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SERMON
Après la messe le Révd M. M. F. Richard monta en chaire et fit le sermon de circonstance. Nous sommes heureux de pouvoir reproduire ici ce morceau d’éloquence, qui a ému tous les cœurs:
Beatus populus cujus Dominus Deus ejus.
Heureux le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu.
Mes Chers Frères et Compatriotes,
Les nations comme les individus sont avides de bonheur. Tous les peuples ont voulu être heureux: mais combien de fois ne se sont-ils pas trompés et sur la nature du bonheur et sur les moyens d’y parvenir? Les uns ont fait consister le bonheur national dans la puissance et les conquêtes. Ceux-ci dans les richesses, les plaisirs et les aménités de la vie. Ceux-là dans l’affranchissement des lois et tout ce qui peut gêner la liberté. Quelques-uns dans le développement intellectuel et le progrès purement matériel. D’autres enfin ne voient le vrai bonheur que dans la possession de toutes ces choses. Erreur, aveuglement, folie, vanité des vanités! Toutes ces choses ne sont tout au plus que les apparences du bonheur et ne sauraient au moins par elles-mêmes rendre un peuple véritablement heureux. Non, ce n’est pas là qu’il faut chercher les suprêmes consolations du bonheur des nations.
Ce qui est capable de faire le bonheur des individus fera aussi, mes frères, le bonheur des peuples. - Où les individus trouvent-ils le bonheur? Dans la crainte de Dieu et la fidèle observation de ses lois. *Beatus vir qui timet Dominum. Beati . . . . qui ambulant in viis ejus.+ Heureux l’homme qui craint le Seigneur et qui marche dans la voie de ses commandements. Heureux aussi sera le peuple qui reconnaîtra le Dominateur des nations comme son souverain maître et demeurera fidèle à sa loi. Beatus populus cujus Dominus Deus ejus.
C’est donc dans la religion que les peuples doivent chercher le secret du bonheur. Mes Frères, le spectacle qui s’offre à mes regards dans cette circonstance est bien propre à nous remplir de joie et nous inspirer les plus belles espérances. Nous voyons un peuple réuni pour délibérer sur ses intérêts les plus chers et travailler dans l’union la plus intime et la plus touchante à rendre heureux tous les membres dispersés de la grande famille. Son premier acte, c’est une protestation solennelle de son inviolable attachement à la religion de ses pères. Il se prosterne avec respect devant l’autel du Sacrifice et adore la Victime immolée pour le salut des peuples. Au début de ses délibérations il invoque sur lui la bénédiction du Très-Haut. Puisse sa prière être exaucée. Que la sagesse divine dirige ses pas, et fasse le ciel qu’il ne s’écarte jamais de la voie qui conduit sûrement au bonheur. Puisque c’est dans la religion que nous devons trouver le bonheur, pénétrons-nous bien de sa souveraine importance pour les peuples. Nous verrons ce qu’elle a fait pour les Acadiens en particulier, et nous rechercherons quels sont les moyens les plus propres à nous conserver dans la foi et l’esprit religieux que nous ont légués nos pères. De là trois considérations:
1. La religion est seule capable de rendre un peuple véritablement heureux.
2. Influence de la religion sur le peuple acadien.
3. Moyens de nous maintenir dans l’esprit religieux de nos pères.
J’affirme donc en premier lieu que la religion est seule capable de rendre un peuple véritablement heureux. Ne nous méprenons pas, M. F., sur le caractère de la religion dont il est ici question. Je n’entends parler que de la vraie religion, celle que le Fils de l’Homme est venu enseigner aux hommes, et qui fait le caractère et la forme de l’Église catholique, apostolique et romaine. C’est la seule qui soit digne du nom de religion. C’est elle seulement qui, au moyen des liens sacrés de la vraie foi, dont le précieux dépôt lui est exclusivement confié, et de la charité divine, qu’elle seule peut alimenter, est capable de lier les âmes à Dieu et les peuples au Souverain Arbitre de leurs destinées.
Pour le peuple acadien, d’ailleurs, il ne peut être question que de la foi catholique. Il ne reconnaît pour l’épouse de Jésus-Christ que la sainte Église romaine, et à moins de fausser complètement son caractère, ce qu’à Dieu ne plaise, il ne professera jamais d’autre religion que la religion qui a fait la gloire de ses ancêtres. Pour nous convaincre que le bonheur des peuples ne se trouve que dans la religion, consultons l’Écriture - l’histoire et la raison.
