l'Épiscopat d'Halifax et l'éducation des Acadiens

Journal
Année
1896
Mois
2
Jour
27
Titre de l'article
l'Épiscopat d'Halifax et l'éducation des Acadiens
Auteur
Placide P. Gaudet
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
L’EPISCOPAT D’HALIFAX ET L’ÉDUCATION DES ACADIENS. Jusqu’au printemps de 1817, le territoire qui forme aujourd'hui l'archidiocèse d'Halifax faisait partie du vaste diocèse de Québec, qui s’étendait depuis l’Acadie jusqu'aux Illinois. A une séance de la Sacrée Congrégation, tenue à Rome, le 19 mai 1817 les cardinaux décidèrent définitivement de nommer le curé d'Halifax, l'abbé Edmund Burke, vicaire apostolique de la Nouvelle Ecosse avec titre et caractère épiscopaux, et leur décision fut soumise au Souverain Pontife qui l’approuva. Le 26 juillet 1817, le préfet de la Propogande écrivit à l'abbé Burke pour lui annoncer l'intention du Pape d'ériger le vicariat de la Nouvelle-Ecosse qui relevait directement du Saint Siège—et de le nommer évêque de Sion et vicaire apostolique de cette contrée. Lorsque les bulles qui autorisaient le sacre de messire Burke arrivèrent à Halifax, celui-ci jugea la saison trop avancée pour se rendre à Québec; et, ce n'est que le 5 juillet 1818 qu’il reçut la consécration épiscopale es mains de Mgr Plessis, dans la ville de Champlain. Deux ans et quatre mois plus tard, Mgr Burke expirait à Halifax le 29 novembre 1820 à l’âge de 67 ans. La Cour de Rome fut lente à lui nommer un successeur. Enfin, le 24 juin I827, le Très Révérend William Fraser, originaire d'Ecosse, fut sacré évêque de Tanes et vicaire apostolique de la Nouvelle-Ecosse. Mgr Fraser garda ce titre jusqu'au mois de janvier 1842. Le document suivant qui est tout à fait inédit nous montre que peu de temps après son arrivée au pays, Mgr Fraser alla prendre sa résidence chez ses compatriotes à Antigonish. Il est extrait des registres de l’église de Ste-Anne du Ruisseau, comté de Yarmouth. Voici: “Monseigneur William Fraser, évêque de Tanes et vicaire apostolique en la Nouvelle-Ecosse, est venu le 23 juillet 1830 en la mission de Ste-Anne d’Argyle, pour y faire sa visite et y administrer le sacrement de confirmation. Il y est resté jusqu’au 26, qu’il en est parti pour se rendre à la mission de St. Pierre de Pubnico, où il a donné la confirmation et en est parti le 28 pour revenir à Ste Anne. Il a laissé Ste Anne le 30 pour retourner à Antigonish, lieu de sa résidence. (signé) “J. Rte. Morin, ptre mis.” Au mois de janvier 1842, Halifax fut érigé en diocèse et Mgr Fraser en fut le premier évêque avec Mgr Walsh pour Coadjuteur. Le Très Révérend William Walsh naquit le 6 novembre 1804 à Waterford (Irlande), et fut ordonné le 25 mars 1828 à l’âge de 23 ans et quatre mois. Au mois de janvier 1842, le Saint Siège le nomma coadjuteur de l’évêque d’Halifax (Mgr Fraser) avec droit de succession. Mgr Walsh fut consacré le 1er mai 1842 par Mgr Murray, archevêque de Dublin, et arriva à Halifax le 16 octobre de la même année. Quand le diocèse de Halifax fut divisé—le 21 septembre 1844,—Mgr Fraser devint évêque d’Arichat et Mgr Walsh administrateur apostolique à Halifax. A son retour de Rome, le 17 juillet 1845;—où il s’était rendu dans le cours de l’année précédente—Mgr Walsh prit possession du siège épiscopal d’Halifax en qualité d’administrateur apostolique. Les bulles à cet effet furent lues par l’abbé Thomas L. Connolly—devenu dans la suite archevêque—et quelques mois plus tard Rome nommait Mgr Walsh, évêque d’Halifax. Le 4 mai 1852 le diocèse d’Halifax fut érigé en archevêché et le même jour Mgr Walsh en fut préconisé le premier archevêque. Le Dr. Walsh fut investi du pallium le 1er mai 1853 des mains de Mgr Thomas L. Connolly, alors évêque de St Jean, N. B., et il est mort à Halifax le 10 août 1858, à l’âge de 54 ans. La nomination de Mgr Fraser au siège laissé vacant par la mort de Mgr Burks semble avoir désappointé les Irlandais; car, tout naturellement ils s’attendaient que le nouvel évêque serait encore un fils de la Verte Erin. Leur froissement s’accentua, quand, à son arrivée au pays, l’évêque de Tanes alla prendre sa résidence à Antigonish parmi les Ecossais, ses compatriotes. Pour calmer les esprits le Saint Siège érigea Halifax en diocèse en 1842, avec Mgr Fraser pour évêque et Mgr Walsh pour coadjuteur. Mais cela n’eut pas le but désiré et le mécontentement continua à régner à Halifax..Or, Mgr Walsh, que cet état de choses attristait beaucoup, résolut de se rendre à Rome pour tâcher d’y porter remède. Mais avant son départ Sa Grandeur écrivit une longue et belle lettre à l’abbé Sigogne pour