Conventions nationales des Acadiens (Robidoux) - 1881 - p70-72

Year
1881
Article Title
Discours du Révd. F. X. Cormier, Curé de Richibouctou
Author
Révd. F. X. Cormier
Page Number
70-72
Article Type
Language
Article Contents
M. le Président, Mon intention était de donner un vote silencieux sur la question de la fête nationale; mais l’appel qu’on vient de me faire me force de dire quelque chose; cependant mes remarques seront très courtes. Pour commencer, je dois dire que je suis chagrin [sic?] d’avoir à différer d’opinion avec mon ami, l’hon. P. A. Landry, avec qui - comme il le sait bien - j’ai coutume de m’accorder. De plus mes sympathies devraient être pour la fête choisie à Memramcook il y a déjà plusieurs années, car je suis enfant de la paroisse et je me rappelle lorsque j’étais au collège d’avoir fêté la Saint-Jean-Baptiste avec autant d’entrain et de joie que n’importe qui, mes anciens compagnons de collège ici présents m’en sont témoins. Malgré tout cela je dois m’opposer à l’adoption de la Saint-Jean-Baptiste pour fête nationale, car j’y vois une question de vie ou de mort pour les Acadiens comme peuple. En adoptant la Saint-Jean-Baptiste pour fête nationale des Acadiens, nous ferons une fusion des Canadiens et des Acadiens, et nous, nous voulons les conserver peuples distincts; car, il faut bien l’admettre, les usages, les manières et les coutumes des Acadiens ne sont pas les mêmes que ceux des Canadiens. Ils diffèrent en quelque chose; il serait peut-être difficile de dire en quoi consiste ce quelque chose, mais il y a une différence marquée cependant. Les voyageurs qui ont visité les groupes acadiens du Canada et de la Louisiane ont remarqué cette différence de manières, d’usages et de coutumes, quoiqu’il y ait plus d’un siècle qu’ils sont entourés de races étrangères. Ils ont encore quelque chose de distinctif et qui les constitue pour ainsi dire un petit peuple à part; et cette distinction est si bien connue, que les étrangers aiment à nous faire étriver quelquefois, comme faisait un monsieur de Montréal il y a quelques années en me disant *entêté comme un Cayien+. Je ne sais trop si cette remarque contenait un reproche ou une louange, mais moi, dans toute ma simplicité, je la pris pour une grande louange: car l’entêtement peut avoir son bon côté, et j’aime à croire que les Acadiens sont presque toujours du bon côté!!! J’ai consulté sur ce sujet de fête nationale, une homme du Canada; marquant par sa science et sa sainteté; et il m’a répondu que si les Acadiens ne voulaient pas se fusionner avec les Canadiens, il pensait qu’il nous fallait choisir une fête nationale tout autre que celle des Canadiens. Pour ces raisons, je crois devoir voter pour l’adoption de l’Assomption comme fête nationale des Acadiens de préférence à la Saint-Jean-Baptiste. En disant tout ceci je ne crois pas froisser les Canadiens qui sont nos frères; et parmi lesquels je compte des amis les plus intimes. J’ai vécu six ans au milieu des Canadiens au Canada et en bons termes encore, et j’étais aussi acadien que je le suis maintenant, et je pense que les Canadiens ne m’en voudront pas pour vouloir rester acadien et pour vouloir adopter une fête qui nous aidera à demeurer acadiens, tout en continuant à cultiver l’amitié des Canadiens. - Quelques-uns m’ont fait la remarque que les Acadiens devraient adopter la Saint-Jean-Baptiste comme les Irlandais de toutes les parties de l’Amérique ont pris Saint Patrick pour patron. Mais pour les Acadiens il n’y a pas de parité. Les Irlandais viennent d’Irlande; mais les Acadiens ne viennent pas du Canada, l’Acadie n’est pas une colonie du Canada mais bien de France. J’admire les Irlandais, qui malgré les difficultés sans nombre sont fiers d’avoir conservé leur nationalité, leur religion et leurs coutumes. Les Anglais ont voulu les fusionner avec eux et les Écossais; mais ils n’ont pu réussir et j’espère que les Acadiens seront aussi vaillants qu’eux et qu’ils feront tout en leur pouvoir pour rester acadiens et qu’ils ne feront rien qui ressemblerait à un suicide national et qui serait propre à faire disparaître le nom d’Acadiens des provinces maritimes.