Tracadie, N. B.: Premiers colons

Journal
Année
1892
Mois
12
Jour
1
Titre de l'article
Tracadie, N. B.: Premiers colons
Auteur
Placide P. Gaudet
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
TRACADIE, N.B. Premiers colons- La famille Bastarache- L’épopée acadienne- Les Roberts ou LeBreton- Episode de la guerre de l’Indépendance II J’ai dit, à la fin de mon article de l’avant dernière semaine, que Michel Bastarache, fondateur de Tracadie, était le fils de Pierre Bastarache et de Madeleine Forêt, et qu’il naquit au Port Royal, vers 1721. Je vais aujourd’hui faire l’historique de la famille Bastarache avant l'expulsion. Je ne trouve absolument rien dans le recensement de 1671 se rapportant aux Basque ou Bastarache. Il devait, il me semble, y avoir, à peu près vers cette date, une famille de ce nom au Port-Royal. A l’article 81 du recensement de 1686 je lis : “Jean de Bastarache, 25 ans; Huguette Vincent, son épouse, et une fille,” Ce Jean Bastarache, époux de Huguette Vincent, serait donc né en 1661 et aurait eu dix ans à la date du recensement de 1671. Est-il la souche des Bastarache en Acadie, ou un des membres d'une famille dont le nom aurait été omis dans le recensement de 1671, c’est ce sur quoi je ne saurais me prononcer. Tout me porte à croire qu’il avait un plus jeune frère du nom de François, mais avec qui celui-ci s’est-il marié et quels sont ses enfants, je n’en sais rien. En effet aux articles 1 et 2 du recensement de 1714 au Port-Royal on y trouve : “Le Basque et sa femme avec deux garçons, et François LeBasque avec sa femme.” Aucun de ces deux noms n’apparait dans la liste des Acadiens du Port-Royal qui ont prêté le serment d’allégeance au roi George d’Angleterre, le 22 janvier 1715. Au nombre des signataires du mémoire adressé le 20 mai 1720, à son excellence Richard Philipps, “gouverneur d’Annapolis Royal, Nouvelle-Ecosse et Acadie, Plaisance Ile de Terreneuve,” je trouve les noms de Francis Bastarack et Jean Bastarack. Dix ans plus tard, c’est-à-dire en l’hiver de 1730, parmi les habitants du Port Royal, qui prêtèrent le serment d’allégeance au roi George le second d’Angleterre, on y lit les noms de Jean Bastarache, Pierre Bastarache et François Basque. Le premier et le dernier de ces trois assermentés nous sont déjà connus, mais le second : Pierre, se trouve pour la première fois mentionné dans les documents publics. Est-ce le frère des précédents ? Non. Mais c’est certainement le père de Michel, fondateur de Tracadie. Les registres de Port Royal nous montrent que ce Pierre Bastarache était marié à Madeleine Forest et qu’il avait entr’autres enfants : Pierre, né en 1720, marié le 19 février 1750 à Anne Gaudet, fille de Jean Gaudet de Madeleine Brun, et décédé à Bouctouche, le 24 mars 1796; Michel, né en 1721, marié le 12 juin 1753 à Marguerite Gaudet, sœur de la précédente, et décédé à Tracadie, le 15 janvier 1820; Anne, née en 1726, mariée le 3 février 1751, à Jean Baptiste Gaudet, fils de Jean Gaudet et de Marguerite Brun, et décédée à Memramoook, le 6 mars 1814; Marguerite, mariée le 20 janvier 1753, à Charles Belliveau, fils de Charles Belliveau, et d’Agnès Gaudet. Pierre Bastarache et Madeleine Forest avaient assez probablement d’autres enfants que leurs quatre susdits. Quoiqu’il en soit Madeleine Forest était morte à la date du mariage de son fils Pierre, en 1750, et son époux était décédé quand Michel, son garçon, se maria en 1753. On a pu voir par ce qui précède que trois des enfants de Pierre Bastarache et de Madeleine Forest s’allièrent à trois des enfants de Jean Gaudet