L’homme avait été créé pour jouir d’un bonheur parfait. Sa vie sur la terre devait être exempte de misère et de peine, et après son court passage ici-bas, il devait passer dans la bienheureuse éternité. D’où vient donc ce changement dans la condition de l’homme? Pourquoi cherche-t-il encore vainement le bonheur sur la terre? C’est que les premiers représentants de tous les peuples, Adam et Eve, ont été infidèles à la loi du Seigneur. Ils ont été heureux jusqu’au moment où il sont désobéi à Dieu, et après cette désobéissance le malheur est entré dans le monde, et tous les peuples ont dû subir le châtiment de cette prévarication. Ainsi le genre humain, disons toutes les nations, sont devenues malheureuses, parce que nos premiers parents, en se laissant tromper par une fausse apparence de bonheur, se sont écartés de la loi du Seigneur. Écoutez le langage du Seigneur à Salomon. Lorsque ce prince succéda à Daniel, son père, le Seigneur lui apparut et lui dit: *Maintenant que vous êtes sur le trône, demandez-moi ce que vous voudrez.+ Salomon demanda la sagesse et la crainte de Dieu. *Vous avez bien fait, dit le Seigneur, en ne me demandant pas les biens terrestres, les honneurs et les richesses[.] Je vous accorde ce que vous désirez, la sagesse et l’intelligence, un cœur droit qui marche dans la voie de mes commandements.+ De plus, le Seigneur l’enrichit de tous les biens, et on a pu dire: Heureux comme Salomon. Mais ce prince, devenu infidèle, s’abreuva aussi à la coupe de l’infortune.
N’est-il pas dit dans l’Évangile en mille endroits et en tant de manières différentes, que le bonheur consiste à craindre Dieu et à observer sa loi. Beati omnes qui timent Dominum, dit le psalmiste. Quels sont ceux que Jésus-Christ déclare bienheureux. Il nous dit: Beati mites, beati misericordes, beati qui persecutionem patiuntior. Ce sont ceux qui pratiquent la douceur, la miséricorde, la patience et les autres vertus évangéliques. Il dit encore: Beati qui audient verbum Dei et custodiant illud. Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. L’histoire profane est remplie de faits éclatants confirmant cet avancé. Les peuples anciens qui avaient fait consister leur bonheur dans les triomphes de leurs armes, l’étendue de leurs conquêtes, la satisfaction de leurs plaisirs, la grandeur de leurs richesses et les variétés d’une science menteuse, ont disparu entièrement de la face de la terre, sans avoir jamais connu le bonheur. les plus puissantes et les plus célèbres des nations modernes, l’Angleterre, la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et l’Allemagne, ont connu d’heureux jours quand les souverains et les sujets étaient les enfants soumis de l’Église et n’avaient rien de plus à cœur que d’obéir aux préceptes divins. Les hérésies, les apostasies, l’orgueil, des voluptés, la soif des richesses, ont saisi à leur tour ces peuples, autrefois si chrétiens, et le bonheur n’est plus pour eux qu’un souvenir des âges lointains.
Après l’Écriture et l’histoire, la raison vient à son tour nous montrer que, sans la religion, il est impossible pour un peuple d’arriver au bonheur. Trois choses sont indispensables pour arriver au bonheur: la modération dans les désirs et dans les jouissances des biens terrestres; la résignation dans les épreuves et la confiance dans la Providence. Or, la religion seule peut inspirer ces vertus. La modération dans les désirs ne trouve sa raison d’être que dans le sentiment religieux. C’est la religion seule qui nous apprend à mettre une borne à cette ambition effrénée qui nous tourmente, à ces désirs insatiables qui nous dévorent. C’est elle qui nous rappelle à chaque instant que notre cœur ne trouvera jamais de repos ici-bas s’il se laisse gagner par la cupidité et ne sait se contenter des modestes avantages que la Providence a bien voulu lui accorder. L’Évangile nous dit d’ailleurs: Beati pauperes. Il y a donc plus de bonheur dans l’humble demeure de l’indigent que dans les fastueux palais des riches.
