Correspondance - replique à Mr. Frenchman

Journal
Année
1901
Mois
12
Jour
5
Titre de l'article
Correspondance - replique à Mr. Frenchman
Auteur
un Acadien
Page(s)
7
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
CORRESPONDANCE REPLIQUE A MR FRENCHMAN M. le Rédacteur Un petit espace, s'il vous plait en réponse à Mr. Frenchman. Foudre d'éloquence ! Impitoyable … qui inspire la muse de "Frenchman," qui descendant du Parnasse, comme une avalanche d'invectives grossières, s'est laissé choir dans les colonnes de l'Examiner de Charlottetown du 4 novembre, contre le correspondant de L'IMPARTIAL qui signe Petit François. Ayant attendu depuis pour la défense du correspondant de l'IMPARTIAL, je me suis dis : Comme "Frenchman" s'est -comme le loup de la fable—affublé de la peau de l'agneau, en se cachant dans les colonnes d'un journal qui a très peu d'abonnés à la campagne, il peut se faire que Petit François n'a pas eu l'honneur de lire le chef—d'œuvre d'éloquence sorti de la plume du scribe de l'Examiner. Comme il me semble qu'il serait douloureux de ne pas dire un mot à Frenchman sur son célèbre article. “A mean attack,” je vais donc hasarder quelques pensées au risque de me faire pulvériser. O tempora ! O difficiles nugae ! Le griffonneur de la feuille de Charlottetown, dans ses laborieux efforts, n'a enfanté que bêtises et bagatelles. C'est la montagne en travail donnant le jour à une souris! .... En disant, Mr. Frenchman, que l'article de Petit François blesse la société acadienne, vous faites de faux avancés, et parlez "ab hoc et ab hac ;" car personne ne s'est trouvé blessé que les créatures qui appartiennent à la combinaison, dont Frenchman fait sans doute parti. Un triste essai, dites-vous, que fait Petit François à imiter le langage des français illettrés. Je crois, moi, que l'essai a très bien réussi, mieux, j'oserais dire, que l'essai que fait son adversaire à "mimiquer" un langage emprunté, faute de pouvoir s'exprimer dans la langue que sa mère lui a léguée, ou bien qu'il renie et a honte de la parler. Pauvre Frenchman, quand on en est rendu à ce point, on ne devrait pas s'afficher en public et parler "ex cathedra" comme vous avez la hardiesse de le faire. Les instituteurs français, dites-vous, "ne sont pas injustement traités en vérité plusieurs peuvent attester, qu'en égard de leur zèle, le Bureau d'Education a jugé à propos, en maintes occasions, de dévier de la régle générale, etc." Ah! voilà de sublimes paroles que vous énoncez, et il est regrettable que vous soyez allé ensevelir une si belle pensée dans un amas d'annonces du journal dont vous vous êtes servi. Et encore, si vos avancés étaient réellement véridiques? Car si tel a été le cas, ces faveurs n'ont été accordées qu'à des partisans ; et encore ces instituteurs fortunés n'ont nullement d'hommages à offrir aux autorités, puisque celles-ci ne dispensaient que des deniers que les Acadiens, aussi bien que leurs compatriotes d'origine anglais paient annuellement, d'une manière ou d'une autre, au trésor public. Vous avancez que Petit François a émis l'idée que le gouvernement retranchait le salaire des instituteurs pour augmenter le salaire du surintendant. Selon moi, rien n'est plus faux qu'une telle interprétation de votre part. Sous ce rapport je ne vois rien qu'ait dit le correspondant de I'IMPARTIAL qui aille à justifier votre avancé. Si vous comprenez ce que vous lisez, prenez de nouveau la peine de lire "Our Ecoles Françaises," et vous verrez que votre idée est dénuée de vérité et veuve de charité. Mais, que dis-je? Peut-on s’attendre à autre chose de la part d’un individu du calibre de Frenchman? C’est comme me disait un homme qui en sait quelque chose : If he is a frenchman, he is a – poor one, I assure you. Et j’ose le croire. Si Petit François est instituteur comme vous dites et qu'il se soit plaint de la conduite du Bureau d'Education et du gouvernement, c'est qu'il était dans son droit, je n'en doute pas ; et il n'y a pas de doute que si Frenchman eut été servi tel que lui, il se serait également récrié. Mais il semble que tant que Mr. Frenchman sera bien rémunéré, lui, il s'occupe fort peu du traitement des autres. C'est abominble dites-vous, “de parler de paresse.” Nos instituteurs français ont toujours apprécié ses tendres paroles, et ses soins tout particuliers ainsi que son énergie. Oui, M. le surintendant, comme Principal du collège Prince de Galles, a travaillé, mais non outre mesure, à l'éducation de nos jeunes hommes ; mais ne semble-t-il pas qu'il était bien rémunéré avec un salaire de $1,200, sans compter le chauffage et un logement princier pour lui et sa famille? Depuis qu'il est devenu surintendant d'Education, n'est-il pas vrai qu'il a un salaire annuel de $1,500, et que le gouvernement lui accorde un clerc au montant de $800 par an, pour exécuter l'ouvrage qu'il peut y avoir à faire dans ce département? Pourquoi donc monsieur reçoit-il ce haut salaire s'il n'exécute pas lui-même l'ouvrage qui est à sa charge? Est-il seulement placé, dans cette position pour commander? Oh !alors c'est une tactique très peu économique ; et il n'est pas étonnant que la province se trouve à la