Mort de M. Louis Adrien Rameau de Saint-Père

Journal
Année
1891
Mois
7
Jour
16
Titre de l'article
Mort de M. Louis Adrien Rameau de Saint-Père
Auteur
E. Biron
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
MORT DE M. LOUIS ADRIEN RAMEAU DE SAINT-PÈRE Les bons Acadiens de la baie Ste-Marie, pour lesquels l’éminent historien de l’Acadie, M. Rameau de St-Père, a toujours eu une prédilection particulière, ne manqueront pas de s’associer à la douleur de famille que vient d’éprouver cet homme de bien. Parmi les 4 enfants que M. Rameau avait eu la joie de voir grandir, il y avait trois filles. L'ainée, Louise, devenue Mme Dubois, est morte, il y a 5 ans, après 3 années d’heureux mariage, laissant deux bébés et un époux inconsolable. La seconde, Mlle Jeanne, a pu, il y a 3 ans, réaliser un projet longtemps caressé, et visiter l’Acadie et le Canada avec ses parents. La 3ème, Solange, n’a encore que 10 ans et se prépare à faire sa 1ère communion dans 2 ans. Un fils, Louis, âgé de 17 ans, était particulièrement la joie et l’espoir de cette famille dont il devait perpétuer le nom désormais illustre. L’enfance de Louis passée auprès de ses bons parents, l’été à Saint-Père, l’hiver à Paris, avait été des plus riantes. Après sa 1ère communion, faite à St. Thomas d’Aquin, sa paroisse de Paris, à la suite de la meilleure des préparations et dans les sentiments de la plus angélique piété, il avait été placé comme pensionnaire dans le beau collège de Bellevue dans le Berry, pays d’origine d’une partie de la famille Rameau. Sous la direction de son père, Louis avait fait des études primaires si solides qu’il se plaça de suite au premier rang en 5ème classe dans laquelle il débuta. Grâce à son travail et à son intelligence, il sut se maintenir dans la position prise dès son entrée au collège et, cette année, il arrivait en rhétorique avec la certitude de réussir facilement aux examens de baccalauréat de la fin de l’année. Mais les rêves de la jeunesse, comme les espérances si légitimes des parents, des maîtres et des amis ne devaient pas cette fois, se réaliser. La maladie, une inconnue jusqu’à cette époque pour cet enfant, fit son apparition dès le mois d’octobre et cloua bientôt sur un lit de douleur, ce jeune et gracieux adolescent qui n’avait encore goûté que les joies de l’existence. Le retour à la maison paternelle, ce cher St-Père, séjour préféré du repos et de la joie, le transport à Paris à portée de tous les secours de la science, ne purent arrêter le travail de la mort qui déjà avait marqué de son empreinte ce corps jadis si plein de vie. Les soins aussi intelligents que dévoués de parents incomparables, l'affection de nombreux amis et surtout les secours d’en Haut, ont adouci les derniers jours de douleurs passés ici-bas. Jésus, dans le sacrement de son amour, a visité souvent cette belle âme qui, au jour radieux de sa 1ère communion était déjà si heureux de posséder son Dieu pour la première fois. Une dernière douleur lui était réservée avant l’épreuve finale. Son ami le plus cher, Raymond Hardy, son cousin, (fils de l’éminent architecte diocésain de Cambrai, Alby et Nancy) un des élèves les plus distingués du célèbre collège Stanislas à Paris, mourut à 18 ans d’une fluxion de poitrine qui, en quelques jours, triompha de la plus belle constitution. Cet aimable jeune homme, grâce aux leçons puisées dans une famille également chrétienne, était doué aussi des plus beaux sentiments de piété. Dans les angoisses de la maladie, il demanda de lui-même à célébrer par la communion le jour anniversaire où son Dieu l’avait visité pour la première fois. C’était sa pieuse coutume chaque année. Cette fois, ce fut sa dernière fête sur la terre. Malgré tout, Louis Rameau à qui on voulait laisser ignorer la mort de Raymond Hardy, apprit la fatale nouvelle; de suite il demanda à communier le lendemain, afin d’offrir à Dieu cette communion pour son cousin et, consolé par cet acte de foi, il s’éteignait doucement un jour après et allait rejoindre dans le séjour des bienheureux, tout fait l’espérer, le cher et aimable ami qui venait de dire aussi un éternel adieu an monde et au plus brillant avenir. Louis dort maintenant du dernier sommeil dans le petit cimetière de l’église d’Adon. Selon son dernier vœu, ses restes ont reposé, une dernière nuit, à St. Père et les bons fermiers de la famille les ont porté à la modeste église de village où toute la commune d’Adon si sagement administrée par M. Rameau, qui en est maire depuis près de 40 ans, est venue lui rendre les derniers devoirs. L’aristocratique église de St. Thomas d’Aquin, dans un service plus solennel, a vu, quelques jours après, tous les amis de l’Acadie et du Canada, ainsi que presque tous les Canadiens présents à Paris, se joindre aux parents et aux amis de la famille Rameau pour honorer une dernière fois la mémoire bénie du jeune défunt et témoigner à sa chère famille la part prise par tous à cette perte cruelle. Puisse cette sympathie universelle, qui trouvera tant de fidèles échos en Acadie et au Canada, adoucir une douleur si légitime! et que Dieu conserve encore aux Acadiens, pour de longues années, le créateur de leur histoire et leur meilleur ami, dont le courage, en ces tristes jours, a été digne d’un vrai père chrétien!! Mme Rameau de St. Père, dont l’amour pour l’Acadie ne le cède en rien à celui de son mari, a été aussi à la hauteur de la mission que doit remplir ici bas une mère vraiment chrétienne. E. BIRON, ptre.