La vie de l’homme sur la terre est un combat continuel, dit le sage. En effet, dès son entrée dans la vie jusqu’au moment du départ fatal, depuis le berceau jusqu’à la tombe, tout mortel doit rencontrer sans cesse sur ses pas des contrariétés et des épreuves. Sa vie est composée de chagrins et de douleurs - les passions, les misères, l’ambition, les jalousies, les maladies, les souffrances, la mort, l’incertitude de l’avenir, les regrets du passé, les peines du présent, tout contribue à le pousser vers le malheur. Sa vie même lui devient un fardeau. Si, au milieu de ces difficultés, la religion ne se présente à l’homme pour faire entendre ses divines consolations, et lui rappeler que l’adversité est le véritable chemin qui conduit au bonheur durable, il tombera fatalement dans le désespoir et mettra le comble à ses maux. Qu’il serait à plaindre l’homme qui, dans son isolement et sa faiblesse, ne se sentirait pas soutenu au milieu de ses misères, par la pensée qu’il y a un Dieu qui veille à tous ses besoins, qui prend part à toutes ses afflictions et ne l’abandonnera jamais. N’est-ce pas cette confiance en la divine Providence qui diminuera pour lui le fardeau de la vie et lui rendra légères les plus fortes épreuves en lui rappelant qu’elles sont mesurées à son courage, et que son Dieu le soutient au milieu de tous les périls. Ainsi les véritables chrétiens qui donnent à Dieu le nom de père, le bénissent dans la maladie comme en santé, dans l’adversité comme dans la prospérité, au sein de la pauvreté comme au faîte des richesses, et aiment à placer en lui tout leur espoir.
De plus, pour qu’un peuple soit heureux, il faut que les éléments divers qui le composent soient liés et agissent de telle sorte qu’il résulte de leur union et de leur action une commune jouissance, un commun bonheur. Les individus qui forment ces éléments divers, ont des intérêts communs et particuliers à faire avancer et à sauvegarder. Si la religion n’intervient pour établir l’harmonie dans toutes les parties, il n’y régnera que confusion et désordre. Les souverains et les guides du peuple ne peuvent maintenir leur autorité à moins que les lois qu’ils établissent ne soient basées sur les principes de la religion et de l’équité.
Considérons maintenant l’influence de la religion sur le peuple acadien. C’est un fait indiscutable que l’Acadie a été fondée par des colons venus de la vieille France, alors si catholique, dans l’unique but d’étendre le règne de Dieu aussi bien que le domaine de la patrie. Le choix exceptionnel qu’on a fait des premiers colons français envoyés pour s’emparer du sol de l’Acadie, parle hautement en faveur du grand roi qui siégeait alors sur le trône de Saint Louis, et de ses ministres. Louis XIII venait de faire vœu de consacrer sa personne, ses sujets et son royaume à Marie, à la Reine de l’Assomption - la France était à une époque de grande ferveur religieuse. Nos premiers ancêtres, animés des sentiments les plus chrétiens, jettent les fondements de Port-Royal, berceau des Acadiens. C’est sous l’inspiration de la religion et sous la protection de Marie, que nos pères ont passé l’océan et se sont emparés du sol, et l’histoire de cette colonie naissante sera la plus belle démonstration de l’influence de la religion sur les peuples. À peine ce noyau de peuple eût-il a oublié les douleurs de la séparation d’avec la mère-patrie et commencé à recueillir les fruits de ses rudes labeurs, que la persécution vint fondre sur lui; mais le peuple acadien, qui avait appris de ses pieux missionnaires à se résigner dans l’adversité et les épreuves, se contenta d’aller prier au pied de l’autel Celui en qui il avait mis toute sa confiance. Mais que les desseins de Dieu sont impénétrables. Ce temple qui avait été érigé à sa gloire au prix de grands sacrifices, ce temple où les colons, dans leurs tristesses, allaient chercher la consolation, ce temple devient tout à coup, le dirai-je? il devient une prison et toute la population devient captive. Vous ferai-je la description d’une scène dont le récit est un des plus touchants dans l’histoire des peuples. Je regrette d’avoir à constater que le drapeau britannique, qui nous abrite si heureusement, ait flotté sur l’église de Grand Pré en ce jour néfaste. Cependant, c’était un événement providentiel. Ces pauvres habitants de Grand Pré sont dans les fers et on les entasse comme de vils esclaves sur