Parlons français

Journal
Année
1901
Mois
5
Jour
30
Titre de l'article
Parlons français
Auteur
H.M.
Page(s)
7
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
PARLONS FRANCAIS Sous l'administration de sir Charles Bagot, en 1842, le portefeuille de procureur général fut offert à sir H. Lafontaine par le premier ministre Draper. Lafontaine refusa net cette offre alléchante parce que le ministère Draper ne voulait pas rétablir officiellement l'usage de la langue française dans les chambres. Au début de la session de 184[chiffre illisible], M. Lafontaine prononça un discours rempli de dignité. M. Dunn lui avait demandé de parler en anglais, il répondit ainsi : "L’honorable membre, qu'on nous a souvent représenté comme un ami de la population française, a-t-il oublié que j'appartiens à cette origine si horriblement maltraitée par l'acte d'union? Si c'était le cas, je le regretterais beaucoup. Il me demande de prononcer dans une autre langue que ma langue maternelle le premier discours que j'ai à prononcer dans cette chambre! Je me défie de mes forces à parler la langue anglaise. Mais je dois informer l'honorable membre, les autres honorables membres et le public du sentiment de justice auquel je ne crains pas d'en appeler, que quand même la connaissance de la langue anglaise me serait aussi familière que celle de la langue française je n'en ferais pas moins mon premier discours dans la langue de mes compatriotes Canadiens français, ne fut-ce que pour protester solennellement contre cette cruelle injustice de cette partie de l'acte de l'Union qui tend à proscrire la langue maternelle d'une moitié de la population du Canada. Je le dois à mes compatriotes, je le dois à moi-même." Voilà le franc parler de nos ancêtres. Ils comprenaient qu'un peuple qui ne sait pas conserver sa langue n’est pas loin de disparaître. Il faut parler français dans nos familles et dans toutes nos relations entre Canadiens-français. La nécessité seule doit nous forcer à nous servir d'une langue étrangère. Malheureusement, on exagère cette nécessité : dans bien des circonstances on veut faire parade de son savoir; et c'est ainsi qu'on entend des fils et des filles de bonne familles parler l'anglais avec leurs amis dans les réunions intimes ou sur la rue. Dans certaines familles canadiennes-françaises, la langue anglaise est en usage quotidien. Qu'on veuille bien méditer le trait de générosité de sir H. Lafontaine, que nous citons plus haut. H. M.