lui demander son intercession dans cette délicate affaire. L’apôtre de la baie Ste-Marie répondit qu'étant sur le bord de la tombe il désirait finir paisiblement ses jours et ne voulait pas se mêler à ce différend. Ceci se passait au commencement de l'année 1844, et peu de temps après Mgr Walsh s’embarquait pour la Ville Eternelle. Ses démarches eurent pour résultat l’érection de nouveau diocèse d’Arichat, le 21 septembre 1844, et Mgr Fraser y fut transféré. On a vu que Mgr Walsh fut alors nommé administrateur apostolique du diocèse d’Halifax et évêque du même diocèse l’année suivante. Le passage suivant d’une lettre du premier archevêque d’Halifax à l’abbé William McLeod, ancien curé de Meteghan et de Pubnico, semblerait indiquer que Mgr Fraser évitait de visiter Halifax. Cette lettre est datée d’Halifax, le 4 septembre 1840. Voici : “Le Dr Fraser nous a encore désappointés après une si longue attente et après tant de promesses. Je fus tout a fait désappointé de ce qu’il ne vint pas durant le séjour du Dr Hughes (évêque de New York) et je serais allé avec lui à New York où j'ai quelques affaires à transiger pour quelque temps, mais contre l’espérance j’espère encore en l’arrivée de l’évêque d’Arichat.” Mgr Fraser mourut en octobre 1851 et il eut pour successeur le Très Révérend Colin Francis McKinnon, qui fut sacré à Halifax le 27 février 1252 Cette imposante cérémonie fit disparaître la froideur qui existaient entre les Ecossais et les Irlandais comme le prouve le passage suivant d’une autre lettre inédite de Mgr Walsh à messire McLeod à la date du 15 mars 1852 : “La consécration du Dr McKinnon a été sous tous les rapports la plus grande cérémonie que l’on ait vue dans ces parages. La fusion des Ecossais et des Irlandais était tout ce qu’un bon catholique pouvait désirer, et rien ne pouvait égaler l’empressement des derniers à complimenter les premiers.” Des cinq éminents prélats qui ont précédé Mgr O’Brien au siège d’Halifax, Mgr Walsh est certainement celui qui c’est montré le plus sympathique et le plus grand ami du petit peuple acadien. Comme Mgr O’Brien il s’est aussi occupé à connaître l’histoire des exilés et des victimes de 1755. J’ai sous les yeux, en écrivant ces lignes, an petit opuscule en français intitulé : Mandement de Mgr l’Archevêque d’Halifax aux Acadiens. Ce beau document épiscopal fut écrit et imprimé en France au printemps ou à l’été de 1855, cent ans après l’expulsion des Acadiens. En voici un passage : “Quand dernièrement, nous avons eu le bonheur de visiter la Ville-Eternelle, de répandre du fond du cœur nos prières ferventes devant le tombeau des Apôtres pour tout notre cher troupeau, et d’assister à ces glorieuses cérémonies [celles de la proclamation du dogme de l’immaculée Conception, le 8 décembre 18-54. Pl. P. G.] qui rendront l’année ni s’est écoulée à jamais mémorable dans les annales de l’Eglise, nous n’avons pas oublié de raconter au Père commun des fidèles l'histoire touchante et édifiante de ses enfants, les Acadiens, et de lui faire connaître leur constante soumission à ce trône apostolique sur lequel est assis le Vicaire de Jésus Christ sur la terre. Faut-il que nous ajoutions que son cœur paternel a été ému au récit de tant de souffrances et tant de foi ? Faut-il que nous déclarions que le vénérable Pie IX, notre très- Saint-Père en Jésus-Christ, nous a accordé avec la plus grande bonté et le plus grand empressement toutes les faveurs et tous les privilèges spirituels que nous avons cru devoir solliciter humblement pour vous-mêmes, pour vos enfants, vos autels, vos églises et vos cimetières ! Nous espérons pouvoir, sous peu, vous parler en personne de toute l’affectueuse sollicitude du successeur de Pierre, et nous donner, selon son propre désir, cette mystérieuse bénédiction qui ne vient jamais en vain du cœur et des lèvres du prince des apôtres. “Cependant, nous vous exhortons avec instance à vous montrer dignes de votre sublime vocation et de votre glorieuse origine. Que la fête que vous avez célébrer en souvenir des cruelles souffrances de vos pères, de leur constance inébranlable et de leur foi ardente, vous attire les plus précieuses grâces du Ciel, et soit le commencement d’une nouvelle ère de progrès spirituels, afin que ceux qui ont le malheur d’être morts obtiennent la vie de la grâce, et que ceux qui vivent déjà par la foi aient cette sainte vie en plus grande abondance, et avancent de jour en jour vers cette perfection à laquelle nous : sommes appelés par notre Père céleste, qui est lui-même l’essence de toute perfection.” PLACIDE P. GAUDET. (A suivre)