Correspondance

Journal
Année
1901
Mois
4
Jour
18
Titre de l'article
Correspondance
Auteur
Amicus
Page(s)
6
Type d'article
Langue
Contenu de l'article
Correspondance M. le Rédacteur Quelle est l'origine de la langue française? Nous lisons dans l’histoire Ancienne par Rollin une hypothèse, fabuleuse sans doute, que les Assyriens, étant un peuple plein de vanité tentèrent, durant le règne de Nimrod de bâtir un temple donc le sommet duquel s’élèverait jusqu’aux nues. Dieu jetant un regard sur un tel ouvrage, le fit cesser par la confusion des langues. Serait-ce à cette époque que le langage français a pris naissance? C'est vrai, ce langage comme tout autre, a subi dans les cours des temps, de notables modifications qui le rend ce qu'il est aujourd’hui. Dieu créa Adam, et lui donna le don de pouvoir exprimer ses pensées en paroles. Jusqu’à quelle époque les descendants d’Adam parlèrent-ils le langage que parlait leur père? Peu importe que nous le sachions ou non ; cela ne nous empêche pas néanmoins d’aimer d'avantage notre langue. C’était le langage aimé de nos pères, ce langage qu’ils ont apporté de la noble France, et pour lequel ils auraient fièrement et glorieusement donné jusqu’ à la dernière goutte de leur sang. Ils n’hésitaient pas à braver les obstacles les plus redoutables pour la propagation de ce qui leur était le plus cher. Restons fidèles aux traditions de nos pères. Imitons-les, et tâchons de faire les plus grandes démarches possibles pour faire propager la langue française que nous avons conservée avec un soin jaloux. Nous sommes entourés par d’autres nationalités qui se feraient un plaisir de faire à jamais disparaitre jusqu'au dernier vestige cette belle langue ; mais préparons nos boucliers et nos épées et allons à leur rencontre sur leur propre terrain, et montrons par nos exemples que nous combattrons pour notre cause, coûte que coûte. Nous sommes accusés d'avoir des sentiments de déloyauté dans nos cœurs. Accusations fausses et malicieuses. Trois de nos acadiens de l’Ile n'ont pas hésité à laisser leurs foyers paternels pour aller affronter les fatigues et les horreurs de la guerre, de combattre, de verser leur sang, et de laisser leurs os sur les plaines de l’Afrique, pour maintenir la renommé de la puissante Albion. Cette image de loyauté chez les français de la puissance du Canada est peinte en couleurs toutes aussi brillantes et aussi éclatantes que chez les autres nationalités. Quoique nos pères aient été maltraités d’une manière cruelle en 1755 et en 1758, lorsqu'ils furent brutalement chassés de leurs pays, nous, leurs descendants restons loyaux. Ce traitement inique des Anglais restera chez eux une souillure à jamais ineffaçable. Mais nous pouvons pardonner le passé et rester loyaux. Nous savons que notre emblème national est le castor et la feuille d’érable. Que le souvenir de cette emblème nous donne des sentiments nobles et élevés, des résolutions de faire du Canada un pays fort qui dès aujourd’hui montre un si brillant et glorieux avenir. Mais n’oublions pas que notre premier devoir et de faire aimer à la jeune génération le langage que nous avons hérité de nos pères. Nous devons faire de nouvelles démarches sur l'enseignement. D’abord, on ne devrait pas forcer à coup de férule, les élèves d’apprendre par cœur les règles de grammaire, toujours si ennuyeuses et détestables chez les commençants, mais de les leur expliquer d’une manière simple et précise afin qu'ils récoltent le fruit des explications données. Qu’un bûcheron prenne sa hache et frappe avec la tête de cet instrument sur un arbre, va t-il faire du progrès? Certainement non : mais qu'il prenne le tranchant et ses superbes vétérans de la forêt seront abattus à ses pieds sans difficultés. De même avec l'enseignement. Prenons de bonnes méthodes et nos efforts seront couronnés de succès. 0 mânes de nos pères que vous seriez contents d'apprendre que l'enseignement de la langue française est exécuté d'une manière honorable et que nous faisons tous les efforts possibles pour conserver ce précieux héritage que vous nous avez légué. AMICUS