Français, Marchez Ensemble

Journal
Année
1900
Mois
9
Jour
6
Titre de l'article
Français, Marchez Ensemble
Auteur
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4
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Français, Marchez Ensemble Les Français doivent être unis. De fortes raisons nous invitent à marcher d'un commun accord. D'abord, nous avons l'exemple que nous ont montré nos pères, qui, malgré tous les mauvais traitements qu'ils ont eu à subir, ont toujours marché ensemble et souffert héroïquement les plus grandes adversités pour conserver leur foi, leurs coutumes et leur nationalité. Nous sommes leurs descendants; nous habitons cette terre chérie qui les a vu naître et qui est le berceau de nos espérances. Nous appartenons à cette même religion qu'ils nous ont enseignée et que nous l'observons avec cette foi et cette piété qui caractérise l'Acadien. Pour ces raisons, nous devons marcher ensemble et ne jamais laisser échapper une seule occasion de revendiquer nos droits. Nous ne devons pas perdre de vue que malgré que nous soyons placés sur un pied d'égalité avec les autres nationalités qui nous entourent, quoique nous ayons droit aux mêmes privilèges qu'eux, il se trouve toujours des esprits étroits entichés de bigoterie, qui prétendent toujours nous ignorer et ne se lassent jamais de proclamer au grand jour l'idée folle et insultante que nous leur sommes inférieurs, quoique l'expérience de tous les jours démontre que nous sommes leurs égaux sinon leurs supérieurs. C'est pourquoi, nous le répétons, soyons unis et ne négligeons jamais de réclamer nos droits en tout et pour tout. Voyons les Irlandais; voyons les Ecossais; voyons les Anglais, et constatons de quel œil jaloux ils tiennent à leurs nationalités. Nous devons les en féliciter. Pourquoi donc n’en ferions-nous pas autant? L'union fait la force : belle devise qui doit être mise en pratique par ceux qui désirent se faire entendre et se faire respecter. Mais quelqu'un nous dira : c'est inutile, nous vivons au milieu d'autres nationalités et nous sommes traités comme nous le méritons. Nous sommes presque convaincus de la justesse de cette remarque. Nous sommes traités comme nous le méritons : maltraités trop souvent, parce que nous sommes divisés entre nous. Tâchons donc de nous supporter les uns les autres, et agissons de manière à faire comprendre à ceux qui vivent de nos deniers que nous comptons pour quelque chose et que nous avons droit aux mêmes considérations qu'eux. Deux incidents entre mille, de date récente, vérifient ce que nous venons de dire. Au cours d'une grande démonstration, un de nos hommes publics du haut de l'estrade disait : "Que nous soyons les fils de l'Écosse; que nous soyons les fils de l'Angleterre, nous devons nous rappeler que nous sommes les descendants des trois plus nobles nations qui marchent sur le sol de cette balle province." De telles expressions tombant des lèvres de personnes qui dépendent en grande partie de notre support pour les maintenir en position ne suffisent-elles pas pour nous convaincre que nous ne sommes considérés par ces fanatiques que comme des parias, des esclaves, des gens qui doivent endurer toutes sortes d'insultes et ne se prononcer que quand il s'agit de faire parvenir ces esprits orgueilleux et intolérants à des positions lucratives? Pourtant, nous sommes 12,000 Acadiens dans cette belle province; nos pères ont été les premiers à défricher le sol de cette belle province; nous contribuons notre part au soutien de l'église et de l'Etat dans cette belle province. Citons encore un autre exemple, où l'insulte à notre adresse ne cède en rien à celle qui précède. Un monsieur haut placé dans la société nous lançait en pleine figure ce qu'il pense des français ne croyant pas qu'il s'adressait à un français. Lui ayant fait remarquer qu'il n'est pas trop difficile d'apprendre le français, il répondit : "J'en ai eu assez des français à Québec." Ce cher monsieur songe-t-il que les 12,000 Acadiens de l'Ile du Prince Edouard contribuent annuellement à son maintien? Qu'il y réfléchisse. Ces faits que nous venons de relater sont insignifiants, nous dira-ton. Peut-être, mais tout de même, ils sont significatifs. On reconnaît toujours d'où souffle le vent par le virement de la girouette.