La situation dans Kent et un electeur acadien

Année
1892
Mois
12
Jour
1
Titre de l'article
La situation dans Kent et un electeur acadien
Auteur
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Page(s)
2
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Contenu de l'article
LA SITUATION DANS KENT ET UN ELECTEUR ACADIEN Le lecteur trouvera dans une autre colonne une correspondance d’un “Electeur Acadien” touchant la situation dans Kent. Il a déjà été de notre privilège de critiquer un peu ce même correspondant qui a écrit au Moniteur la semaine dernière demandant aux électeurs de Kent de supporter M. Johnson, à cause de son education supérieure. Dans sa correspondance de cette semaine, il ne peut que féliciter notre correspondant de Richibouctou, de son patriotisme et bon sens et de la vérité de ce qu’il a dit touchant cette question. Après de pareilles félicitations, et se montrant ainsi convaincu qu’un “Electeur” est dans le droit et place la faute du trouble qui règne dans Kent sur les bonnes épaules, nous sommes un peu surpris de voir qu’il demande à M. LeBlanc et ses amis de s’immoler sur l’autel de la patrie, de sacrifier leurs principes politiques pour sauver la cause acadienne. Nous avons travaillé depuis bien longtemps pour sauvegarder le droit de représentation aux Acadiens de cette province, et nous avons autant à cœur l’avancement de la patrie, que l’a notre correspondant, mais vu les circonstances, nous ne pouvons le seconder dans sa proposition. Le parti conservateur de Kent, le Moniteur en tête, a placé entre les mains de ceux qu’un “Electeur Acadien” appelle des traitres, l’instrument dont ils se servent aujourd’hui pour détruire l’influence française et si, afin de sauver la nationalité, il est nécessaire de faire des sacrifices, il n’est que juste que le parti qui est la cause du danger actuel se montre à la hauteur de l’occasion et se rende aux désirs d’un “Electeur Acadien.” Jamais dans l’histoire de la Confédération a-t-on vu les conservateurs acadiens abandonner leur parti pour supporter un Français libéral contre un Anglais, Irlandais ou Ecossais conservateur. Lorsqu’il s’agissait de l’intérêt de leur parti, ils ne regardaient jamais la cause nationale, mais aujourd’hui, la scène se change. M. LeBlanc qui appuie une politique de libre-échange et M. Johnson qui est le choix d’une convention conservatrice, se trouvent face à face avec un danger qui promet leur faire perdre, à l’un ou à l’autre, leur élection. Les amis de M. Johnson, dans les rangs desquels est la désunion, se trouvent dans le plus grand danger. Croyant blouser les électeurs acadiens, afin de gagner un point pour leur parti, ils soulèvent immédiatement le cri national, et désirent faire croire aux libéraux qu’ils doivent sacrifier leurs principes politiques pour maintenir la situation acadienne dans Kent. Un “Electeur Acadien” demande que “M. LeBlanc ménage sa poudre, pour les élections générales, alors les circonstances seront changées.” Maintenant que M. Phinney a pu obtenir l’influence, la force, par l’aide des conservateurs, il ne cessera jamais de s’en servir pour nuire aux Français. Selon le Moniteur, il était le plus grand ami des Acadiens. Oui, il l’était, jusqu’au moment où il se crut assez fort pour accomplir ce qu’il avait en vue : l’anéantissement de leur cause. Aux élections générales Phinney ou McInerney seront encore dans le chemin comme ils le sont actuellement, et si M. LeBlanc se retire aujourd’hui en faveur d’un conservateur pour sauver sa nationalité, on pourrait espérer la même chose de lui quand arriveront les élections générales. Les conservateurs ne cèderont pas un point pour la cause nationale ici, et les libéraux ont autant de droits qu’eux à maintenir leur côté. “Mourir pour la patrie, etc.,” dit le correspondant. Tout cela paraît très jolie, il est vrai, mais avant de se sacrifier ainsi, ne vaut-il pas mieux que le vrai patriote se demande : Mon sacrifice sera-t-il acceptable pour ma patrie? Il y a des circonstances où mourir pour sa patrie serait “le plus beau, le plus digne d’envie,” mais dans la circonstance actuelle M. LeBlanc ne fera le sacrifice que pour sauvegarder les intérêts d’un parti, qui par sa propre folie, s’est placé dans un danger où il semble destiné à périr. La nouvelle nous arrive d’Ottawa que l’hon. John Costigan doit se rendre -- il y est actuellement, croyons nous -- dans Kent afin d’effectuer une conciliation entre les factions conservatrices. En offrant une opposition à la proposition d’un “Electeur Acadien” il ne faut pas conclure par là que nous avons abandonné la cause acadienne. Non. Cette noble cause nous est plus chère que jamais. Les nombreuses attaques auxquelles elle a été assujettie, la duplicité de ceux qui ont obtenu l’influence à l’ombre de son drapeau nous la rendent mille fois plus glorieuse et nous empêchent de prêter notre concours aux conservateurs de Kent dans leurs efforts pour concilier leurs amis. Lorsque les tireurs de ficelle auront donné des preuves qu’ils sont plus attachés à la cause acadienne qu’au parti conservateur, il sera alors temps de demander aux libéraux de s’immoler sur l’autel de leur patrie. Ils ne l’ont pas fait jusqu’à aujourd’hui, et nous ne pouvons comprendre comment on peut espérer que M. LeBlanc ferait ce que ses adversaires n’ont jamais voulu faire. Notre correspondant dit qu’il ne s’agit pas dans une élection partielle de renverser un gouvernement. Très vrai, mais il est nécessaire de lui faire une opposition afin de le convaincre que sa politique est ruineuse et qu’il nous faut un changement.