Fausses Impressions Faux Rapports

Journal
Année
1899
Mois
9
Jour
7
Titre de l'article
Fausses Impressions Faux Rapports
Auteur
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Page(s)
4
Type d'article
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Contenu de l'article
Fausses Impressions Faux Rapports Comme nous le disions la semaine dernière, il a paru dans le "Montréal Star" il y a quelques semaines, à regard des Acadiens de l’Ile du Prince Edouard, le compte rendu d'une entrevue qui porte l'empreinte de tant d'absurdités, que nous ne saurions passer outre sans les relever. Il parait qu'un M. Leblanc, député de Laval, Québec, est venu sur notre île, cet été; qu'il a visité Rustico, et que pendant son séjour dans cette paroisse, il a obtenu sur le compte des Acadiens des renseignements assez curieux qu'il a livrés à la publicité à son retour dans ses foyers. Nous sommes toujours heureux de voir arriver quelqu'un de nos amis canadiens au milieu de nous. Ces touristes sont toujours les bienvenus; mais, de grâce, nous leur demandons de ne pas s'exposer à la merci de blagueurs qui ne semblent être dans leur élément que lorsqu'ils peuvent inventer quelque racontar à notre détriment. Le touriste qui nous visite, qu'il comprenne ou qu’il ne comprenne pas l'anglais, peut toujours obtenir à notre égard les informations qu'il désire de sources certaines et exemptes de préjugés, et il ne devrait pas permettre à un individu ont à une classe d'individus de l'induire en erreur. Les Acadiens de l’Ile du Prince Edouard ont parmi eux des hommes qui peuvent toujours fournir aux étrangers des renseignements justes sur l'état de leurs compatriotes. Ils ont leurs prêtres, leurs avocats, leurs médecins, leurs marchands, leurs législateurs, sans mentionner les fermiers et les pêcheurs. Telles sont les sources où le touriste doit puiser ses informations lorsqu'il s'agit de nous. Il parait que M. Le Blanc ne s'est pas dirigé de ce côté, mais a été recueillir ses informations de gens qui semblent toujours se faire un devoir de nous déchirer à belles dents; de là, le tas d'absurdités qu'il s'est plu à faire passer dans les colonnes du Star. Notre touriste dit d'abord qu'il a trouvé les Ecossais et les Français vivant dans une parfaite harmonie. Quelle précieuse découverte! M. Blanc s'imaginait-il qu'il venait dans une paroisse qui n'était pas civilisée, quand il est venu à Rustico? D'ailleurs, il est assez facile pour n'importe quelle autre nationalité de vivre en harmonie avec les Ecossais qui font partie de la paroisse de Rustico – leur nombre étant de quatre ou cinq familles au plus. Ensuite notre visiteur canadien est informé que les Acadiens sont bien inférieurs aux Ecossais sous le rapport de l’agriculture et que depuis quelque temps “l’on avise sérieusement aux moyens d’améliorer leur sort.” C’est affreux! C’est un véritable libelle contre nos Acadiens. Nous pouvons assurer à M. Leblanc que les Acadiens de Rustico qui poursuivent l'agriculture le font avec autant et même plus de succès que les Ecossais. Nous pourrions nommer des Acadiens dans Rustico aussi bien que dans toutes les autres parties de l’ile, que les Ecossais feraient bien de prendre pour modèles dans l'art de cultiver la terre. Plus loin, M. LeBlanc fait dire au Star que les Acadiens parlent le français "fairly well", et que pour bien des années ceux qui désiraient faire instruire leurs enfants étaient obligés de les envoyer au Nouveau- Brunswick, et à la Nouvelle-Ecosse. Maintenant si M. Le Blanc donne cet avancé de son gré, nous excusons son ignorance sur les circonstances, mais s'il ne fait que rapporter ce que lui a dit l'auteur de ses autres informations, alors, c'est un mensonge délibéré, c'est une insulte grossière. Depuis près de quarante ans nous avons nos couvents, et que M. LeBlanc apprenne que les premières institutions de ce genre dans l'ile ont été dans des paroisses acadiennes, et qu'au lieu d'envoyer nos jeunes filles aux couvents du Nouveau-Brunswick, les demoiselles de cette province entraient dans les couvents de l'ile, lorsque ces institutions n'existaient pas encore chez elles. M. Le Blanc dit aussi qu'on l'a informé que le français est enseigné d'une manière très inférieure à l’école normale. Cet étrange visiteur aurait mieux fait d'aller s'assurer, lui-même, avant de dire au reporter du Star des choses si loin de la vérité. Là, il aurait rencontré notre inspecteur des écoles françaises, M. J. Oct Arsenault, qui lui aurait parler français, en français, et que nous n'aurions pas honte de comparer avec aucun inspecteur français de la province Québec. Il aurait dit aussi visiter les écoles françaises de Rustico. Au collège St. Dunstan, dit-il, le français n'y est pas enseigné du tout. Cette dernière couronne toutes les autres platitudes de M. Le Blanc. Un trait digne de remarque qui ressort au milieu des innombrables absurdités, de M. Le Blanc, c'est qu'il a rencontré à Rustico, une vieille dame acadienne âgée de 82 ans, qui n'a jamais quitté l’ile mais qui parle la langue de Racine et de Fénelon avec grâce et pureté. N'est-ce pas extraordinaire que cette vieille dame qui n'est jamais allée hors de son village parle si bien le français, tandis que les autres acadiens avec leurs couvents, leurs écoles, le parlent si mal. En vérité, ce que M. LeBlanc fait dire au Star est presque aussi comique qu'absurde. Comme nous l'avons dit au commencement nous sommes toujours très heureux de voir nos amis canadiens, mais, nous les en prions, qu’ils ne nous les mettent pas sous un faux jour à leur retour, en s'imaginant que nous ne relèverons pas leurs erreurs. M. le Blanc ferait mieux de revenir, sans délai et d'aller consulter quelques uns de nos Acadiens qui pourraient le mettre sur la voie de corriger les fausses impressions qu'il a fait paraitre dans le grand journal anglais, protestant, de Montréal.