des vaisseaux anglais. Oh! quelle déchirante séparation! L’époux est forcé de se séparer de son épouse et de ses enfants. On ne tient aucun compte des pleurs de tous ces infortunés, et ces vaisseaux s’éloignant de ces rivages autrefois si heureux, sont dirigés vers les différentes colonies anglaises. L’Acadie sera-t-elle anéantie? Ce petit peuple est donc destiné à périr! Non, elle survivra encore et elle prendra son rang au nombre des peuples les plus heureux et les plus prospères. Ni Boston, ni Philadelphie, ni la Virginie, ni les Carolines, ne peuvent faire fléchir la fière vertu, la noble indépendance de ces proscrits. Au milieu de leurs plus cruels ennemis, ils conservent toute la dignité que donne une conscience maîtresse d’elle-même; et dans les fers même glorifient le Dieu qu’ils adoraient et honorent la religion qui les rendait encore plus grands que leurs malheurs. Les États-Unis ne purent les garder longtemps. Le Canada et la Louisiane, ces terres lointaines habitées encore par des Français, virent arriver un grand nombre de ces exilés et les accueillirent comme des frères, qui avaient droit à toutes les sympathies. Quelques années après, lorsque la France et l’Angleterre déposèrent les armes, presque tous ceux qui restaient dans les États de la Nouvelle-Angleterre entreprirent de regagner par terre la patrie que rien de pouvait remplacer. Cette vieille paroisse de Memramcook les vit passer sur son territoire et leur offrit cette généreuse hospitalité toute acadienne que nous nous faisons gloire de pratiquer encore. Sur cent cinquante familles parties de Boston, cent trente arrivèrent jusqu’ici, soixante acceptèrent les offres d’établissement que leur firent leurs bons compatriotes, et les soixante-dix autres regagnèrent l’antique Acadie, cette terre chérie où ces nobles débris d’un peuple héroïque, toujours animé de la même confiance envers la Divine Providence, se remirent courageusement à l’œuvre et assurèrent à ses descendants un domaine qui forme encore aujourd’hui la plus belle partie de l’Acadie. Sur nos rivages, les clameurs de la guerre ne retentissent plus depuis longtemps. Un long siècle de paix nous a permis de réparer les déplorables résultats d’une ruine qui a failli être complète. Le bonheur est revenu dans nos humbles demeures. Les vertus de nos pères, que nous conservons comme nos traditions nationales avec un zèle si constant, continuent, grâce à notre attachement sans borne à la foi de nos pères, à nous rendre aussi heureux qu’on peut l’être ici-bas. L’influence que la religion exerce encore sur nous, ne peut que nous donner à cet égard d’heureuses espérances! Mais cela ne doit pas nous faire négliger les moyens de nous conserver le caractère religieux de nos pères. Parmi ces moyens, trois surtout me paraissent dignes de toute notre attention. Ce sont la colonisation, l’agriculture et l’éducation.
Coloniser a été l’œuvre par excellence du peuple acadien, et la colonisation de toutes ces provinces est un de ses plus grands titres de gloire. Sur les bords de la baie de Fundy comme sur les rivages du golfe, su Bras d’Or, du Miramichi, du Saint-Jean et de la Baie des Chaleurs, à l’Ile Saint-Jean comme au Cap-Breton et au Madawaska, partout les forêts ont été abattues par les bras des Acadiens, et sur ce sol si vaillamment défriché, nous avons imprimé avec nos sueurs le souvenir ineffaçable de notre génie colonisateur. Restons dans ces nobles traditions, étendons encore le domaine de la patrie. Nous devons faire pour nos descendants ce que nos pères ont fait pour nous, nous emparer de tous ces territoires encore inoccupés qui doivent appartenir aux plus vaillants. Montrons que ce n’est point un sang appauvri qui coule dans nos veines, et que nous sommes réellement les descendants non dégénérés de ces valeureux colons du 17e siècle qui ont si bien rempli la mission que la Providence leur avait confiée sur ce continent. Allons dans la forêt, Acadiens, les dangers qui nous y attendent sont moins à craindre que ceux que nous trouvons sur des terres appauvries, dans les séductions des cités, ou sous un ciel étranger. Établissons encore de nouvelles colonies, elles augmenteront notre force, multiplieront notre nombre, rendront de plus en plus sensible aux yeux des autres peuples la nécessité de notre existence, et nous aideront merveilleusement à nous conserver aussi religieux que l’étaient nos pères.