et de Marguerite Brun. L’un de ceux-ci Jean Baptiste Gaudet dit Varouel, l’époux d’Anne Bastarache, hiverna, avec le vieux Pierre Belliveau dit Piau, sur la Pointe-à-Major, à la Baie Ste-Marie, en 1755-1756, et de là alla à Petitcoudiac, puis à Cocagne, ensuite à Miramichi, et de là Beauséjour, puis vint se fixer définitivement à Memramcook où il est mort après 1814. Marie Josepte, sa fille aînée, née au Port Royal, le 2 janvier 1754, fut la première femme de Joseph dit Jospiau Belliveau, fils de Pierre dit Piau Belliveau et de Jeanne Gaudet. Elle se maria en 1773, était âgée de 19 ans, et son mari 25, et de ce mariage naquirent cinq enfants. Anne, connue sous le nom de Petite Anne, des une plus jeunes filles de Jean Baptiste Gaudet dit Varouel et d’Anne Bastarache, épousa vers 1773, Charles Gaudet, né en 1764, de Pierrotte à Pitre Gaudet de Marie-Madeleine Aucoin et de ce mariage naquit Fidèle, mon grand père, mort en 1878. J’ai donc, moi aussi du sang Bastarache dans les veines. Charles Gaudet, l’époux de Petite Anne à Varouel Gaudet, est décédé le 31 août 1836. Jean Baptiste Gaudet dit Varouel est né au Port Royal, le 11 janvier 1720. Je trouve parmi les alliances à la famille Gaudet une Marguerite Bastarache, fille de Jean Bastarache et d’Angélique Richard. Elle épousa au Port Royal le 13 février 1749, Germain Gaudet, fils de feu Bernard Gaudet et de défunte Marguerite Pellerin, et décéda en donnant 4 le jour à un garçon, Joseph, au commencement de juin 1750. Ce Jean Bastarache n’est certainement pas le Jean Bastarache, mentionné au recensement de 1686, et marié à Huguette Vincent, mais le fils de ce dernier et aussi le frère de Pierre, époux de Madeleine Forest. “Le Basque” mentionné à l’article I du recensement du Port Royal, en 1714, ayant deux garçons avait certainement pour nom de baptême Jean; le mémoire du 20 mai 1720 des habitants du Port Royal, adressé au gouverneur Richard Philippe nous le prouve. Ce Jean “ Le Basque” était le Jean de Bastarache, époux de Huguette Vincent, et âgé de 59 ans, en 1720. Les deux garçons que lui mentionne le recensement de 1714 doivent certainement être Jean, époux d’Angélique Richard, et Pierre, marié à Madeleine Forest. Ce sont ceux-ci qui figurent parmi les assermentés de 1730 au Port Royal. Jean, leur vieux père, aurait été âgé de 69 ans à la date de cette prestation de serment, ail eut été vivant, mais il est assez probable qu’il fût mort. Jean, époux d’Angélique Richard, a du naître vers 1690 et Pierre, son frère, en 1692. Ce dernier mourut entre 1751 et 1753, à l'âge d’environ 60 ans. Quant à Jean il était encore vivant ainsi que son épouse, à la date du mariage de leur fille Marguerite, le 13 février 1749, avec Germain Gaudet. A l’époque de l’expulsion il aurait eu environ 65 ans. En l’automne de 1759 un Jean Basque est nommé délégué, avec Joseph Brassard (Beausoleil), Alexandre Brossard et Simon Martin pour aller, au nom de 190 Acadiens français—hommes, femmes et enfants —demeurant sur les rivières de Memramcook et Petitcoudiac, au fort Beauséjour proposer au colonel Frye, commandant de ce poste militaire, de faire soumission an gouvernement anglais. Ces quatre délégués se présentèrent avec un drapeau parlementaire, au fort Beauséjour, le 16 novembre 1759 et leur proposition fut acceptée. Je me demande quel est ce Jean Basque. Serait-ce le vieux Jean Bastarache, marié à Angélique Richard ? ce n'est pas impossible, cependant je suis porté à croire qu'on n’aurait pas choisi un vieillard d’environ 69 ans pour faire un voyage aussi difficile et aussi