Echos de l'election de Kent

Journal
Année
1892
Mois
12
Jour
15
Titre de l'article
Echos de l'election de Kent
Auteur
Kent
Page(s)
3
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
ECHOS DE L’ELECTION DE KENT Enfin Mr. Georges McInerney, après plusieurs luttes infructueuses, pendant lesquelles ses amis ont fait jeu d’argent, de pistolets et de vols de scrutins, est élu député du comté français de Kent aux chambres des communes. La Province du Nouveau-Brunswick se trouve ainsi sans représentants acadiens à la capitale fédérale, quand quatre Irlandais, grâce aux votes des Acadiens y sont parvenues, sans en exprimer beaucoup de gratitude. Montauban disait : “ce ne sont pas mes fortifications qui sauveront la France, mais bien nos généraux qui s’en serviront avec une armée de cœur et bien disciplinée.” Les 65,000 acadiens qui sont groupés dans les comtés de Westmorland, de Kent de Northumberland de Gloucester, de Restigouche et de Victoria sont pourtant toute une fortification pour protéger nos aspirations nationales. Mais nos généraux, manquent, et delà, la défaite et l’humiliation. Considérons un peu les choses pour arriver à une conclusion pratique, qui pourra nous guider dans l’avenir. Notre réveil national s’est fait depuis l’acte de la Confédération canadienne, quand le soleil du parti conservateur semblait être le seul astre qui pouvait guider vos destinées. Nos jeunes politiciens sont nés sous cet astre, communément appelé la politique de Sir John McDonald, et, nourris à la crêche du pouvoir, adoptés comme enfants de la famille, instruits sous l’influence des chefs régnants, ces jeunes politiciens ont naturellement contracté, soit par gratitude, soit par inexpérience, le sentiment d’approbation de tout ce qui se faisait dans les hautes sphères politiques, sans se rendre compte que tout gouvernement est faillible, peut errer, et souvent entraîne toute une nation dans la ruine. Combien de rois, d’empereurs, de présidents, de chefs politiques, ont eu à subir, dans tous les temps, l’influence, le pouvoir, la dictature du peuple outragé qui revendiquait ses droits foulés aux pieds par des ambitions personnelles. La civilisation a crée un équilibre heureux entre les gouvernants et les gouvernés. Par son influence, les peuples ont brisé les chaines de l’esclavage, imposées par la tyrannie; ils ont proclamé leurs droits d’hommes libres. Aujourd’hui la démocratie, après des luttes terribles, a gagné le privilège de former les gouvernements par le vote populaire. Les traditions, les partis, les chefs, les individus qui forment la base de la politique d’un pays, doivent donc se soumettre au verdict du peuple qui est juge en dernier ressort en ce qui concerne ses intérêts. Quel est le fou, dans les Etats-Unis, qui aujourd’hui épaulerait son fusil, pour la défense de la couronne d’Angleterre, à titre de loyauté, lorsque la guerre de l’indépendance a fait de ce pays l’un des plus puissants de la terre? De même, dans notre pays du canada, quel est l’insensé qui dira : Puisque le parti conservateur est au pouvoir, peu importe, sa politique ruineuse pour le pays, il faut l’y tenir, car je suis de son école. Malgré nos souffrances, la nécessité où nous sommes d’émigrer sur une terre étrangère pour gagner le pain de nos familles, si vous votez contre ce gouvernement conservateur, vous commettez un crime contre votre Religion et votre pays. N’est-ce pas là le langage de nos petits politiciens acadiens qui sont prêts à tout sacrifier pour le soutien d’une administration reconnue ruineuse pour notre population, pourvu qu’ils continuent de jouir des émoluments personnels. Voyons ce qui est arrivé dans le comté de Kent et nous jugerons plus facilement de la piété de nos dévoués patriotes. Un grand cri de détresse retentit dans le Canada entier. Le peuple est écrasé en faveur des manufacturiers qui payent l’argent nécessaire pour tenir au pouvoir un gouvernement marâtre qui ne cherchent qu’à satisfaire ses ambitions. Nos Acadiens émigrent par milliers en versant des larmes de désespoir quand ils se voient obligés de quitter le sol natal pour aller gagner leur vie. Un courant formidable se forme et se fortifie contre l’administration actuelle, prouvée coupable de vols gigantesques. L’Hon. O. J. LeBlanc, homme intègre, très respectable, vrai patriote qui comprend les besoins du peuple, dans ces circonstances, se prête consciencieusement au service des Acadiens dans la lutte électorale qui vient d’avoir lieu dans Kent. Il a été défait. Pourquoi? et comment? Mr. McInerney qui a changé de couleurs politiques à tous les St. Patrick’s Day, en était rendu à l’état conservateur, indépendant et il a été élu comme tel. Mr. Phinney président de l’association conservatrice de Kent a fait choisir Mr. Basile Johnson par une convention régulière, puis il jette son candidat sur le pavé se vengeant avec toute sa force protestants du côté de Mr. McInerney, le vice-président de l’association libérale du N.-B. En même temps les libéraux en convention générale choisissaient Mr. LeBlanc pour leur candidat. Mais demême que les conservateurs anglais lâchaient Mr. Johnson, les libéraux Irlandais lâchaient Mr. LeBlanc : Le deal était fait, conclu, et signé, contre les français. L'Hon. Sénateur Poirier se trouvait en face d’une défaite du sentiment national ou du sentiment politique. Mr. Phinney désertant son parti et s’alliant au parti McInerney rendait l’élection de Mr Johnson possible même étant le seul acadien sur les rangs. Mr LeBlanc au contraire dans le cas de la résignation de Mr Johnson en sa faveur comme candidat acadien, remportait une belle victoire. Mais l’Hon. Sénateur, déclarant ne pouvoir faire de la peine à ses chefs d’Ottawa se contente de promener son fanfan dans ses bras par toutes les paroisses française pour sauver les apparences de loyauté à la cause acadienne, et en même temps il abîme Mr. LeBlanc d’insultes et d’accusations. Il a étouffé son nourrisson au cri de la gamme si contra fa. Il a en même temps tellement contribué à diviser le vote français par son influence bâtarde que Mr. LeBlanc a été défait. Brave général acadien ne nous parlez plus de patriotisme, s’il vous plaît. Que le Moniteur Acadien vous console maintenant puisqu’il a fait queue avec vous contre la cause acadienne. Nous apprenons que l’élection de Mr. McInerney va être contestée pour cause de corruption épouvantable. Nous en dirons quelques choses dans votre prochain numéro. En attendant nous déplorons amèrement la défaite de Mr. LeBlanc causée par la trahison. KENT.