Deux habiles conférences

Année
1884
Mois
8
Jour
7
Titre de l'article
Deux habiles conférences
Auteur
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Page(s)
2
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DEUX HABILES CONFERENCES Un nombreux public assistait mardi soir aux conférences données en cette ville par l’hon. P. A. Landry et M. le prof. Foster sur la question pleine d’actualité de la tempérance et des licences d’auberge. Jamais la salle Tait n’avait été mieux remplie; tous les bancs étaient remplis et un grand nombre ont dû rester debout. Outre les deux conférenciers, on remarquait sur l’estrade les Révds. MM. Chappell ey Barber, et Thos. Gallant, Ecr., sr., James E. Evans, écr., E. J. Smith, écr., D. S. Harper, écr. La maladie avait empêché M. le curé Lefloch d’occuper le siège qui lui avait été assigné. L’hon. M. Landry, invité le premier à prendre la parole, tint l’auditoire suspendu à ses lèvres pendant une heure et demie. M. Foster parla au-delà d’une heure, et dans un langage clair, châtié, éloquent, raisonné, il nous fit part de ses opinions bien tranchées sur la question qui se présente aux électeurs de Westmorland le 14 du courant. Nous n’entreprendrons pas de suivre les habiles conférenciers dans l’heureux développement de leur thèse; l’espace nous ferait défaut pour reproduire les pages éloquentes qu’il nous a été donné d’entendre mardi soir. Contentons-nous d’indiquer quelques uns des arguments qu’ils ont fait ressortir. Il est beaucoup à regretter que l’acte de tempérance, communément appelé Scott Act, n’ait pas été mis plus rigoureusement en vigueur dans ce comté. Ses adversaires se servent de ce fait pour le discréditer aux yeux des gens. Mais il faut se rappeler l’opposition gigantesque qui lui a été faite, les mille et un moyens qui ont pris pour en restreindre l’application. Jusqu’à tout dernièrement il n’était pas certain que l’acte fût constitutionnel, et en face de cette incertitude, il était bien difficile de punir toutes les transgressions. Maintenant il n’y a plus de doutes là-dessus, et l’on peut marcher plus sûrement. Cela n’empêche pas toutefois les intéressés de soulever toute espèce de prétextes pour éluder la loi, mais avec du temps et de la patience, on finira par vaincre ces résistances qui ne sont fondées sur aucun point de loi. Les aubergistes disent qu’il s’est vendu et qu’il se vend plus de boisson que jamais, et que par conséquent leurs affaires marchent mieux que jamais. Ce sont ces mêmes gens-là cependant qui voudraient abroger l’acte et revenir aux licences, serait-ce pour le simple plaisir de payer nos taxes? Ils n’ont pas l’habitude d’être si empressés à payer nos taxes, car ils font tout ce qu’ils peuvent pour faire diminuer le prix des licences. La boisson est une source féconde de désordre, de ruine, de désolation, de crimes. Les trois quarts des crimes sont directement ou indirectement imputables à l’ivresse, ce fléau des peuples, et combien de familles ne lui doivent-elles par leurs infortunes et leur misère? Le cabaret, voilà le précipice qui engloutit de précieuses existences et où se perd une grande partie du genre humain. Il importe donc d’en éloigner la jeunesse, et comment y arrivera-t-on? Est-ce en leur donnant, moyennant quelques deniers, permis et liberté d’exercer leur œuvre funeste? Ne vaut-il pas mieux leur refuser la protection et la sanction de la loi et par là leur ôter le manteau de respectabilité que cela leur donne? On crie que la boisson sera bue tant qu’il y en aura de fait. Peut-être que oui, mais au moins prenons tous les moyens d’en circonscrire les ravages. Rendons son œuvre aussi difficile et aussi pénible que possible. A l’avenir il sera beaucoup plus facile de faire respecter le Scott Act, grâce aux moyens et aux officiers établis par le parlement fédéral. Les inspecteurs nommés par les commissaires de licences ont le devoir et l’autorité de faire exécuter [illisible] et si l’opinion publique est pour la tempérance, les cabarets finiront par se fermer. Là où la boisson est bannie, le pourcentage des crimes, des cas de détresse corporelle et mentale, est bien plus bas que là où la boisson est autorisée par [illisible] à exercer ses ravages. Ce fait est indéniable. C’est ce qui fait ouvrir les yeux au peuple. Dans Ontario, un grand nombre de comtés ont adopté le Scott Act, et dans la province de Québec, qu’on a toujours représentée comme hostile à la prohibition, l’opinion se prononce pour le Scott Act. Dans l’Athabaska, où la population est aux trois quarts française, le Scott Act vient d’être adopté à une majorité de 1200 à 1500 voix. M. Bourbeau, le député fédéral, et l’hon. M. Laurier, un autre membre du parlement qui y réside, ont uni leurs efforts à ceux des curés et de l’évêque, Mgr. Laflèche, pour faire triompher le principe de la tempérance dans ce comté. Les partisans des auberges licenciées disent : Le Scott Act est violé, on n’arrêtera jamais le monde de boire un coup, par conséquent, il vaut mieux licencier les auberges. D’après ce raisonnement, il faudrait abolir et rejeter comme inutiles les lois qui punissent : le viol, l’adultère, le vol, etc., parceque ces lois sont souvent transgressées. Ce serait ridicule. Supposons qu’un fermier achète une faucheuse, il y attèle une paire de mulets vicieux qui ruent, se cabrent et refusent d’avancer, ou bien une paire de bœufs indomptés qui se tournent de côté et d’autre et reculent au lieu d’avancer. Va-t-il aller trouver celui qui la lui a vendue et lui dire de reprendre sa faucheuse parce qu’elle ne veut pas fonctionner? Ne va-t-il pas au contraire ou dompter ses mulets et ses bœufs, ou les changer pour des animaux qui avancent au lieu de reculer? Le Scott Act est bon en lui-même, mais ceux dont il ne fait pas l’affaire se mutinent et ruent à droite et à gauche. Rendons-nous en maîtres et perfectionnons les détails de la mesure qui sont susceptibles d’être perfectionnés. Le cabaret est une école de démoralisation qu’il faut éloigner de la jeunesse. Combien de pères et de mères doivent d’affreuses angoisses, de cuisantes douleurs, d’irréparables afflictions au cabaret où dans un moment de faiblesse s’est laissé entrainer un fils bien aimé, un être chéri, qui n’est plus, hélas! que l’ombre de lui-même depuis qu’il a bu à la coupe empoisonnée. Enseignons à l’enfant à considérer le cabaret l’auberge comme un lieu dangereux, à l’éviter et à s’en éloigner. Celui qui le 14 août ira voter pour les licences se rendra responsable des abus et des malheurs qui pourraient arriver dans les cabarets. Qui voudrait avoir à se reprocher : un tel est mort par suite de la boisson vendue dans tel lieu que j’ai appuyé de mon vote, j’y ai contribué ma part; tel ou tel désordre s’est produit à l’occasion de tel cabaret que j’ai protégé d’une licence, j’en suis indirectement l’auteur. Les deux orateurs, qui ont été fréquemment applaudis, ont reçu un vote de remerciements à la clôture de l’assemblée. L’hon. M. Landry et le prof. Foster doivent porter la parole à une assemblée publique qui aura lieu à McGinley’s Corner, Memramcook, vendredi soir, 8 août.