veille de faire faillite : Mr. Frenchman apporte à l'appui de sa thèse : “nos belles écoles nos cours de jeux et même jusqu'aux vacances d'été, et dit que nos instituteurs français sont plus fortunés sous ce rapport que leurs confrères de race anglaise.” Assurément, Mr. Frenchman, vous avez écrit ces mots "curente calamo"? Avez-vous pensez à ce que vous disiez lorsque vous écriviez cela? Si vous y pensiez, oh alors ! on peut vite juger que vous êtes très ignorant de nous règlements d'écoles, ou bien que vous êtes disposé à sacrifier vos connaissances, votre nationalité, votre honneur, votre âme même—le don le plus précieux que Dieu a conféré à l'homme—pour supporter une cause où vous croyez y trouver quelques avantages personnels. Pleurez mes yeux, mes triste yeux, à la vue d'un tel état de chose ! Oui, laissez-moi vous le dire. Si, aujourd'hui, nous avons de belles écoles, de belles cours de jeux ; que nos instituteurs français reçoivent plus d'encouragement des contribuables, sous le rapport financier que leurs confrères de race anglaise, c'est aux généreux efforts de nos braves Acadiens qu'ils le doivent, ce qui démontre jusqu'à l'évidence que les Acadiens savent apprécier l'éducation à sa juste valeur et qu'ils sont disposés à seconder les efforts incessants des maîtres et maîtresses accadiens qui dirigent leurs enfants dans nos écoles. Si Voltaire a menti et qu'il en est resté quelque chose, comme vous le dites, il n'en sera pas ainsi de vos insinuations mensongères, Mr. Frenchman. Nos Acadiens ont assez d'intelligence pour voir que vous mentez pour vous faire flatter. Et encore, vous avez honte de vous montrer tel que vous êtes. Vous allez batailler à l'abri d'un drapeau qui vous est étranger. De quelque couleur que vous soyez, montrez-vous donc tel que vous êtes, et dites ou écrivez ce que votre cœur vous suggère à un organe qui est plus en rapport avec vous que ne peut l'être un journal anglais. Vous regimbez parce que Petit François dit que notre population française ne reçoit pas justice, tant en éducation qu'en bien d'autre chose. Voyons ce qui en est. Premièrement :—Dans nos districts d’écoles acadien, nous n’avons pas le nombre d'institutrices françaises requis pour remplir toutes les demandes, et dans plusieurs districts où il y a des écoles graduées, les commissaires sont contraints d'engager des instituteurs de 3me classe comme assistants dans le département primaire. Ces instituteurs reçoivent-ils le plein salaire que leur garantit leur licence? Non. On ne leur paie que le salaire qu'on accorde aux filles, et vous le savez très bien. Mr. Frenchman. Ainsi, sous ce rapport, lorsque vous entreprenez de justifier les autorités qui privent ainsi les instituteurs d'une partie de leur légitime salaire, vous supportez une cause qui est loin de vous faire honneur. Deuxièmement :—N'est-il pas vrai que les candidats français qui ont subi leur examen pour licence de 1re ou 2me classe, cette année, n'ont pas été jugés sur le même pied que ceux de race anglaise? Tout candidat français qui s'est trouvé sous le minimum de points pour la classe à laquelle il aspirait, n’a-t-il pas été jugé à recevoir une licence de 3me classe, tandis que les candidats de nationalité anglaise qui se sont trouvés dans le même pétrin ont reçu le diplôme pour lequel il travaillaient? Appelez-vous cela donner justice, Mr. Frenchman? Troisièmement. —N'est-il pas vrai qu'après la mort de feu le sénateur Arsenault, lorsqu'il a fallu le remplacer, cette position qui de droit appartenait à un des nôtres est encore passée à l'élément anglais et qu'on a eu la perfidie de crier que pas un acadien avait la compétence de remplir la position? Quatrièmement : N'est-il pas vrai qu'on a eu recours à toutes les intrigues imaginables pour empêcher la promotion de M. Stanislas Blanchard, un de nos Acadiens les plus en vue, à une position qu'il saurait remplir de manière à se faire honneur à lui-même, à ses nationaux et à la société en général? Appelez-vous cela de la justice, Mr. Frenchman? Et que sais-je encore? A quoi bon d'en divulguer davantage? N'en est-ce pas assez pour démontrer que nos droits sont méconnus? Et qui va les revendiquer, si nous ne les revendiquons nous-mêmes? Serait-ce le scribe de l'Examiner, qui tout en voulant poser comme Acadien adopte un nom de plume anglais et hait trop sa nationalité pour faire imprimer ses belles pensées dans un journal français? Oh ! triste état de chose que de voir quelqu’un des nôtres s'assimiler ainsi à un élément étranger pour se faire flatter. Vous dites que Petit François n'est pas un véritable français. Pourtant, il est assez français pour se servir des colonnes d'un journal français lorsqu'il veut exprimer ses pensées. Oui, soyons sur nos gardes comme le disait l'article de fond de l'IMPARTIAL, il y a quelques semaines. En effet soyons prudents, car il y a toujours des traitres parmi nous et en vérité, Mr. Frenchman me parait en être un nombre. Vous remerciant, d'avance, M. le Rédacteur, de l'espace que je vous demande dans vos colonnes, et en disant courage et au revoir à Mr. Frenchman, je me souscris. Votre dévoué UN ACADIEN Charlottetown Ce 23 Nov.1901.