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Champlain en Acadie
Le dévoilement du Monument Champlain à St-Jean, Nouveau-Brunswick, donne de l’apropos à quelques notes sur la carrière de cet homme de génie auquel l’histoire a décerné le titre de « Père de la Nouvelle-France. »
S’il est vrai que Québec, fondé par lui en 1608, fut le principal théâtre de ses exploits, l’Acadie fut néanmoins le premier champ où il exerça ses belles qualités d’explorateur intrépide et d’incomparable colonisateur. Avant de jeter la fondation de Québec, il assista au berceau de Port Royal qui lui doit son nom et qui fut le siège de la première colonie française en Amérique.
Samuel Champlain naquit à Brouage, un petit village de la province de Saintonge, France, en l’année 1570, du mariage d’Antoine Champlain et de Marguerite LeRoy. Son éducation fut confiée au curé de la paroisse; c’est dire qu’il fut élevé dans les principes de la religion catholique. Sa jeunesse s’écoula dans le calme et la tranquillité. Son père marin, Champlain se familiarisa dès son bas âge à la mer et à la navigation. A l’âge de vingt ans, il fit partie d’une expédition contre les Huguenots. En 1600, il visita les Indes Occidentales et en profita pour approfondir ses connaissances sur la géographie, l’astronomie et la navigation. En 1603, il vint au Canada sur le vaisseau de Pont Gravé et arriva à Tadoussac le 24 mai. Il se rendit jusqu’à Québec et repassa en France en août de la même année.
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C’est en avril 1604, que le sieur de Monts laissant les côtes de la France pour venir établir une colonie en Acadie. Il était accompagné de Jean de Biencourt, sieur de Poutrincourt, un gentilhomme de la Picardie, de Samuel Champlain, de quelques prêtres catholiques et de quelques ministres protestants et d’au-delà de cents colons. Poutrincourt venait en Amérique avec le dessein de s’y fixer avec sa famille. Champlain était le géographe et l’historien de l’expédition de de Monts, qui atterrit à Port au Mouton. Champlain explora cette partie du pays qui s’étend du Port au Mouton à Port Ste-Marguerite, aujourd’hui appele la Baie Ste-Marie. Champlain ayant rapporté à de Monts que la Baie Ste Marie était un endroit favorable pour y établir une colonie, tous deux s’y rendirent et explorèrent la Baie Française,-- la Baie de Fundy. C’est au cours de cette expédition qu’ils découvrirent un havre magnifique que Champlain nomma Port Royal.
Trois rivières se jettent dans ce havre : la Rivière de l’Equille, la Rivière St Antoine et la rivière appelée de la Roche par Champlain, et de l’Orignac par Lescarbot.
Après avoir exploré ce havre, Champlain traversa la Baie Française à la recherche d’une mine de cuivre et visita Chignecto. Il découvrit une mine de cuivre sur des îles peu éloignées de ce dernier endroit.
Une expédition étant partie le 24 mai à la recherche d’un site convenable à la fondation d’une colonie permanente, Champlain s’arrêta à l’entrée d’une grande rivière qui fut nommée St-Jean, ce jour étant la fête de Saint Jean. Dans les relations qu’il a laissées de ses voyages, le hardi explorateur donne une description très minutieuse de la Rivière St-Jean, dont il observa les remarquables chutes. Désireux de s’établir pour l’hiver. de Monts se dirigea vers le sud et à l’entrée de la Rivière de Ste-Croix, ils débarquèrent sur l’île du même nom et y établirent des fortifications. Les français y établirent des fortifications. Les Français qui étaient restés à la Baie Ste Marie vinrent bientôt les y rejoindre. Tous étant désireux de travailler, ils construisirent un magasin et une résidence pour de Monts, ainsi qu’un petit moulin à farine. On se livra à la culture de la terre avec de bons résultats sur la terre ferme, mais peu de succès sur l’île, le terrain y étant trop sablonneux.
