Correspondance

Journal
Année
1898
Mois
2
Jour
24
Titre de l'article
Correspondance
Auteur
un Acadien
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
CORRESPONDANCE. M. le Rédacteur, Il paraît que la langue française n’est pas encore prête à se faire enterrer. L’agitation qui se produit de ce temps ci montre bien que l’époque du “mastodonte” est bien éloignée pour elle. Au contraire il semble que la langue française acquiert des forces nouvelles, gagne des nouveaux admirateurs à mesure que les siècles se succèdent. Comme la papauté dont parle Lord Macaulay, la langue française “remains, not in decay, not a mere antique, but full of life and youthful vigor.” Laissez moi vous donner quelques nouvelles du progrès de la langue française dans ce coin reculé du Cap-Breton. Il y a ici un groupe de français d’environ 5000 âmes distribuées en trois paroisses—Chéticamp, Moine, et Magrée. Dans les deux premières où il y a eu des prêtres français depuis longtemps, le français est bien conservé. Bien plus, on rencontre plusieurs familles irlandaises qui ne parlent que notre langue. Si quelqu’un a encore des doutes sur l'avantage qu’il y a pour nous d’étudier d’abord notre langue puis la langue anglaise, il n’a qu'à nous rendre visite. Il trouvera ici une population française pour laquelle l’étude des deux langues a été un avantage temporel et spirituel. Il trouvera ici quinze écoles où le français est enseigné, et il constatera que toutes ces écoles sont tenues par des Acadiens de la place. S’il prend la peine de s’en informer, il apprendra qu’un assez quand nombre d’instituteurs acadiens sont à enseigner dans d’autres parties de la province, et qu’un certain nombre sont entrés dans différentes branches de commerce ou sont établis dans leurs paroisses. Il sera peut-être surpris d'apprendre encore que nos conseillers municipaux, hommes de grande intelligence, sont français, et que notre représentant à la chambre locale est aussi un français d’un grand mérite. S’il doute encore, qu’il veuille bien converser on peu avec nos gens, et' il verra qu’ils sont plus intelligents, qu'il prennent un intérêt plus vif aux questions d’ordre public, qu’aucun autre groupe d’Acadiens où le français n’est pas pareillement enseigné. Qu’il se rendre ensuite à l’église, et il deviendra un défenseur de la conservation de notre langue. Il verra là un peuple pieux et instruit dans sa religion vibrer sous l’accent de la parole d’un curé qui parle leur langue. Il constatera que le peuple aime son curé et que le curé l’aime, et que de ce mutuel estime la religion retire un avantage immense. Il avouera enfin que, selon la parole de Mgr. Freppel parlant des Polonais, il n’y aurait “pas d’évènement plus funeste pour l’Eglise Catholique que la ruine de la nationalité” acadienne. UN ACADIEN. Chéticamp, C.B., le 14 février, 1898.