Digby, N. E., 21 Mars, 1888.

Journal
Année
1888
Mois
3
Jour
21
Titre de l'article
Digby, N. E., 21 Mars, 1888.
Auteur
Valentin Landry
Page(s)
2
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
Digby, N. E., 21 Mars, 1888. Mr. L’ABBE H. R. CASGRAIN ET LES ACADIENS Nous sommes heureux de pouvoir publier, cette semaine, une lettre du grand ami de la nation acadienne, M. l’abbé H. R. Casgrain, Docteur-ès-Lettres. L’auteur d’Un Pèlerinage au Pays d’Evangéline, connu longtemps avant la publication de ce beau monument historique pour une des gloires littéraires les plus pures du Canada, vient encore de faire un long et pénible voyage dans l’intérêt de notre histoire. Comme on peut le voir par la lettre de cet écrivain distingué, tout n’a pas été dit des malheurs qu’eurent à subir nos infortunés ancêtres; beaucoup de choses, qui nous seront révélées plus tard, sont jusqu’ici demeurées dans l’obscurité pour couvrir ou pallier les iniquités contre les Acadiens. Le livre que vient de publier M. l’abbé Casgrain jette des flots de lumière sur la situation première de notre peuple encore jeune; les pages qui y seront ajoutées parachèveront le tableau nébuleux de la nation acadienne – nation qui mérite d’autant plus de sympathies qu’elle a été plus singulièrement persécutée. Memento dierum antiquorum : (Deut, XXXII, 7.) on se souvient de ce temps de malheurs; de la conduite inouïe des persécuteurs de la nation, les Lawrence et les Winslow; on assiste à ces scènes du dix-huitième siècle de la même manière que l’on voit l’épouse d’Antoine, la célèbre Cléopâtre, percer d’une épingle d’or la langue du plus grand orateur romain dont elle tenait la tête sur ses genoux. L’histoire nous transporte aux différents âges du monde, et c’est cette messagère immortelle qui nous montre les bienfaits du christianisme, le triomphe de la civilisation pour le plus grand bonheur des individus et des peuples d’origine différente qui habitent la terre que Dieu leur la léguée : terram autem dedit filiis hominum. Dans ce coin de l’univers où furen persécutés les compagnons des Poutrincourt et des DeMonts, il y aura indemnité pour l’opprobre : la nation a gémi, selon le fameux mot de St. Augustin, elle devra aussi se réjouir. Déjà quelques-uns de ses enfants permettent de croire à la réalisation d’une partie de ses espérances les plus chères. C’est assez dire que le présent, malgré que tout ne soit pas encore couleur de rose chez-nous, permet aussi d’envisager l’avenir le courage et l’espérance au fond de l’âme. Une institution, le Collège St. Joseph, sous la sage direction d’un religieux au patriotisme noble et généreux, fait actuellement un bien immense parmi nos frères au Nouveau-Brunswick; comme le fait remarquer l’écrivain magnanime qui s’intéresse tant à nous, du jour où il y aura une pareille institution, solidement fondée, dans cette partie de la Nouvelle-Ecosse, l’avenir du groupe qui l’habite sera pour jamais assuré. En attendant, si l’EVANGÉLINE peut jouer un rôle quelconque dans les (illisible) destinées du groupe d’Acadiens répandu depuis Digby jusqu’à Pompcoup, nous nous considérerons amplement dédommagés de nos peines, fiers comme si nous avions individuellement touché à la réalisation d’un rêve doré.