Durant l’hiver, le scorbut décima la petite colonie et sur soixante-dix-neuf colons, trente-cinq succombèrent à cette cruelle maladie, sans que le médecin de la compagnie ait pu enrayer les progrès de l’épidémie. Champlain a laissé un plan de l’île de Ste Croix et des diverses habitations qui y furent érigés.
Durant leur séjour sur cette île, de Monts et Champlain explorèrent le pays avoisinant et tentèrent plusieurs petites expéditions au cours desquelles ils entrèrent en relations avec les tribus sauvages qui habitaient cette contrée.
Durant l’été des provisions arrivèrent de France et mirent la colonie en pied de vivre. L’hiver précédent avait failli ruiner complètement l’établissement de Ste Croix et de Monts crut prudent de transporter ses pénates dans un pays dont le climat serait plus favorables. Il revint à Port-Royal où Champlain et Pont-Gravé l’avaient précédé afin de choisir un site convenable. Les colons se mirent immédiatement à l’œuvre, construisirent un magasin, avec une grande cave, une résidence pour de Monts et des habitations pour les ouvriers. La place fut fortifiée et, la colonie étant en bon état, de Monts retourna en France, laissant le commandement à Pontgravé.
Dans l’automne de l’année 1605, Champlain fit un voyage d’exploration sur la Rivière de St-Jean à la recherche de la fameuse mine de cuivre. Durant l’hiver, qui ne fut point si sévère que le précédent, douze colons sur quarante-cinq moururent du scorbut.
Champlain et Pontgravé avaient l’intention de retourner en France pendant l’été de 1606, et, désespérant de voir arriver les vaisseau que leur avait promis de Monts, ils lassèrent Port Royal pour se diriger vers le Cap-Breton ou la Gaspésie, à la recherche d’un vaisseau pour traverser l’Atlantique; mais à Canso ils rencontrèrent le secrétaire de de Monts, qui leur apprit que Poutrincourt, avec cinquante colons, avait fait voile pour Port-Royal. Étant revenus à ce dernier endroit, ils y trouvèrent en effet Poutrincourt et ses compagnons.
Dans l’automne de 1606, Champlain et Poutrincourt explorèrent le pays jusqu’à un endroit qu’ils appelèrent Port Fortuné (Chatham). Champlain, parlant de ce pays dans ses relations, dit que ce serait une excellente place pour y jeter la fondation d’un était si la rivière était plus profonde et son entrée plus facile. Poutrincourt planta une grande croix à Port Fortuné. Les Sauvages, que cette cérémonie avait évidemment ennuyés, tuèrent, la nuit suivante, quatre français qui avaient commis l’imprudence de rester à terre; ils furent enterrés près de la croix. Les sauvages ayant jeté la croix à terre, Poutrincourt ordonna qu’elle fût remise en position.
A leur retour à Port-Royal, les voyageurs furent reçus avec grande pompe. Le port était pavoisé de décorations et d’inscriptions. On joua une petite pièce écrite par Lescarbot et intitulé « Le Théâtre de Neptune. »
Lescarbot, qui était un avocat de Paris, était l’âme de la petite colonie. Garneau, dans son « Histoire du Canada », dit de cet homme :
« Celui qui rendit alors les plus grands services à Port-Royal fut le célèbre Lescarbot, homme très instruit et le premier qui ait indiqué les vrais moyens de donner à un établissement colonial une base durable. Il représenta que la culture de la terre était la seule garantie de succès, qu’il fallait surtout s’y attacher; et, passant des paroles à l’action, il donna lui-même l’exemple à ses compatriotes. Il animait les uns, dit un auteur, il piquait les autres d’honneur, il se faisait aimer de tous, et ne s’épargnait lui-même en rien. Il inventait tous les jours quelque chose de nouveau pour l’utilité publique, et jamais on ne comprit mieux de quelle ressource peut être, dans un jeune établissement, un esprit cultivé par l’étude, et qui se sert pour le bien commun de connaissances et de ses réflexions. C’est à lui que nous sommes redevables des meilleurs mémoires que nous possédions sur la fondation de l’Acadie. On y trouve un auteur exact et judicieux, un homme qui a des vues étendues et qui est aussi capable d’établir une colonie que d’en écrire l’histoire.
