Français soyez sur vos gardes

Année
1892
Mois
11
Jour
24
Titre de l'article
Français soyez sur vos gardes
Auteur
Electeur
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
FRANÇAIS SOYEZ SUR VOS GARDES M. LE REDACTEUR : Il paraît y avoir une grande division dans les rangs des conservateurs de Kent. M. Basile J. Johnson, le choix de la convention conservatrice, n’est pas acceptable à un certain nombre des principaux tireurs de ficelles de son parti et ces derniers viennent, dit on, de sortir M. Geo. V. McInerney qui, lui aussi, se pose comme conservateur. Il paraît que MM. Phinney et Goguen ont pris la responsabilité de faire nommer M. Mclnerney, à la convention, pourvu que ce dernier donnât son appui à ces messieurs dans les élections locales du 22 octobre. Mais n’ayant pas réussi à le faire nommer, ils l’appuient maintenant contre le choix fait. M. McInerney, qui détestait MM. Phinney et Goguen par le passé, lui qui faisait circuler des pamphlets flamboyants pour empêcher l’élection de Goguen en 1891 et ainsi humilier son adversaire le plus invétéré – Phinney -- est content aujourd’hui d’abandonner ses principes du passé – s’il en a jamais eu, -- et ses amis, pour l’avantage d’être, encore une fois dans sa vie, candidat pour les Communes. Et MM. Phinney et Goguen, eux, afin de se faire élire pour la Locale, ont rompu les liens d’amitié du passé pour amener le choix de leur plus grand ennemi et ainsi semer la désunion dans les rangs du parti qu’ils ont toujours appuyé. Où est donc l’esprit de justice de M. Phinney? Sa conduite d’aujourd’hui est-elle le remerciement qu’il doit aux Français de Kent pour l’avoir élu maintes fois à la tête du poll? Il veut par sa manière d’agir, renier le droit aux Français d’être représenté à la Chambre des Communes; il veut leur arracher le seul comté qui soit resté fidèle à la cause acadienne. Je me souviens que le COURRIER, lors de l’élection Léger-Goguen en 1891, a prédit que M. Phinney ne voulait se servir des Français que pour l’avancement de ses propres intérêts. Nous en avons la preuve aujourd’hui. Que pense le Moniteur de la conduite de M. Phinney, lui qui a tant louangé les vertus de ce grand monsieur? Le Moniteur garde un silence religieux et il peut bien le faire, car lorsqu’il jette un coup d’œil sur le passé, il ne peut que voir, que si Phinney est un homme grand, puissant dans le comté de Kent, le Moniteur Acadien y a beaucoup contribué; si Phinney, aujourd’hui, peut tenir entre ses mains les destinées de Kent, il en doit en grande partie des remerciements à ce journal. Il ne faut pas se fermer les yeux. Il y a un danger, si la lutte se fait sur les lignes plus haut mentionnées, que Kent vienne à perdre le seul représentant que les Acadiens de la province aient aux Communes. Et ce résultat sera effecté par un homme, qui sous le voile de l’amitié, ne cherchait qu’à tromper les Français et, il faut l’avouer, il a très bien réussi, et le Moniteur se trouve, plus que nul autre, “perdu dans la soupe.” Tandis que les conservateurs sont ainsi divisés, les libéraux sont unanimes dans leur approbation pour l’Hon. M. LeBlanc. Quoique le parti libéral soit fort dans Kent et qu’il fait de nouvelles acquisitions à ses rangs chaque jour, il est aussi à craindre que la combinaison Phinney-McInerney réussisse à tromper les électeurs et de cette manière arracher des voix, non-seulement à M. Johnson, mais aussi à M. LeBlanc. Dans les circonstances il est absolument nécessaire que les Français s’unissent afin d’empêcher la réussite de ce programme. Ici la question survient : Comment s’unir? Faut-il que LeBlanc on Johnson se retire? Selon moi, il n’y a pas seulement la question de protéger les droits français en jeu, mais il y a la question des principes politiques. La politique qui fera le plus de bien pour le pays, qui aura pour but l’ouverture des marchés étrangers pour nos produits agricoles, est la politique sur laquelle les Acadiens doivent s’unir. Le parti libéral dont M. LeBlanc est le porte-étendard, offre aux électeurs de Kent un programme qui ne peut que rencontrer l’approbation de chaque fermier dans le pays. De l’autre côté, M. Johnson épouse la politique protectrice des conservateurs, qui n’a fait pendant 15 ans qu’enrichir les manufacturiers au détriment des fermiers. Que cette politique a été ruineuse pour le pays, est facile à prouver. Je demanderai aux électeurs de Kent de jeter les yeux sur notre comté et d’y voir le nombre de maisons vacantes et de fermes abandonnées depuis une dizaine d’années. Les propriétaires incapables de trouver un marché pour leurs produits, se sont vu forcés de s’expatrier. Dans les circonstances, les Français de Kent en appuyant en masse la candidature de M. LeBlanc, rempliraient non-seulement un devoir à la cause acadienne, -- que MM. Phinney et McInerney veulent anéantir -- mais un devoir à leur pays en se rangeant du côté de ceux qui cherchent non pas à enrichir les monopoleurs, mais à rendre plus facile la vie du fermier. ELECTEUR. Richibouctou, 17 nov., 1892. * * * [Notre correspondant touche pas mal la clef, lorsqu’il dit que notre confrère de Shédiac a beaucoup contribué à rendre M. Phinney puissant dans Kent, -- oui puissant, au point qu’il peut aujourd’hui faire trembler dans la balance les destinées de ce noble comté acadien. Le Moniteur garde le silence. Pourquoi? Où sont les menaces faites par le confrère lorsque le gouvernement conservateur a refusé de rendre justice aux Français dans l’affaire de la jugerie? Voilà un bon temps pour se montrer indépendant des entraves de parti. II y a un vieux proverbe anglais, qui dit : “Le silence donne le consentement.” Faut-il conclure que le Moniteur ne voit pas d’un bon œil la candidature d’un conservateur dans Kent, mais que son long attachement de parti l’empêche de se prononcer ouvertement pour M. LeBlanc, le libéral. -- ED. COURRIER.]