Décès du premier Prêtre Acadien du Nouveau-Brunswick

Année
1890
Mois
5
Jour
6
Titre de l'article
Décès du premier Prêtre Acadien du Nouveau-Brunswick
Auteur
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2
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Décès du premier Prêtre Acadien du Nouveau-Brunswick C’est avec une bien sensible douleur que nous apprenions, dimanche, la mort, arrivée le 16 avril dernier à St-François, Madawaska, de M. l’abbé François-Xavier Babinault, le premier Acadien du Nouveau-Brunswick qui ait été élevé à la sublime dignité du sacerdoce. Le regretté défunt naquit à St-Louis, comté de Kent, le 21 mars 1826, du mariage de Joseph Babineau et de Nathalie LeBlanc. Son père, qui était un des cultivateurs les plus à l’aise de Kagibougouet, l’envoya au collège de Ste-Anne de la Pocatière, P. Q., où il fit un brillant cours d’étude, qu’il compléta en l’été de 1848. Le jeune François-Xavier se sentant appelé à l’état ecclésiastique, prit la soutane en l’automne de 1848, et le 8 décembre 1851 il recevait à la basilique de Québec, des mains de Mgr Baillargeon, l’onction sacrée de la prêtrise, à l’âge de 25 ans et 9 mois. Le jeune abbé dut d’abord vicaire pendant cinq mois dans une des paroisses aux environs de Québec, et en juin 1852, il succéda à M. John Sweeney, aujourd’hui le vénérable et bien-aimé évêque de ce diocèse, dans la desserte des paroisses de St-Henri du Barachois et de Ste-Thérèse du Cap-Pelé, cures qu’il garda jusqu’à novembre de la même année, et fut remplacé par M. l’abbé Thomas Connolly, aujourd’hui Monsignor Connolly et grand-vicaire de ce diocèse. M. l’abbé Babinault fut alors transféré à la cure de la Grand’Digue où il succéda à M. l’abbé Jean-Mario Madran, parti le 8 novembre 1852. Il resta curé de Grand’Digue jusqu’à la fin de décembre 1854 et de là où on le transféra à la cure de Bouctouche. En décembre 1856 il est nommé de nouveau curé du Cap Pelé. Jusqu’à cette date les paroisses du Cap Pelé et du Barachois étaient desservies par un seul prêtre dont la principale résidence était au Barachois. A l’arrivée de M. le curé Babinault au Cap Pelé, en décembre 1856, c’était M. l’abbé John A. Mooney qui avait la desserte de ces deux paroisses, en septembre 1853. Messire Mooney garda la paroisse du Barachois jusqu’en janvier 1858, et fut remplacé par M. l’abbé John Murray qui desservit cette paroisse jusqu’au 20 septembre 1858. Au départ de ce dernier, le Rév. M. Babinault eut jusqu’au 15 juin 1864, les paroisses du Cap Pelé et du Barachois à desservir. Il eut pour successeur au Barachois, M. l’abbé F. X. S. K. Lafrance, fondateur du collège St-Joseph. Ce dernier avait été curé de Memramcook depuis janvier 1852 jusqu’au 7 juin 1864, quand il fut remplacé par le curé actuel, le T. R. P. Camille Lefebvre, le vénérable et bien-aimé supérieur du collège S-Joseph. Après l’arrivée de Messire Lafrance au Barachois, M. l’abbé Babinault se trouva à n’avoir plus que la desserte du Cap Pelé et de la mission du Cap Tourmentin. Il garda cette cure jusqu’à l’arrivée du curé actuel, M. l’abbé Patrick Bradley, en octobre 1868, et alla prendre la cure de la paroisse de Bouctouche où il resta jusqu’en décembre 1876, quand il fut remplacé par M. l’abbé François-Xavier-Joseph Michaud, curé actuel. M. l’abbé Babinault fut alors transféré au village de Richibouctou, où il succéda à M. l’abbé John Murray, aujourd’hui curé de Woodstock. En mars 1878, M. l’abbé Babinault, dont la santé était fort affaiblie par suite des durs labeurs d’un long ministère, obtint de son évêque la permission d’abandonner la cure du Village de Richibouctou, et d’aller résider avec son neveu, M. l’abbé Jospeh-Auguste Babineau, curé de Tracadie, N. B. Après un séjour de six mois à Tracadie, voyant que sa santé ne se rétablissait pas, M. l’abbé Babinault se rendit ensuite à St-François, Madawaska, où il se retira du ministère, et y finit ses jours. C’était un homme d’une érudition peu commune, il excellait surtout en connaissances sur l’histoire de l’Eglise, la théologie dogmatique, et l’écriture sainte. Pendant qu’il était curé de Bouctouche, le fameux apostat Chiniqui se rendit dans cette paroisse pour y faire de la propagande. Messire Babinault, qui n’avait pas encore appris l’arrivée de ce renégat dans sa paroisse, le rencontre un bon matin dans la rue. Chiniqui l’accoste en lui disant :–Tiens! vous êtes prêtre, monsieur.