nationalités et ne demandent que leur place au soleil, comme toute race venue dans ce beau pays. Nous n'avons jamais voulu célébrer de supériorité sur les autres races, mais non plus pas d'infériorité. Cependant il est une sorte de charité qui ne se pratique pas assez chez nous, c'est celle de l'indulgence pour les fautes d'autres, c'est celle du silence envers ces mêmes fautes. Nous sommes tous sujets aux erreurs; nous avons tous nos défauts et nos faiblesses, pourquoi alors faut-il que nous soyons d'intraitables les uns envers les autres? Il y a manque de charité. Savez-vous d'où il parvient? De la jalousie. Tant qu'une personne est humble et pauvre, on lui pardonne assez facilement ses manquements et ses erreurs, mais si cette personne se décide un jour à vouloir faire sa marque dans le monde, à mettre au travail toutes ses facultés, et si le succès couronne ses efforts, alors il faut voir comme ses défauts sont étudiés, comme son passé est fouillé, analysé et condamné. Cette gloire achetée au prix de maintes nuits sans sommeil, ce succès remporté à force de concentration d'idées, dé persévérance et de foi, il faut les amoindrir. Il faut jeter un peu de boue sur tout ce mérite, il faut le diminuer, l'anéantir. Et pourtant s'il est une race qui a besoin d'union, c'est bien celle des Acadiens. Nous avons besoin pour progresser, s'améliorer et s'élever, d'une communion parfaite d'idées, de buts et d'aspirations et d'inspirations. Eh bien au lieu de s’unir et de s'aider mutuellement, 0n se déchire à belle dents, on se rivalise avec aigreur, on essaye de se monter aux dépens du voisin ou du confrère! On entre dans le commerce, par exemple, et au lieu d'avoir uniquement en vue l'idée de progresser, de se faire un nom d'homme d'affaire intègre, de se rendre utile il la communauté, on ne songe qu'à écraser un compétiteur, un compatriote! Le succès des autres nous fait mal au cœur, et il faut nuire à ce succès. Comme s'il n'y avait pas de places sous le soleil pour tous les succès et pour toutes les gloires! Et les armes dont on se sert pour cette œuvre néfaste de jalousie mesquine, sont la calomnie et la médisance. Le succès d'un autre qui devrait nous inspirer une ambition saine, un désir recommandable de s'améliorer, n'excite en général chez nous qu'un regrettable sentiment de basse envie ou de répréhensible jalousie. Cela est devenu chez les Acadiens un véritable défaut national contre lequel une croisade devrait être entreprise sans délai. Le 15 août nous chanterons nos gloires, religieuses et nationales, avec l'idée de nous en impressionner et de nous stimuler d'avantage à l'avancement de notre race. N'oublions pas, avant tout, de nous défaire du défaut qui nous courbe et nous arrière. Commençons la croisade le jour de la convention à Caraquet et vivons les uns pour les autres. En avant donc pour Caraquet, le 15 août. Le devoir nous y appel; répondons en foule.