Une nouvelle histoire de l'Acadie

Journal
Année
1894
Mois
8
Jour
30
Titre de l'article
Une nouvelle histoire de l'Acadie
Auteur
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Page(s)
2
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UNE NOUVELLE HISTOIRE DE L'ACADIE L’histoire de l’Acadie a déjà été contée bien des fois; de nombreux livres ont été écrits sur les malheurs et les infortunes de cette pauvre provinces; plusieurs écrivains, et non des moins illustres, se sont essayé à faire revivre par la plume les premières années de la colonie qui avait donné le jour à la belle et douce Evangéline. Et cependant de toutes ces histoires, aucune n’est complète, et nous dirons même plus, il n’y en a pas une qui ne soit exempte d’inexactitude et même de partialité. Ecrire l’histoire d’un peuple, d’un pays est en effet une des tâches les plus difficiles à remplir et qui dépend tout autant du caractère de l’historien que de son talent; ainsi ne voyons-nous pas tous les jours des faits racontés différemment par des personnes qui toutes en ont été témoins; comment en serait-il autrement quand ces personnes appartiennent à des époques, à des milieux et même à des nationalités différentes et qu’elles n’ont pour se guider que les écrits laissés par des ancêtres qui ne sont pas davantage d’accord sur ce qu’ils racontent. C’est pourquoi le douloureux drame qui se passa dans cette province peu d’années après la cession qui en fut faite à l’Angleterre par la France, attendait il y a peu de temps encore l’historien dont l’intégrité et le talent en feraient admettre en quelque sorte le récit comme véridique par tout le monde. Cet historien, c’est Monsieur E. Richard, un ci-devant membre de la chambre des communes, autrefois associé de l’hon. Monsieur Laurier, et plus récemment fonctionnaire dans le Nord-ouest. M. E. Richard, qui est un acadien, se trouverait mieux que tout autre avantageusement placé pour recueillir ce que ses devanciers avaient écrit, pour comparer leurs histoires avec la tradition, pour vérifier pour ainsi dire sur place l’exactitude des faits dont le souvenir est conservé par les archives, en un mot pour écrire une histoire véridique de l’Acadie; en même temps ses capacités bien connues, son talent et son grand caractère nous sont une garantie de la valeur et de l’impartialité de son ouvrage. Cet ouvrage se compose de deux volumes et traite de l’histoire de l'Acadie, particulièrement de ce qui a rapport à 1’odieuse expulsion des Acadiens de leurs demeures. Cette ancienne et sans cesse nouvelle histoire pleine de récits poignants est racontée par M. E. Richard d’une façon quelque peu différente de celle de M. Parkman; M. Richard ne pense par qu’il fût nécessaire d’arracher les Acadiens à leurs foyers et de les exiler d’un pays où ils s’étaient fixés les premiers; il ne pense pas davantage qu’ils méritaient un si cruel traitement digne des temps les plus barbares de l’humanité. Il ne blâme pas le gouvernement anglais pour cette inhumaine mesure, mais en fait remonter la responsabilité seulement aux anglais de la colonie et au gouverneur de la Nouvelle-Ecosse Tous les Acadiens, au moins ceux qui peuvent lire l’anglais, connaissent aujourd’hui le beau poème de Longfellow Evangéline; en quels accents le poète a rendu cette histoire si triste; que de nous à la lecture des maux, des souffrances et des tortures de toutes sortes endurées par les habitants de la terre d’Evangéline n’a senti ses yeux se mouiller de pleurs; nous les plaignons de tous cœur ces acadiens héroïques qui souffrirent si innocemment et nous maudissons les infâmes calomniateurs qui par leurs mensonges attirèrent sur la tête de ces Français le plus terrible des châtiments. D’autres que Longfellow ont écrit des histoires de l'Acadie, Haliburton, Hannay, Gouverneur Archibald, l’abbé Casgrains, Rameau de St. Père et le Sénateur Poirier; toutes sont de grand intérêt et ont toujours excité une grande curiosité Aussi, croyons-nous que la nouvelle histoire écrite par M. Richard rencontrera le plus chaleureux accueil. M. Richard, en effet, s'est aidé de documents que ses prédécesseurs ne pouvaient se procurer, comme par exemple d'un grand nombre d’originaux, de lettres et de rapports; et aussi des nombreux manuscrits que l’on déterre chaque jour et qui vont continuellement en augmentant. Aussi avec l’abondance des renseignements sur cette matière, est-il possible aujourd'hui pour un partial historien de faire un grand plaidoyer en faveur de l’Acadie ou contre l’Acadie, et pour un écrivain ayant une juste notion des besoins de l’histoire, y a t-il là occasion pour lui d’écrire un plus complet et plus juste récit que ceux qui ont paru jusqu’à ce jour. Nous espérons que ce sera là le cas de M. E. Richard.