–Oui, lui répond M. l’abbé Babinault, et vous aussi–Comment savez-vous?–J’ai passé une vacance à votre presbytère pendant que j’étais ecclésiastique , avant que vous ayez apostasié, répond le curé de Bouctouche. Une foule de curieux les entoura bientôt, et Chiniqui, croyant l’occasion favorable de soulever une discussion religieuse commença à parler contre la religion catholique et pour appuyer ses assertions il se mit à citer des prétendus textes de l’écriture sainte. Mal lui en prit, car M. l’abbé Babinault l’eut bientôt confondu en se servant de la même bible de l’apostat pour lui prouver qu’il était un ignorant et un menteur. Chiniqui fut hué par la foule, et M. l’abbé Babinault, le quitta en lui disant : « Ecoute, Chiniqui, tu sais que c’est la fiente d’un oiseau qui tomba dans les yeux de Tobie et le rendit aveugle, mais pour toi c’est celle du démon qui t’a rendu aveugle. » [illisible] Quand éclata, au printemps de 1858, l’épidémie de la picole dans la paroisse du Cap Pelé, Messire Babinault n’épargna ni fatigues, ni labeurs, ni argent pour secourir ceux de ses [illisible] qui étaient atteints de cette terrible maladie. Malgré le mauvais état des chemins des mois de mars et d’avril, il était jour et nuit sur la route et auprès des malades, leur apportant des remèdes, des mets succulents des douces consolations de son ministère. M. l’abbé Babinault descendait d’une ancienne famille acadienne. Joseph, son père, naquit à l’ancien village français, à cinq milles en haut de la ville de Moncton, en janvier 1780, du mariage de Dominique Babineau et de Rosalie Gaudereau. Il se maria à St-Anselme de Petitcodiac, avec Natalie LeBlanc, fille d’Augustin LeBlanc et de Cécile Cormier. Ce couple béni du Seigneur a vécu ensemble soixante-douze ans, et a eu quatorze enfants, dont l’un, Hilaire, est le père de M. l’abbé J. A. Babineau, curé de Tracadie, N. B., l’autre, Sébastien, est le père de M. l’abbé Maxime Babineau, vicaire à Caraquet, et un autre, François-Xavier, est celui dont nous enregistrons aujourd’hui le décès. Joseph Babineau, père du regretté M. l’abbé Babinault, est mort à St-Louis, Kent, le 6 mars 1876, à l’âge de 96 ans et 8 mois. Sa bonne vieille l’avait précédé dans la tombe, le 25 novembre 1875, à l’âge de 91 ans. Le père de Joseph se nommait Dominique Babineau, et il fut l’un des premiers du village de Richibouctou, où il décéda le 28 mars 1813, à l’âge de 59 ans. Il était né à Pointe Nacadie, aujourd’hui ville de Moncton, en 1754. Son père était le vieux Pierre Babineau. Ce dernier, lors des troubles de 1755, se sauva avec sa famille au Ruisseau-des-Malcontentes, à Cocagne. Peu de temps après s’étant rendu, avec son gendre, Charles Maillet, à la Pointe-Nacadie, pour y battre du blé, un parti d’Anglais tomba sur eux, et Maillet fut tué dans le combat mais Babineau leur échappa. La mère de feu Maxime Babineault était, comme on l’a vu, Natalie LeBlanc. C’est une sœur de Mme Yve Amable Léger, la centenaire de la paroisse de Shédiac, et une arrière-petite-fille du brave et célèbre Réné Leblanc, notaire des Mines. Nous terminons cet article nécrologique en priant les parents du regretté M. l’abbé Babinault d’accepter nos plus sincères condoléances dans la vive douleur qui vient de les frapper. –Qu’il repose en paix.