Nouvelles de la Baie Sainte-Marie

Année
1884
Mois
8
Jour
14
Titre de l'article
Nouvelles de la Baie Sainte-Marie
Auteur
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Page(s)
2
Type d'article
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Contenu de l'article
Nouvelles de la Baie Sainte-Marie Les rapports qui nous arrivent de la Nouvelle-Ecosse et particulièrement de la Baie Sainte-Marie sont très favorables. Les récoltes promettent un excellent rendement. Les patates sont belles comme on les a rarement vues, et le foin, qui est en partie coupé et engrangée, ne le cède guère aux meilleures années. D’un autre côté, la pêche, celle du maquereau surtout est abondante. Des goélettes américaines en seinent 150 et jusqu’à 250 barils par jour; pendant qu’à la ligne il n’est pas rare de voir deux pêcheurs partis le matin, revenir le soir avec huit et dix barils dans leur bateau. Or avec le marché de Boston à leur porte, comme ils l’ont, cette abondance de poisson–et nous ne parlons pas de la morue et du hareng qui sont communs aussi dans la Baie–est, pour les habitants de Clare, une véritable moisson d’or. La Baie Sainte-Marie, qui comprend les paroisses françaises de Saint-Bernard, l’anse des Belliveau, Grosses-Coques, la Pointe de l’église, Saulnierville, Meteghan, Chéticamp, et la Rivière-aux-Saumons, est un des plus beaux endroits de toute l’Acadie. M. Pascal Poirier, qui en arrive, en est tout enchanté. La culture des terres s’y fait sur une petite échelle mais bien. Les cultivateurs sèment et plantent un peu, mais les terrains sont bien préparés et donnent un rendement considérable. Les moissons faites, les cultivateurs se transforment sans effort en habiles pêcheurs et quelques uns en navigateurs de long cours. Il n’est pas rare de rencontrer là un Français qui, laissant la récolte qu’il vient de sauver, s’embarque sur une grande goélette, voire même sur un navire, dont il est à la fois le pilote, le capitaine et le propriétaire. Ce navire, de plus, a été construit de ses mains. Tout le monde, à la Baie Sainte-Marie, est constructeur de navire, marin et cultivateur. Mais, contrairement à ce qui se fait parfois ailleurs, c’est à la terre qu’on revient de préférence : si la pêche est mauvaise, si le cabotage ne rapporte guère, la terre est là qui fournit à la famille son pain de l’année. Seulement ce pain–comme dirait Jos. Prud’homme–ce sont des pommes de terre. On ne sème pas de blé sur les côtes de la Baie–les brûmes l’empêchent de bien mûrir. Quelle hospitalité franche et ouverte que celle des braves Acadiens de Clare! Pour un étranger l’abord est parfois réservé, difficile même. Cela est dû à ce que de misérables escrocs, des chevaliers d’industrie gautés, soi-disant venus de Shédiac mais sortis d’ailleurs, les ont trompé à plusieurs reprises, ont profité de leur générosité pour les duper. Ils sont sur leurs gardes maintenant, et ils ont parfaitement raison. Cependant, depuis que le Nouveau-Brunswick, le Canada et l’Ile du Prince-Edouard, leur envoient des négociants, des médecins, et des maîtres d’école comme il faut–et le Collège de Memramcook seul leur a fourni un bon nombre–cette défiance disparaît. Un peu plus de rapports suivis entre eux et les autres groupes acadiens, une convention générale tenue chez eux, par exemple, et cette défiance, ces préjugés disparaîtront. A propos de convention générale, il n’est pas probable qu’il vienne un grand nombre de Français de la Baie Sainte-Marie à Miscouche cette année. Le trajet est long et coûteux, à cause du bateau qui ne traverse que trois fois par semaine de Digby à Saint Jean. Le voyage durerait au moins huit jours, et huit jours c’est beaucoup pendant la saison des foins. Nous qui sommes sur les bords du Golfe nous pouvons y aller et revenir dans la moitié moins de temps. Au lieu d’envoyer un grand nombre de délégués à Miscouche, ils vont, paraît-il, célébrer l’Assomption dans chaque paroisse acadienne et passer des résolutions de sympathie et de fraternité, qu’ils télégraphieront à leurs frères assemblés en convention générale. Ce qu’il y a de certain, c’est que les Acadiens de Clare sont demeurés Français, qu’ils sont aussi Acadiens que n’importe quel autre groupe du Nouveau Brunswick, de l’Ile Saint-Jean ou de la Nouvelle-Ecosse; que la foi est demeurée vivace chez eux; que les vieilles traditions y sont conservées et aimées, et l’Assomption est acceptée par eux pour fête nationale. Pendant son séjour parmi eux, M. Pascal Poirier a été invité à donner des conférences en plusieurs endroits. Devant des auditoires nombreux et distingués il a traité au milieu de fréquents applaudissements, des moyens à prendre pour assurer la conservation de notre nationalité.