Le dernier jour de l’année.

Année
1890
Mois
12
Jour
30
Titre de l'article
Le dernier jour de l’année.
Auteur
l'abbé A. Devoille
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
Le dernier jour de l’année. Encore un an à joindre aux rapides années Que le temps sous mes pas a déjà moissonnées! Encore un an de moins pour avertir le Seigneur! Mon âme, encore un flot qui nous pousse au rivage! Ainsi passent les jours de mon pèlerinage, Entre la mort et la douleur. Cet an, si mélangé de joie et de tristesse, Au gouffre du passé l’aile du temps le presse, Quand ma voix lui murmure un long et triste adieu! Mais une heure viendra de justice ou de grâce, Une heure où tous mes ans retrouveront leur place Pour répondre à la voix de Dieu! Comptons, comptons, mon âme, avant ce jour sévère, Où Dieu nous parlera plus en juge qu’en père; Comptons; l’heure pour nous peut arriver demain! Arrêtons un instant nos pas dans la carrière; Et, voyageurs prudents, regardons en arrière, Pour reconnaître le chemin! Car ses jours que sa main avare nous mesure Minute par minute, à tous avec usure, Ce Dieu juste viendra les réclamer encore; Et plus d’excuse alors; malheur! Malheur à l’homme Qui, dans un vain négoce, infidèle économe, Aura dissipé son trésor! Mon âme, prévenons le tour de la vengeance; Par les pleurs du remords méritons l’indulgence Du grand Dieu qui punit le lâche et le pervers, Qui rejette le traître et maudit le rebelle, Qui, pour Sion ingrate et pour Tyr infidèle, A des poids justes, mais divers. Nos pas ont, il est vrai, marqué loin des impies; Dans leurs cercles bruyants, dans leurs sales orgies, Nos jours, grâce au Seigneur, ne se sont point passés : Nous n’avons qu’en pitié vu ce monde frivole! Ni l’or, ni le plaisir ne furent notre idole. Mais, réponds, mon âme, est-ce assez? Est-ce assez, quand le ciel nous donnait ses richesses, D’avoir su mépriser leurs stériles largesses, Et de tous leurs faux biens de n’avoir pas joui! Aveugles, ils jetaient leur or sur la poussière; Mais sommes-nous meilleurs si nos mains dans la terre L’ont justement enfoui? Seigneur, entends mes vœux, car c’est toi qui pardonnes; Bénis ces ans, ces mois, ces jours que tu me donnes: Dérivés de toi seul, qu’ils remontent à toi; Que mes jours soient plus pleins et mes heures plus sages, Et qu’au jour où ta voix viendra juger les âges, Seigneur, leurs voix plaident pour moi! L’abbé A. DEVOILLE.