fatiguant. Il est plus probable que le Jean Basque dont il est ici question n’est autre que le Jean Bastarache qui est mort au Port Royal entre les années 1780 à 1790. Ce dernier Jean Bastarache était marié à Marie Josepte Comeau, fille de François, et sœur de Justinien, Jean, François, et Joseph Comeau, quatre frères qui furent au nombre des premiers colons de la baie Ste-Marie. Cette Marie Josepte Comeau, est décédée à la baie Ste-Marie le 27 juin 1807, à l’âge d’environ 80 ans, ce qui la ferait naître vers 1727. En admettant qu’elle se maria à l’âge de 20 ans, l’année de son mariage serait parconséquent vers 1747, et si son mari fût âgé de 24 ans à cette date, il serait né vers 1723, et aurait eu 36 ans en 1759, quand les Acadiens de Memramcook et de Petitcoudiac firent leur soumission au colonel Frye. L’acte du mariage de Jean Bastarache et de Marie Josepte Comeau ne se trouve pas dans les registres de Port Royal, et pourtant François Comeau, père de Marie-Josepte, demeurait en cette localité à l’époque de l’expulsion, d’après la tradition conservée à la baie Ste-Marie. Cet acte de mariage nous apprendrait le nom du père et de la mère de ce Jean Bastarache. Sans ce document on ne peut savoir au juste s’il est le frère de Michel Bastarache, fondateur de Tracadie, ou le fils de Jean Bastarache, époux d’Angélique Richard. Quoiqu’il en soit je suis porté à croire que c’est le même qui fut nommé délégué, auprès du colonel Frye en novembre 1759; il était à cette date âgé d’environ 36 ans. Il a du faire partie de la caravane sous la direction de Pierre Belliveau dit Piau qui hiverna à la Pointe-à Major, et gagna ensuite à Petitcoudiac, en l’été de 1756. Au lieu de se rendre à Miramichi, il aura resté au Village français en haut de Moncton et peu d’années après la soumission de 1759, il sera venu à Annapolis avec sa famille et plusieurs autres familles acadiennes. Jean Bastarache, époux de Marie Josepte Comeau avait deux garçons : Jean, idiot et mort non marié, et Joseph, marié le 10 novembre 1794, à la Baie Ste-Marie, avec Cecile Maillet, fille d’Antoine Salomon Maillet et de Marguerite Blanchard. Ce mariage, dit l’abbé Sigogne—qui les maria de nouveau le 10 janvier 1800—fut fait “ devant leurs mères respectives (leurs pères étant morts) et de plusieurs autres témoins.” Joseph Bastarache et Cecile Maillet eurent treize filles et pas un garçon, voilà ce qui explique l’extinction la famille de ce nom à la baie Ste-Marie. A part les deux garçons susdits Jean Bastarache et Marie Josepte Comeau avaient sept filles, savoir : Anne, épouse de Jos. Boudreau; Blanche, mariée à Baptiste Saulnier; Marceline, femme d’Alexis Thériault; Anaetasie, et Marie, idiotes et mortes non mariées; Marie Austhère, mariée en premières noces à Joseph Deveau et en secondes à Charles-Cajétan Saulnier. La troisième concession de terrain dans Clare, fut accordée le 29 juin 1776. Cette concession est connue sous le nom de Concession Bastarache. Elle s’étend depuis l’église de St-Bernard jusqu’à l’église Ste-Marie, à la Pointe-de-l’Eglise. Sur le lot numéro un, à sept arpents an sud de l’église St-Bernard, le nom de Jean Bastarache y figure pour 360 acres. Jean Bastarache ne voulut pas venir s’établir à la Baie Ste-Marie et est mort à Annapolis. Le 14 avril 1794 Jean et Joseph Gaudet achetèrent des héritiers de feu Jean Bastarache et de Marie-Josepte Comeau, le lot accordé à Jean Bastarache, le 29 juin 1775. Je raconterai dans un troisième article les pérégrinations de Michel et Pierre Bastarache lors du grand dérangement. PLACIDE P. GAUDET.