« Une activité aussi intelligente porta bientôt ses fruits. On fit du charbon de bois; des chemins furent ouverts dans la forêt; on construisit un moulin à farine, lequel, étant mû par l’eau, épargna beaucoup de fatigues aux colons, qui avaient été obligés jusque-là de moudre leur blé à bras, opération des plus pénibles; on fit des briques et un fourneau, dans lequel fut placé un alambic pour clarifier la gomme de sapin et en faire du goudron; enfin tous les procédés des pays civilisés furent mis en usage pour faciliter les travaux dans le nouvel établissement. Les sauvages, étonnés de voir naître tant d’objets qui étaient des merveilles pour eux, s’écriaient dans leur admiration : « Que les Normands savent de choses »
L’hiver de 1606-7 ne fut pas très sévère. Quelques habitants seulement moururent du scorbut. Les colons se livrèrent à la chasse dont les fruits abondants leur permirent de faire bonne table. On organisa une société que Champlain appela l’ « Ordre du Bon Temps. » Les frannouèrent d’amicales relations avec les sauvages et Membertou, le chef des Souriquois, fut admis à la table de Poutrincourt.
Champlain et Lescarbot s’embarquèrent pour la France le 2 septembre 1607, à bord du « Jonas », vaisseau commandé par Nicholas Martin. Champlain était resté en Acadie trois ans et cinq mois.
Il revint à Québec en 1608. Nous n’entreprendrons point de tracer ici l’histoire de sa vie à partir de cette date jusqu’à sa mort arrivée le 25 décembre – le jour de Noël – en 1635, le but de cet article étant simplement de mettre sous les yeux de nos lecteurs les principaux évènements qui signalèrent son passage en Acadie.
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Terminons cet article en citant quelques passages tirés de l’ « Histoire du Canada », de Garneau :
« Doué d’un jugement droit et pénétrant, d’un génie pratique, Champlain pouvant concevoir et suivre, sans jamais s’en écarter, un plan étendu et compliqué. Trente ans d’efforts pour établir le Canada prouvent sa persévérance et la fermeté de son caractère. Il conserva la possession d’immenses contrées à la France, à l’aide des missionnaires et par le moyen d’alliances contractées à propos avec les indigènes… Il a laissé une relation de ses voyages, dans laquelle on trouve un observateur judicieux et attentif, un auteur fidèle, rempli de détails sur les mœurs des aborigènes et la géographie du pays… Champlain avait une belle figure, un port noble et militaire, une constitution vigoureuse, qui le mit en était de résister à toutes les fatigues de corps et d’esprit qu’il éprouva dans sa rude carrière : il ne traversa pas moins de vingt fois l’Atlantique pour aller défendre les intérêts de la colonie à Paris. »
« Il ne paraît pas qu’il ait laissé d’enfants. Les récollets commencèrent à tenir les registres de Notre Dame de Québec en 1621. Lorsqu’on ouvre le premier de ces cahiers, une curiosité bien excusable, dit M. Ferland, porte à y chercher quelques souvenirs de Champlain et de sa famille, dont les autres documents contemporains ne nous disent presque rien. On aimerait à pouvoir suivre la postérité du fondateur de Québec, au sein de la population à qui il avait ouvert une nouvelle patrie; on voudrait connaître quelles familles canadiennes ont le droit de le compter parmi leurs ancêtres. J’ai constaté avec un véritable chagrin, après une recherche soigneuse, qu’il n’existe probablement pas un seul descendant de Champlain dans la colonie qu’il a créée et au milieu de laquelle reposent ses cendres. »