Les Acadiens ont été colonisateurs parcequ’ils ont été avant tout agriculteurs. Sans l’agriculture, pas de colonisation vraiment digne de ce nom. Nos pères ont été les premiers Européens qui apprirent au Nouveau-Monde l’art de travailler la terre, et leur réputation comme agriculteurs a survécu à leurs désastres. Nous, descendants du premier peuple agricole de ce continent, serons-nous incapables aujourd’hui de comprendre les avantages de l’agriculture? Ah! souvenons-nous toujours que le malheur seul a pu obliger nos pères, au siècle dernier, à rompre pour un temps avec cette noble tradition, et que des jours plus heureux doivent nous encourager dans la poursuite de cette noble carrière. La charrue, voilà ce qu’il faut à un Acadien, aujourd’hui comme autrefois. La culture de la terre fera notre force, contribuera puissamment à notre bonheur et montrera au monde que les Acadiens du 19e siècle aiment toujours à conserver les meilleurs traditions des Acadiens des deux siècles précédents.
L’éducation, à notre époque, est une arme plus puissante que jamais, et tous les peuples la regardent, à bon droit, comme indispensable à leur existence. Les Acadiens aussi doivent être animés de ce sentiment; ils l’ont toujours été, d’ailleurs, et il ne sera jamais permis de le considérer comme un peuple sans éducation. N’ont-ils pas eu, pendant toute l’époque de leur histoire, à se tourmenter pour se procurer la meilleure de toutes les éducations - l’éducation religieuse? Que de sacrifices ne se sont-ils pas continuellement imposés pour avoir des prêtres au milieu d’eux, afin de n’être jamais privés de l’enseignement de la Science divine sans laquelle toutes les autres ne sont rien! Au point de vue de l’instruction religieuse, il nous sera toujours permis de dire avec fierté que les Acadiens peuvent soutenir avantageusement la comparaison avec les peuples les plus favorisés sous ce rapport. Conservons ce précieux avantage, mais ajoutons-y de plus la connaissance de toutes les sciences qui, à notre époque, constituent l’instruction proprement dite; et à l’éducation religieuse, qui affermit si bien la volonté, dirige si sagement le cœur, conduit si sûrement au vrai but de la vie, ajoutons cette éducation profane qui éclaire l’esprit et rend un peuple capable de prétendre à tous les avantages de la société. Réjouissons-nous, d’ailleurs, Acadiens; ce qui était impossible à d’autres époques, en devient extrêmement facile dans la nôtre. Vous voyez ici un établissement, le collège St-Joseph, qui a rendu déjà d’immenses services à notre nationalité. Il continuera encore sa mission, encourageons-le de plus en plus et montrons que nous apprécions pleinement le bien qu’il nous fait, et la nécessité de l’instruction. Il y a encore d’autres établissements dans les différentes provinces, soutenons-les, et nous assurerons partout un de nos plus précieux intérêts.
Voilà, chers frères, les considérations qui se présentent à mon esprit en ce grand jour. Elles partent d’un cœur acadien, et je le sais, elles trouveront un généreux écho dans le cœur de tous mes compatriotes. Nous continuerons de chercher le vrai bonheur dans la religion, qui a eu sur notre caractère national une si heureuse et si puissante influence. Nous serons toujours fidèlement attachés à nos nobles traditions religieuses et nationales. Nous aurons pour notre sainte religion le grand amour que lui ont toujours porté nos pères, et nous conserverons avec un soin jaloux toutes leurs traditions - leur belle langue comme toutes les touchantes coutumes qu’ils nous ont laissées, et puisque la colonisation, l’agriculture et l’éducation sont les trois plus puissants moyens d’atteindre ce but, nous fonderons partout des colonies, nous encouragerons leurs fondateurs et nous les soutiendrons généreusement. Nous cultiverons nos terres avec un plus grand soin, nous perfectionnerons notre culture, et cette occupation, qui a été celle de nos pères, sera toujours en honneur parmi nous. Enfin, nous ferons donner à nos enfants une grande et forte éducation, et, plus heureux que nous, ils seront dans l’avenir capables d’assurer le triomphe pacifique et complet de la cause acadienne, désormais sauvée du naufrage. Daigne le Seigneur protéger son peuple, et Marie protéger ses enfants.