La question d’un juge acadien et la conduite de M. Burns.

Année
1892
Mois
4
Jour
14
Titre de l'article
La question d’un juge acadien et la conduite de M. Burns.
Auteur
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Page(s)
2
Type d'article
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La question d’un juge acadien et la conduite de M. Burns. Nous ayons, à plusieurs reprises, entrepris de montrer que la minorité dans le Nouveau Brunswick – les catholiques, et surtout l’élément acadien -- ne recevait pas sa quote part dans l’administration des affaires du pays. Pour ce qui concerne l’élément acadien, nous avons argumenté que la cause de cet état de choses chez notre peuple se trouvait dans la manque d’union et de patriotisme, dans l’indifférence et l’amour de l’argent qui règnent parmi un trop grand nombre de nos compatriotes dans le nord de la province. Notre but est de prouver que le progrès de notre barque nationale est retardé non pas par l’hostilité de la part de nos frères de nationalités étrangères, mais par notre propre faute, c’est à dire en donnant préférence, dans nos affaires publiques, à des personnes étrangères – même hostiles -- à nos ambitions légitimes. Nous ne voulons nier à ces personnes le droit de travailler à l’avancement de leurs compatriotes qu’elles soient anglais, irlandais ou écossais, au contraire nous pouvons admirer l’homme qui peut se porter au dessus des influences nombreuses de la vie publique pour se dévouer à l’agrandissement, à l’avancement social et politique de son peuple; mais nous leur renions le droit d’accomplir tout cela en se servant de nos compatriotes comme marche-pieds et ainsi retarder notre progrès. La faute est la nôtre et le remède se trouve dans notre volonté et notre esprit de justice envers nous-mêmes. La justice avant tout. Est-ce juste pour nous de sacrifier nos intérêts, nos ambitions légitimes, le droit reconnu et protégé dans chaque nationalité de se gouverner soi-même, pour assister l’avancement à des étrangers? Certes non. La position que nous avons prise nous sommes heureux de constater, se trouve, jusqu’à un certain point, appuyée par la presse anglaise. Le Globe de St Jean, parlant de ce qu’ont dit les journaux français au sujet de la nomination d’un catholique français au banc de la cour suprême, se prononce comme suit : “Il fait beau parler des injustices faites à la minorité mais faut-il jeter tout le blâme sur la majorité? Il gardons. L’opposition la plus forte à la nomination du juge Landry au banc de la cour suprême est venue d’un député aux Communes qui représente un comté français et qui est, lui-même, un catholique. Plus que cela, un autre catholique représente un comté où il y a un bon nombre de français, mais il n’a fait preuve d’aucun désir d’aider le juge Landry. Et encore, il y a deux ministres du Nouveau Brunswick dans le cabinet. Un d’eux est catholique et représente un comté français. Pour quelle raison n’ont ils pas insisté que justice fut rendue à la minorité?” Nous avons toujours maintenu que les catholiques avaient plein droit d’avoir un des leurs à la cour suprême et que celui-ci devait être français; nous réitérons aujourd’hui ce que nous avons avancé dans un article subséquent : si MM. Burns et Adams, au lieu de donner leur appui à un candidat qui n’avait aucune chance de succès, eussent voulu seconder les efforts de l’hon. M. Costigan, qui a fait son possible pour nous obtenir nos droits, les catholiques du Nouveau Brunswick n’auraient pas raison de se plaindre aujourd’hui et ces deux députés n’auraient fait qu’un acte de justice envers le peuple qui leur a donné l’influence qu’ils possèdent. La conduite de ces messieurs doit être condamnée par ceux qui désirent l’avancement de la minorité. Que les catholiques -- de toutes nationalités -- cessent de blâmer la majorité protestante; qu’ils entreprennent plutôt de choisir des hommes publics qui seront mus par un esprit de justice envers tous. * * * Il faut s’aider d’abord; ensuite nous pourrons chercher à l’étranger pour l’assistance qui nous est nécessaire, mais tandis que nous continuerons à élire des hommes de la trempe de M. Burns nous ne pouvons espérer que la défaite dans nos entreprises nationales. Il faut […] afin de faire valoir notre influence. Ce n’est pas un crime de demander et plaider nos droits. L’anglais, l’irlandais, l'écossais, chacune de ces nationalités s’unissent afin de protéger leurs droits respectifs; nous ne pouvons que les féliciter du patriotisme et du dévouement dont ils font preuve en de pareilles circonstances. Le français est-il plus méchant qu’eux, est-il plus esclave, qu’il ne peut jouir de ce même privilège sans s’assujettir au mépris et au criticisme de ces premiers? En demandant nos droits nous ne voulons faire aucune injustice aux nationalités qui nous entourent, et en invitant le député actuel de Gloucester de laisser le champ libre et de remettre aux Acadiens le pouvoir qu’il a usurpé, nous sommes convaincu que la minorité dans Gloucester recevra autant de justice d’un député français qu’elle a reçu de M. Burns par le passé et nos compatriotes des autres comtés auront le plaisir de voir que Gloucester a cessé d’être un obstacle dans la marche de notre progrès national. On nous dira, peut être que M. Burns est le choix de l’électorat du comté et que, par conséquent, cela doit satisfaire. Nous renions carrément que M. Burns a été le choix libre des électeurs de Gloucester. Son élection a été remportée par un océan de corruption et il n’a pu retenir son siege que par des intrigues de la part de ses amis. Il y a dans chaque comté du Canada un grand nombre d’électeurs qui, plus soucieux de leur bourse que du bien-être de leur pays, sont toujours prêts à vendre un suffrage, leur conscience, même leur liberté, pour une petite somme d’argent. Malheureusement ce système de corruption est pratiqué dans notre comté et les amis de M. Burns savent très bien en prendre avantage.